17/04/08 (B443) Le Parisien – A bord du « Ponant », après le passage des pirates.
Anne-Cécile Juillet
Alors que les six Somaliens étaient en garde à vue à Paris hier, l’armateur du « Ponant » et le ministre de la Défense visitaient le trois-mâts à Djibouti avant que le voilier de luxe ne revienne sous escorte à Marseille.
SEULE UNE VISITE ministérielle pouvait le retenir quelques instants de plus dans les chaudes eaux du port de Djibouti. Hier, peu avant midi, « le Ponant » – avec ses douze nouveaux membres d’équipage, dépêchés en urgence pour prendre le relais de leurs malheureux compagnons pris en otages – a levé l’ancre. Direction Marseille, le siège de la CMA-CGM, la compagnie qui l’exploite, escorté par la frégate « Surcouf ».
Un retour dare-dare, pour oublier le plus rapidement possible la calamiteuse semaine qui a transformé le voilier de luxe en camping de fortune pour les trente membres de l’équipage et leurs douze ravisseurs.
« C’était vraiment une porcherie »
Sur le majestueux trois-mâts, vieux d’une vingtaine d’années et long de 89 m, « le gros du ménage a déjà été fait », confie Stéphane, l’un des matelots de l’équipe. « En fait, c’était vraiment une porcherie lorsque nous sommes montés. Il y avait des déchets partout. Les chèvres apportées à bord par les pirates ont été égorgées et grillées sur le pont !… »
A l’intérieur, les impacts de balles de kalachnikovs tirées lors de l’abordage ont déchiré le cuir des canapés d’un des salons, explosé une paroi de verre, perforé le linteau d’une porte. Dans une vitrine qui d’ordinaire propose des bijoux à la vente, seules les boîtes, vides, demeurent : les pierreries, envolées, sont certainement du butin des pirates.
Des dégâts malgré tout relativement restreints. « On est tristes de voir notre bateau comme ça, mais franchement, ce qui compte, c’est que nos potes soient sains et saufs », avoue Jean-Marc, responsable hôtellerie du « Ponant » depuis quatorze ans.
Avant-hier, toute la journée, les gendarmes de l’Institut de recherches criminelles de la gendarmerie nationale, de Rosny-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), ont pris des photos de l’intérieur du « Ponant », sous toutes ses coutures, analysé les traces balistiques, relevé des empreintes. « Ils ont même fouillé les poubelles ! » plaisante un marin.
Jean-Louis Gaudraire, le représentant de l’armateur à Djibouti, espère voir « le Ponant » naviguer à nouveau bien vite. « Nous sommes heureux aujourd’hui. Quelques mois avant nous c’était un bateau danois qui avait été pris en otage, cela avait duré près de trois mois… Alors, quant à savoir si nous repasserons par ici, pourquoi pas, explique-t-il, mais à l’unique condition que nous soyons désormais escortés en passant au large du Yémen ou de la Somalie. » Sur le pont supérieur, Stéphane le matelot croit bien qu’après la prise en otages de ses confrères, « les choses vont bouger ». « Cela fait des années que je passe ici deux fois par an et qu’à chaque fois on redoute une attaque. Cette fois, c’est la bonne pour qu’il y ait une prise de conscience pour une force internationale, non ? »
Sur le pont inférieur, Hervé Morin, le ministre de la Défense, constate les dégâts, après avoir longuement félicité, sur le porte-hélicoptères « Jeanne d’Arc » tous les acteurs de l’opération Thalatine, un mot qui signifie trente en somalien, comme le nombre des « ex-otages à ramener vivants ». « Vous rendez service au ministre de la Défense, à l’heure où les budgets sont en train d’être attribués », lance-t-il, un tantinet goguenard, aux militaires. Martelant sans cesse, pour couper court à la polémique, que l’opération Thalatine était « légale ».