10/10/09 (B530) FreeDjibouti -> DJIBOUTI PEUT-IL SORTIR DE L’IMPASSE ?.

Par FreeDjibouti

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Guelleh ne quittera jamais le pouvoir ni en 2011 ni en 2017…..etc. C’est une évidence.

Comme à son habitude, il se servira de tous les moyens, y compris les plus violents et les plus perfides, pour se maintenir au pouvoir. Il continue et continuera ainsi de prendre le pays en otage et d’usurper le pouvoir.

S’il y a eu une surprise au cours des dernières années, elle provient de l’attitude des partis de l’opposition qui n’arrivent pas à s’entendre sur un objectif commun : celui de débarrasser Guelleh du pouvoir.

Il est indécent de voir ces partis se disputer et poser la question de leur suprématie alors que Guelleh conforte son pouvoir en martyrisant le peuple.

Où va donc l’opposition djiboutienne ? Où se trouvent les «représentants» du peuple ? Peut-on compter sur cette opposition là ? A-t-elle une stratégie autre que celle consistant à «soigner» ses propres intérêts au détriment du bien-être collectif ?

Il y a lieu de s’interroger sur la consistance et les capacités de cette opposition à faire évoluer la situation dans un sens favorable à la Nation. Au fond, comment cette opposition entend-elle la démocratie? Sa définition de la démocratie est-elle fondamentalement différente de celle du RPP? Je vous soumets des éléments de réponse dans un esprit constructif mais selon mes prismes d’analyse.

Des élections pour quoi faire?

Guelleh a mis en place des moyens colossaux, crapuleux et anti-constitutionnels pour se faire proclamer Président. Il n’a rien négligé pour atteindre son objectif: embastillement sans raison de dirigeants de l’opposition; instauration de climat de violence et de terreur; rafistolage de la loi fondamentale pour modifier, en sa faveur, les règles et conditions sous-jacentes à l’éligibilité aux plus hautes fonctions de l’état; mise en place de structures subordonnées à la cause du régime; noyautage de toutes les composantes des appareils administratif, institutionnel et judiciaire du pays; confiscation totale et appropriation frauduleuse des moyens financiers de l’état ainsi que des médias nationaux, etc..

À l’évidence, l’opposition n’est en mesure ni de faire campagne ni d’assurer la protection de ses militants et responsables sur toute l’étendue du territoire.

Dès lors faut-il participer à la mascarade du 9 avril 2011 alors qu’on dénonce l’iniquité de l’élection présidentielle à venir?

La réponse est évidente: c’est non.

Pour moi, un véritable parti politique ne devrait participer aux élections que dans l’espoir de les gagner afin d’être en mesure d’appliquer ses idées (ou un programme commun de gouvernement en cas d’alliance des partis de l’opposition).

En d’autres termes, la participation à une consultation du peuple peut être interprétée comme une occasion pour présenter un programme et des choix de société ou pour diffuser ses idées afin de les confronter à celles des autres partis ou organisations. Ainsi, participer aux élections ne signifie pas faire de la figuration ou servir de faire-valoir à un autre parti ou à un homme, à moins d’en être un allié.

On n’entraîne pas, sans conséquences néfastes (en particulier, la perte de confiance), un pays tout entier dans un processus voué à l’échec et non porteur de réponse appropriée à ses problèmes: la faim, la pauvreté, l’absence des libertés élémentaires, le manque de soin, la tyrannie, l’intimidation et la violence, le despotisme, l’obscurantisme politique, etc.

Dans la situation djiboutienne actuelle, l’opposition celle qui s’est autoproclamée la plus «représentative», donne l’impression de ne pas savoir où elle va ou de se tromper d’enjeux, de stratégies ou d’objectifs. Elle ne semble avoir des idées claires ni sur les stratégies à adopter pour se débarrasser définitivement de Guelleh et de son système ni sur les choix de société à faire pour enrayer à jamais la dictature, ni même sur le programme politique et économique à adopter pour sortir Djibouti du marasme actuel et le propulser sur la voie de la réussite et de la paix sociale au cas où la dictature disparaîtrait. Peut-on alors utiliser le terme «opposition politique» pour désigner les partis qui se bardent aujourd’hui de cette appellation à Djibouti et ailleurs?

Paradoxalement, du côté de Guelleh, tout semble organisé et planifié de sang froid. Le dictateur a mis en place une structure ressemblant à la fois à une «task force» et à un «think tank» via la concussion, la gabegie, une utilisation frauduleuse des fonds et moyens publics et un assujettissement total des forces de l’ordre à son clan. En effet, le RPP apparaît aujourd’hui comme l’un des partis les mieux «disciplinés», voire les mieux structurés à Djibouti.

