21/09/08 (B466) CLICANOO (Île de la Réunion) / Un rapport français en gestation sur la piraterie maritime

Christian Ménard, député UMP du Finistère et secrétaire de la commission de la Défense nationale et des forces armées, planche sur un rapport sur la piraterie maritime. L’objectif ? Mesurer le phénomène, notamment au large de la Somalie où il ne cesse de prendre de l’ampleur et y apporter des solutions.

Interview.

JIR : Quel est l’objectif de ce rapport sur la piraterie maritime ?

Christian Ménard : On m’a confié cette mission après l’affaire du Ponant. L’objectif est de dresser un état des lieux de la piraterie maritime à travers le monde ainsi qu’une série de recommandations pour y faire face. Il doit être bouclé pour octobre-novembre.

Le phénomène ne cesse de prendre de l’ampleur en Somalie, pourquoi ?
Effectivement, le Bureau maritime international comptabilise un total de 55 navires attaqués depuis janvier dans cette zone (ndlr : jeudi dernier). Tout cela entraîne des incidences importantes sur le tourisme, le commerce et maintenant la pêche dans la zone. C’est l’une des voies maritimes les plus empruntées au monde. Au départ, il s’agissait de pêcheurs d’une extrême pauvreté qui ont vu dans le brigandage (ndlr : terme employé lorsque les pirates agissent dans leurs eaux territoriales) un exutoire à leur condition alors que le pays souffre de la guerre civile depuis dix-sept ans.

Aujourd’hui, on constate qu’ils sont bien armés avec des kalachnikovs et des lance-roquettes. Dans le Puntland, des camps d’entraînements ont été repérés, ce qui dénote une véritable organisation, une hiérarchie. Il existe même une sorte de règlement interne avec des amendes. Si un “pirate” touche à un otage par exemple, il doit payer 500 dollars… Ces groupes ont désormais la capacité de dépasser les eaux territoriales somaliennes en utilisant des bateaux-mères. L’attaque du thonier Le Drennec le prouve

(*). Ils agissent pour récupérer des rançons. C’est principalement l’argent qui les motive à première vue.

Certains évoquent pourtant des liens entre ces pirates et le terrorisme, qu’en est-il ?
Leur armement peut pointer en ce sens, même si lorsque les islamistes étaient au pouvoir en Somalie, ceux-ci luttaient contre les actes de piraterie. Quoi qu’il en soit, jusqu’ici, on n’a jamais pu apporter la preuve d’un tel lien. La réciproque est vraie d’ailleurs.

Il existe deux autres grandes zones de piraterie dans le monde ?
Oui. Dans le détroit de Malacca, c’est une activité à part entière. On est pirate pratiquement de père en fils. La Malaisie, Singapour et l’Indonésie se sont entendus pour enrayer ce phénomène qui devenait extrêmement gênant pour le commerce dans cette zone.

Grâce à un droit de poursuite pour toutes les marines à travers les différentes eaux territoriales, ces trois pays ont réussi à réduire de façon importante les attaques. Mais ils existent toujours. Dans le golfe de Guinée, on a affaire à un brigandage maritime très violent. On trouve ici une manne pétrolière extraordinaire.

Le Nigeria est la 7e réserve d’hydrocarbures du monde et la 9e en gaz. Ce pays approvisionne 15 % des importations des États-Unis. Ici, la piraterie se teinte de considérations politiques. Le Mouvement d’émancipation pour le delta du Niger justifie de tels actes comme moyen pour réclamer une meilleure répartition des richesses. Les exactions contre les plateformes offshore ont fait baisser la production de pétrole dans la zone d’entre 25 % et 30 %…

Et dans d’autres zones du monde ?
Aux Antilles, le brigandage est présent. Autour de la Guyane par exemple.

Des actes de ce genre menés par des ressortissants d’un pays riverain ont été recensés. Les eaux du Venezuela, pays producteur de pétrole, pourraient également connaître le développement du phénomène.

Quelles sont les hypothèses permettant de mettre un terme à ces actes au large de la Somalie ?
Plusieurs solutions sont envisageables. L’une d’elles consiste à constituer une force internationale, une police des mers dans la zone. L’Espagne a déjà annoncé l’envoi d’un avion. En juin dernier, malgré les réticences de la Chine, le conseil de sécurité de l’ONU, a autorisé la poursuite des pirates par des marines étrangères dans les eaux territoriales somaliennes.

Reste que le processus de création d’une telle force demande du temps.

Il y a une carte à jouer pendant que la France assure la présidence de l’Europe. La constitution de convois avec des bâtiments de protection peut se révéler utile ponctuellement. Systématiser cette solution semble, à mon avis, plus que difficile que ce soit pour les navires de commerce ou de pêche. La protection, autour et/ou à bord des bateaux, par des privés est déjà employée par les Américains dans le golfe de Guinée.

Cela implique que les armateurs payent pour leur sécurité, donc qu’ils s’y retrouvent financièrement. Cette solution pose des problèmes d’ordre juridique en cas d’accrochages armés voire de morts… Il existe des sociétés de ce genre en France. Il ne faut par ailleurs surtout pas occulter l’importance du développement du pays. En donnant des moyens pour le favoriser, les raisons économiques de tels actes tombent d’elles-mêmes.

Entretien Bruno Graignic

(*) Cette attaque est survenue à 420 milles des côtes somaliennes loin des eaux territoriales de ce pays.