06/05/09 (B497) On combat les idées nuisibles de la tyrannie par d’autres idées et la caricature pour mieux se faire comprendre. On combat le mensonge par la vérité. (Par Bouh Warsama)  


Caricature par
Roger Picon

Depuis une certaine auto-
proclamation à la tête du pays, Djibouti a bien changé.

Si dans certains domaines on peut parler – en toute objectivité – de modernisation toute relative des outils administratif et économique ( bien qu’il y ait beaucoup « de poudre aux yeux ») – il est, d’autre part, incontestable que le pays a laissé sur le bord de la route du « progrès » tout à la fois politique, économique et social, l’immense majorité de ses citoyens et de ses citoyennes à qui on avait TOUT promis en des remps pas si lointain ; y compris la lune aux fins de rassurer et d’éviter l’explosion sociale.

Quelques uns et une …ont fait beaucoup plus de profits que l’on aurait pu l’imaginer alors que parallèlement à cela plus de 95 % de la population s’est appauvrie au point, bien souvent, de ne pouvoir prendre qu’un modeste repas par jour. Nombreux sont les Djiboutiens et les Djiboutiennes sans emploi ( plus de 85 % de la population dite en âge de travailler) qui s’éveillent le matin sans savoir où trouver de quoi se nourrir et nourrir leurs enfants.

Les nouveaux nés djiboutiens n’échappent hélas pas à cette règle qui veut que les 30 millions d’enfants de faible poids qui naissent chaque année dans le monde (24 % des naissances, soit plus du quart selon l’OMS) sont souvent exposés à de graves problèmes de santé à court et long terme. Le faible poids est la principale cause de mortalité infantile ; la dénutrition est à l’origine de 53 % des décès de nouveaux-nés et d’enfants en bas âge. De même une insuffisance nutritionnelle de la mère pendant la grossesse est à l’origine de bien des problèmes de développement de l’enfant.

Le pays n’a point réformé ses institutions ni créé de biens communs et encore moins d’acquis sociaux. Puis et comme si cela ne suffisait pas, la « République de façade » – qui est en fait « bananière » – s’est laissée emporter dans la vague mondialiste d’un paraît-il libéralisme économique qui devait – d’après IOG – rapidement annihiler toutes les misères à Djibouti comme ailleurs.

En matière de supposée information, les mensonges de la propagande gouvernementale ont recouvert tous les espaces publics, alors que la presse et les médias locaux ont été totalement verrouillés politquement et inféodés à un pouvoir du Palais de l’Escale qui n’hésite pas à payer grassement quelques « journaleux ».

« Journaleux » de l’alimentaire bien éloignés du journalisme d’information – friands de la copieuse gamelle servie quotidiennement par le Palais – et affiliés à la Police politique des SDS (Services Djiboutiens de Sécurité) ; hommes qui vendraient sans nulle hésitation père et mère pour quelques argents et jouant le rôle de délateurs écumant les quartiers de la capitale et les mabrazes tout en veillant dans leurs écrits paraissant dans le « papier WC local » ayant paraît-il valeur de …journal…à ce que leurs Excellentissimes Sérénités soient sans cesse encensées et glorifiées. Véritable culte de la personnalité à l’obséquiosité ridicule ayant valeur d’odieuse farce comparativement aux vérités criardes qu’ils ne sauraient exprimer dans leurs écrits.

Depuis la première autoproclamation du tyran à la tête de l’Etat, une artificielle économie de marché a gagné les hautes sphères de …au fur et à mesure que la corruption se généralisait et que les caisses se vidaient. Mais tant le rêve que les promesses d’Ismaïl Bobard se sont effondrés depuis belle lurette alors que jour après jour Djiboutiens et Djiboutiennes prenaient lentement conscience de l’ampleur de la supercherie imposée par IOG…..

Nombreux sont celles et ceux qui avouent regretter le temps béni d’Hassan Gouled et des quelques années qui ont succédé à l’indépendance du pays ; même si le parfait n’existait pas, pour le moins avait-on un droit qui est celui de l’expression.

Sous Ismaïl Bobard, les inégalités sont devenues criardes, l’emploi s’est raréfié pour devenir en quelques 10 années une véritable catastrophe pour les familles, le pays est devenu moins sûr tout comme la fourniture d’eau et d’électricité.

