11/03/08 (B438) LE MONDE : Comment assécher les filières de l’exil
Introduits par la France dans le débat européen, aujourd’hui utilisés par les Etats de l’espace Schengen, les visas de transit aéroportuaire (VTA), exigés pour effectuer une escale dans un aéroport de transit, permettent aux autorités de contrôler l’embarquement d’étrangers sur les vols internationaux non directs. En France, depuis les premiers, institués en 1995, la liste des pays visés n’a cessé de s’allonger. Elle compte aujourd’hui 22 pays, en plus des 12 soumis à cette obligation dans l’ensemble de l’espace Schengen, un record en Europe. La liste nationale espagnole, par exemple, compte 8 pays.
Les autorités françaises ont ajouté à leur liste, par arrêtés des 15 janvier et 1er février, Djibouti et « les Russes provenant d’un aéroport situé en Ukraine, Biélorussie, Moldavie, Turquie ou Egypte ». Hasard ?
Ces ajouts ont eu lieu après un pic d’arrivées, fin décembre 2007, de personnes fuyant des situations de guerre en Somalie (souvent en l’occurrence sous couvert d’un document de Djibouti) ou en Tchétchénie.
Cette mesure vise, affirme le ministère de l’immigration, à assécher les filières d’immigration clandestine transitant par Paris. Les associations constatent que « ce sont les principales nationalités sollicitant l’asile à la frontière qui font l’objet d’une telle mesure ». « Leur instauration a immédiatement pour effet de faire chuter voire de neutraliser la demande d’asile en provenance de ces Etats », relèvent le Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti) et l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (Anafé) dans un recours en annulation des arrêtés fixant la liste des ressortissants soumis au VTA. Recours que doit examiner, jeudi 13 mars, le Conseil d’Etat.
« Depuis l’instauration de deux nouveaux VTA, pratiquement plus aucun Somalien ou Tchétchène n’arrive à Roissy, observe Caroline Maillary, de l’Anafé. Extrêmement difficiles à obtenir, les VTA ont pour effet d’empêcher l’embarquement sur des vols internationaux de personnes tentées de demander l’asile au cours d’un arrêt en France. »
Jusqu’au dernier trimestre 2007, le taux d’amission des Tchétchènes était de 100 %. Dans un rapport publié en novembre 2006, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) appelait les autorités françaises à « s’abstenir d’imposer l’exigence de VTA aux ressortissants de pays en grande instabilité politique et en proie à la violence, dont sont originaires de nombreux demandeurs d’asile ».
Laetitia Van Eeckhout