04/03/08 (B437) AMNESTY INTERNATIONAL / Somalie. Les journalistes sont confrontés à des attaques délibérées et systématiques (De nombreuses menaces, y compris de la part de représentants diplomatiques éthiopiens en Somalie …) Amnesty demande à tous les gouvernements d’accorder un droit d’asile aux journalistes qui fuient les violences dont ils sont les victimes)

Amnesty International a révélé ce lundi 3 mars l’étendue de la répression à laquelle sont confrontés les journalistes somaliens qui tentent de couvrir le conflit en cours dans ce pays ravagé par la guerre ; selon l’organisation, la menace envers les journalistes somaliens est aujourd’hui la pire depuis le renversement du gouvernement de Mohamed Siyad Barré en 1991.

« Les homicides, arrestations et menaces de mort dont les journalistes somaliens sont la cible ne sont pas un simple effet collatéral malheureux du conflit et de l’insécurité générale en Somalie – ils constituent une tentative délibérée et systématique, par toutes les parties au conflit, de tarir le flot d’informations en provenance du pays », selon Michelle Kagari, directrice adjointe du programme Afrique d’Amnesty International.

Depuis février 2007, neuf journalistes somaliens ont été tués. Des menaces de mort et arrestations ont contraint au moins 50 journalistes à chercher refuge dans les pays voisins.

Des journalistes ayant fui Mogadiscio pour les pays voisins ont déclaré à Amnesty International qu’ils recevaient régulièrement des menaces de mort lorsqu’ils faisaient état des pertes de l’une des parties au conflit. Les menaces prennent généralement la forme d’appels sur des téléphones portables, avec le numéro de l’appelant caché, et le plus souvent la personne qui appelle se présente comme appartenant à l’Agence nationale de sécurité du gouvernement fédéral de transition.

« Les journalistes pris pour cibles sont menacés de mort, de disparition forcée ou d’arrestation s’ils ne retirent pas leurs articles sur Internet – une attaque grossière et brutale de leur droit à la liberté d’expression », a déclaré Michelle Kagari.

Deux journalistes ont déclaré à Amnesty International avoir personnellement reçu des menaces de représentants diplomatiques éthiopiens à Mogadiscio.

D’autres journalistes ont déclaré à l’organisation avoir reçu des menaces répétées de groupes armés combattant le gouvernement fédéral de transition et les forces éthiopiennes. Un journaliste a déclaré à Amnesty International : « J’avais écrit dans un article que deux insurgés avaient été tués. On m’a appelé sur mon téléphone portable pour me dire : « Pourquoi as-tu écrit cela ? » J’ai répondu : « C’est la vérité. Je dois l’écrire. » Mon interlocuteur m’a dit alors : « On te met sur la liste de ceux que nous allons tuer » ».

D’autres journalistes ont été arrêtés à maintes reprises par les forces du gouvernement fédéral de transition ou l’armée éthiopienne. Beaucoup ont reconnu ceux qui les avaient fait prisonniers comme faisant partie de l’Agence nationale de sécurité, dirigée par le général Mohamed Aden, connu sous le nom de général « Darwish ». Ils ont généralement été arrêtés après avoir réalisé des interviews ou écrit des articles portant sur le conflit – en particulier des interviews d’opposants au gouvernement.

Certains ont déclaré à Amnesty International que pendant qu’ils étaient interrogés, des membres de l’Agence nationale de sécurité discutaient ouvertement entre eux pour savoir s’il fallait ou non tuer le journaliste.

« Les journalistes somaliens luttent pour faire leur travail dans l’un des contextes les plus dangereux et les plus difficiles que l’on puisse imaginer, a déclaré Michelle Kagari. Les attaques et les menaces dont ils font quotidiennement l’objet constituent une tentative délibérée pour faire taire ceux qui révèlent les atteintes aux droits humains perpétrées par toutes les parties au conflit en Somalie. Il faut protéger ces personnes. »

Amnesty International a appelé tous les gouvernements à accorder refuge aux journalistes somaliens forcés de fuir la Somalie et à ne contraindre aucun journaliste à retourner dans le pays.

Complément d’information

Les attaques contre les médias en Somalie marquent un recul dans le développement de la liberté d’expression dans le pays. En 2005 et 2006, de nouvelles stations de radio et de télévision, des journaux et des sites web se sont ouverts – les sujets traités et les liens de ces médias avaient commencé à s’étendre au-delà des allégeances aux clans et seigneurs de la guerre.