Heureusement, des jeunes de la diaspora de l’Europe ainsi que des organisations politiques présidés par des Djiboutiens patriotes apparaissent et permettent de garder l’espoir et d’avoir foi en l’avenir en préconisant une autre façon de faire la politique.

Pour ces organisations, la politique se décline sous forme d’enjeux ou d’objectifs de court mais surtout de moyen et long termes ou sous forme de programmes et de stratégies, etc.. En clair, elles ne réduisent pas la politique à un jeu. Ces organisations sont ouvertes à la discussion mais demeurent de véritables opposants à la compromission. Mais ont-elles aujourd’hui la masse critique qu’il leur faudrait pour peser sur les évènements, notamment à court terme? La réponse est non. Toutefois, il vaut mieux avoir une cible de moyen ou long terme et construire une véritable organisation de masse au lieu d’opter pour le «shortisme» ambiant pour éviter de brûler inutilement et dangereusement les étapes.

Que peut-on faire pour retrouver ensemble une certaine crédibilité ?

Les partis qui se battent sans vergogne pour revendiquer une suprématie, se comportent comme s’il n’y avait jamais eu de dictature ailleurs. Ils ne se donnent pas les moyens de tirer les leçons des luttes menées contre des dictatures sous d’autres cieux. En poussant «un peu loin» le raisonnement, on peut se demander si ces partis cherchent à vaincre la dictature (qui sévit à Djibouti depuis bientôt trente deux années) et à mettre en place les structures permettant d’éviter le retour d’un tel régime dans notre pays.

Il nous semble nécessaire de faire rapidement le point sur les dictatures qui ont marqué les dernières années afin de mettre la situation djiboutienne en perspectives. Que nous apprend l’histoire politique récente?

L’Afrique a connu des régimes dictatoriaux féroces qui ont été, souvent, renversés dans la douleur: Macias Nguema, Mobutu Sese Seko, Sékou Touré, Idi Amine Dada, Haïlé Mariam Mengistu, etc.

Le nombre de tués et de «portés disparus» sous le régime d’Idi Amine Dada par exemple est compris entre 300000 et 400000. Le dictateur ougandais avait dirigé son pays durant moins de 10 ans (de 1971 à 1979). Ainsi, sous sa présidence, la moyenne annuelle de morts et disparus dépasserait 30000, soit plus de 2500 morts et disparus par mois! L’Ouganda n’était pas en guerre en ce moment.

Les «règnes» de Sékou Touré, Mobutu, Nguema et Mengistu se sont également soldés par des milliers de morts et de disparus. Ces régimes sont tous marqués par: des procès montés de toute pièce et sanctionnés par des peines allant jusqu’à la peine capitale; une confiscation des libertés fondamentales; le culte de la personnalité; une gabegie monumentale; la transformation des républiques en «royaumes» où les dictateurs agissent comme des monarques absolus; l’usage de l’armée à des fins personnelles notamment la répression de la population civile; le règne de l’impunité; l’instrumentalisation des problèmes ethniques en stratégie de gouvernement, etc. Par ailleurs, ces dictateurs ont appauvri leur pays tout en devenant outrageusement riches par un pillage systématique des ressources nationales.

En dehors de l’Afrique, plusieurs dictateurs ont également exercé un pouvoir féroce et sans partage dans leur pays : Kim Il-Sung et son successeur Kim Jong-Il, François et Jean-Claude Duvalier, Manuel Noriega, Rafael Trujillo, Fulgencio Batista (ex-sergent devenu général à Cuba, grâce à un coup d’état militaire), Fidel Castro, Ferdinand Marcos, Anastasio Somoza, Augusto Pinochet, Joseph Staline et ses successeurs à la tête de l’ex-Union soviétique, Slobodan Milosevic, ou encore Nicolae Ceausescu, un abominable tyran doublé d’un mégalomane dangereux. Outre les déportations arbitraires, les emprisonnements et disparitions d’opposants.

Ce bref rappel montre que les principales caractéristiques du régime djiboutien se retrouvent dans celles des exemples cités ci-dessus: Guelleh est un alter ego des Ceausescu, Duvalier et Mobutu. Comment les peuples roumains, haïtiens ou zaïrois ont-ils fini par abattre leur dictature? Pourquoi le départ des dictateurs ne s’est pas toujours traduit par un retour à la paix civile et à la prospérité?

