11/10/08 (B469) Progrès de Lyon / La veuve du juge Borrel poursuit son combat contre la raison d’Etat (E Borrel, invitée avec B Nicolas par Survie St-Etienne)

Treize ans de combat n’ont pas entamé sa volonté. Et encore moins sa dignité, qu’elle brandit à chaque fois qu’elle évoque son mari. Elisabeth Borrel, la veuve du juge assassiné en 1995 à Djibouti, était présente hier à Saint-Etienne pour une conférence.

Invitée par l’association Survie Loire, elle était aux côtés du journaliste Bernard Nicolas, qui a réalisé un documentaire sur l’affaire en 2006.

Treize ans, c’est long. Et l’on sent, sous la voix révoltée, une vraie souffrance. La souffrance que « mon pays ait voulu me cacher la vérité », affirme-t-elle. Car la thèse du suicide a longtemps prévalu, malgré des éléments matériels indiscutables. La souffrance, aussi, des rumeurs colportées sur son mari, « qu’on a tenté de salir pour justifier le suicide ». La souffrance, enfin, d’une enquête qui s’éternise « car dictée par la raison d’Etat ». Elisabeth Borrel est magistrate. « De toute ma carrière, je n’ai jamais vu un dossier comme ça » déclare-t-elle. Un dossier où les obstacles sont venus de haut. De très haut. Car la France a des intérêts géostratégiques évidents dans cette région de l’Afrique.

Les derniers mois lui ont toutefois redonné des raisons d’espérer. D’une part son entrevue avec le président de la république : « Nicolas Sarkozy a déclaré qu’il ne ferait pas obstacle à la levée du secret défense. Nous ferons bientôt une demande en ce sens ». Cela permettra sans doute de découvrir de nouveau éléments étayant la thèse de l’assassinat.

D’autre part, des décisions de justice sont venues la conforter dans la version qu’elle soutient : le tribunal correctionnel de Versailles a condamné deux hauts fonctionnaires djiboutiens pour subornation de témoins. Et la Cour internationale de justice de La Haye a confirmé la décision française de ne pas transmettre le dossier aux autorités djiboutiennes. Car c’est ce qu’elle redoute le plus aujourd’hui : que la justice djiboutienne boucle l’enquête. « Automatiquement, le dossier serait alors classé en France ». Et l’on ne saura jamais, alors, ce qui est arrivé à Bernard Borrel. « Je ne comprendrai pas que l’assassinat d’un juge reste impuni dans une démocratie ».

Jean-Hugues Allard