Et tandis que les grands commerçants s’exportaient, multipliant leurs profits à Dubaï, pas très loin chez les voisins du Yémen et ailleurs, de plus en plus en plus de citoyens ont vu leur vie changer les poussant immanquablement et pour beaucoup vers un exil incertain dans les pays occidentaux alors que le pouvoir « importait du Somaliland et de la région de Dire Dawa » des populations étrangères bien plus malléables……et très souvent installées dans le Nord ouest et dans le Nord, en pays afar.

Pour " adapter Djibouti " aux nouvelles contraintes du " marché " mondial les décisions politiques ne dépendent plus des choix des citoyens, mais des nécessités impérieuses de l’économie ; or cette économie est au fond du gouffre !

Pour rendre l’Etat djiboutien rentable – tout en continuant de « couvrir les corruptions » à haut niveau de responsabilités, il a fallu le vendre peu à peu, par morceau, en privatiser les Etablissements Publics Industriels et Commerciaux (EPIC), déréglementer voire tricher ouvertement en contournant ouvertement les lois de la république.

Et voilà comment le " marché ", nouveau pouvoir au visage falsificateur et incertain, puise allèrement dans les caisses de l’Etat, a fermé toutes les portes de ce que l’on pouvait espérer en matière d’ouverture à la démocratie et aux progrès économique, politique et social.

Coincés entre la carotte (promesses) et le bâton, voire Gabode pour les plus récalcitrants, Djiboutiens et Djiboutiennes sont comme l’âne ; ils doivent baisser seulement la tête, ne pas lancer de ruade et avancer au pas imposé par Ismaïl Bobard qui oublie un peu trop vite qu’ils et elles sont infiniment plus nombreux que sa Police Politique avec la possibilité de manifester, de crier et bien d’autres choses.

Et tant qu’il reste aux exilés du temps pour penser, pour lire, pour se documenter dans leur situation d’éloignement, il leur reste l’arme absolue : celle de comprendre et de communiquer pour informer.

Tant que quelques-uns, que quelques-unes, ont encore ce temps pour eux, rien n’est perdu.

Ils pourront dessiner le visage inconnu du futur marché, peindre les rouages de la future mécanique sociale, et montrer que notre nature n’est pas faite de ces désordres imposés et organisés pour contraindre, mais d’échanges et de volontés de bâtir un « autre demain ».

Précisément, c’est à ceux qui pensent qu’actuellement les cancres à la tête de l’Etat djiboutien s’attaquent : les chercheurs, les universitaires, les enseignants, les artistes, les journalistes, dessinateurs et caricaturistes.

Ceux qui créent des représentations du monde, comme une loi scientifique, un cours, ou encore un spectacle aussi modeste soit-il pour dénoncer la misère à Djibouti et ce que vivent les familles au quotidien.

A ceux-là on demande de se taire, quitte à les menacer des pires représailles contre eux et surtout contre leur famille vivant à Djibouti ; mais rien à faire, ils et elles résistent et pensent le monde d’un demain à court terme, un monde pour les enfants Djiboutiens qui doivent vivre sur leur terre et non point en exil.

Acculé, aux abois, ne sachant que réprimer et point construire, l’Etat actuel tente même d’augmenter la peur et l’illusion, plus de carottes, plus de coups de bâton.

Malgré cela, malgré toutes les contraintes qu’on leur impose pour les faire taire ce sont eux qui aujourd’hui forment le nouveau mouvement social, avec ceux qui n’ont plus rien à perdre tant ils ont déjà perdu ; tout perdu ou presque, exceptée cette opiniâtre volonté de combattre la tyrannie. Et les citoyens les plébiscitent : un autre espoir, pour changer des carottes.

Ce mouvement d’opposition s’invite en Occident, à la radio ou sur les plateaux de télévision, tente de communiquer avec la société djiboutienne toute entière par l’entremise de leurs pays d’accueil.

Celui qui combat contre l’Etat tyrannique peut subir des échecs car c’est souvent le prix à payer ; mais viendra forcément le temps de la victoire qui ne pourra se faire que dans l’union.

Celui qui ne combat pas a déjà tout perdu, il ne lui reste même plus sa dignité.

Que Dieu ait pitié de son âme de vieillard solitaire.