18/02/08 (B435) LE FIGARO : Deux opposants tchadiens manquent à l’appel (Info lectrice)
Thierry Oberlé
L’Union européenne réclame des nouvelles de deux chefs de file de l’opposition légale toujours portés disparus à N’Djamena.
Le sort des opposants tchadiens enlevés à leur domicile par des hommes en uniforme demeure une épine dans le pied de la diplomatie française.
Treize jours après le rapt de trois responsables de l’opposition légale au régime d’Idriss Déby, Paris n’aurait obtenu de son allié tchadien que des informations sur l’une des trois victimes de la répression, l’ex-président Lol Mahamat Choua.
Cet ancien chef de l’État au pouvoir durant quelques mois en 1979 entre deux coups de force militaire est, selon l’ambassadeur de France Bruno Foucher, détenu dans une prison militaire de la capitale. Aucune précision n’est donnée sur son état de santé ainsi que sur les raisons de son arrestation. Le Quai d’Orsay se contente d’indiquer qu’il devait recevoir hier la visite de la Croix-Rouge.
Lol Mahamat Choua est considéré comme l’une des rares personnalités politiques tchadiennes pouvant tenir tête au président.
Homme des transitions pacifiques, il symbolise l’accord d’août 2007 pour la mise en place d’un processus démocratique conclu sous l’égide de l’Union européenne. Il a été kidnappé par des membres de la garde présidentielle le jour du reflux des rebelles de N’Djamena.
Après être resté en retrait sur cette affaire dont il ne pouvait pourtant ignorer l’existence, Paris a fini par exiger des éclaircissements. Bernard Kouchner a demandé la remise en liberté de Lol Mahamat Choua si les autorités ne formulent pas d’accusation à son encontre.
Le ministre des Affaires étrangères a exprimé le même souhait pour Ngarlejy Yorongar et Mahamat Saleh Ibni Oumar.
Mais un silence inquiétant entoure la situation de ces deux autres figures de proue de l’opposition.
Ngarlejy Yorongar est un député fédéraliste respecté et Mahamat Saleh Ibni Oumar est le porte-parole de la principale coalition de l’opposition. Ils auraient pu servir en cas de victoire de la rébellion de passerelle en vue de la création d’un gouvernement civil de transition.
État d’urgence
En pointe dans ce dossier, l’Union européenne devrait inviter lundi le président tchadien, Idriss Déby Itno, à libérer « immédiatement » les opposants disparus.
La résolution propose d’« appeler le président Déby à agir avec modération » et « à libérer immédiatement » les opposants. Sans tenir d’éventuels chefs d’inculpation. Une absence de réponse tchadienne pourrait compliquer les relations entre Paris et ses partenaires européens.
L’UE demande également aux gouvernements du Soudan et du Tchad « de cesser immédiatement de soutenir et d’équiper les groupes armés » afin d’« arrêter l’escalade actuelle des combats ». Si les Soudanais appuient en sous-main les mouvements rebelles qui tentent de renverser Idriss Déby, les Tchadiens interviennent, de leur côté, en faveur le Mouvement de libération du Soudan (MSL) et le Mouvement de la justice et de l’égalité (MJE), deux groupes d’insurgés impliqués dans les affrontements au Darfour.
« Déby finance les rebelles du Darfour », assure Ousmane Hussein, le porte-parole des rebelles tchadiens à Paris. Certains de ces groupes empêcheraient des civils du Darfour qui fuient les atrocités de franchir la frontière du Tchad.
Idriss Déby a proclamé hier l’état d’urgence pour contrôler les mouvements sur le territoire et réduire les libertés publiques. Hanté par les trahisons dans son entourage, il a nommé ministre de la Défense l’un de ses proches, Mahamat Ali Abdallah Nassour.
Le portefeuille de la Défense était vacant depuis décembre, lorsque le chef de l’État avait chassé Mahamat Nour Abdelkerim, un ancien dirigeant rebelle qui l’avait rallié mais dont la loyauté était mise en cause. Issu de l’ethnie présidentielle des Zaghawa, Nassour était jusqu’à présent ministre des Mines et de l’Énergie, un secteur clé puisqu’il permet de contrôler la rente pétrolière.