Quelques points de repère

Quel que soit le pays, la chute d’une dictature résulte toujours d’un long et périlleux combat qui laisse, hélas, sur le champ des martyrs, de vaillants fils et filles de la nation. Ces martyrs sont, malheureusement, le prix à payer pour instaurer ou restaurer à jamais les libertés et la démocratie. Djibouti étant comparable aux autres pays sur ce plan, il a payé et continue de payer un lourd tribut à la démocratie. Nous ne pouvons que compatir avec les familles éprouvées et déplorer les sacrifices inutiles de ces martyrs. L’un des rôles de l’opposition consiste à réduire au maximum l’importance de ce tribut.

Par ailleurs, il est rare qu’un dictateur quitte le pouvoir sans être contraint et forcé. En outre, les dictateurs sont souvent «boutés dehors» par la seule force dont dispose la nation: le peuple. C’est avec ce dernier que doit être construite et conduite toute action pouvant aboutir au renversement de la dictature. Il n’y a pas d’autre solution viable. L’opposition doit donc comprendre que sans le peuple, elle n’est rien et n’arrivera à rien. Pour simplifier, on peut dire que les partis de l’opposition jouent un rôle d’aiguillon.

Ainsi, la révolution cubaine des «barbus» n’aurait jamais réussi (on entend par là le renversement du pouvoir inique de Batista qui sévissait à Cuba jusqu’en janvier 1959) sans le soutien inconditionnel de la population. Il en est de même de la révolution d’octobre ou d’autres faits marquants: révolution des oeillets; victoire de Solidarnosc; victoires de Wade et de Lula; victoires des nationalistes africains (Olympio, Nkruma) dans la lutte pour l’indépendance; victoire de l’ANC (Mandela et ses amis politiques) sur l’Apartheid, etc. Nous ne connaissons pas de «grande cause» gagnée sans l’appui du peuple. A Djibouti comme ailleurs, c’est lui seul qui peut renverser la dictature de manière irréversible. Encore faudra-t-il que l’opposition ne lui présente pas seulement des leurres pour le détourner de son combat!

À notre avis, pour arriver à «éliminer» politiquement un dictateur, une organisation structurée, une discipline et une rigueur exemplaires des forces alternatives sont nécessaires. Renverser un régime dictatorial exige la présence d’une opposition déterminée, ayant les idées claires, le sens de la chose publique, celui de l’intérêt collectif, refusant toute compromission avec la dictature et travaillant dans la durée.

À l’évidence, il n’existe pas de méthode universelle et unique pour réduire à néant une dictature. Toutefois, la rigueur et la discipline semblent indispensables pour espérer gagner le combat contre une dictature.

Dans le cas de Djibouti, ces facteurs sont d’autant plus cruciaux que Guelleh y sévit depuis plusieurs années en monopolisant tous les moyens de l’état. La chute de la dictature et la dotation du pays de contrepoids permettant de n’éviter à jamais le retour de ce type de régime doivent être acceptées comme un leitmotiv dans l’opposition.

L’opposition, creuset de diverses sensibilités, ne peut et ne doit pas être monolithique, sinon, elle serait «un parti unique». Les tendances qui y coexistent doivent se respecter. L’opposition doit surmonter les intérêts partisans pour se préoccuper du combat essentiel:

renverser la dictature ; contribuer à préserver le pays contre un retour de régime totalitaire; mettre en place les structures et les conditions susceptibles de garantir le bien-être pour tous. Il ne s’agit pas de cacher les différences entre les composantes de l’opposition et prôner un «unanimisme» naïf. Au contraire, il faut prendre conscience des différences pour les exploiter à bon escient. Il faut les mettre sur la table afin de bien les cerner pour les intégrer dans les stratégies adoptées pour la lutte commune. Il faut définir scrupuleusement les priorités et tout mettre en oeuvre pour les atteindre. À tout moment, l’opposition doit être en mesure de faire son bilan en toute objectivité, sans complaisance et sans sous-estimation de la réalité. Toutes les dérives pouvant bloquer son action seront alors vite corrigées.

Sur ces plans là, l’opposition djiboutienne est loin du compte.

Alors que certains partis se complaisent dans une autosatisfaction exagérée, des observateurs neutres et de bonne foi pensent qu’il n’existe pas à Djibouti, une véritable opposition capable de renverser la dictature. Ce jugement, peu nuancé, nous ramène à une dure réalité. En effet, après des décennies de dictature et de douloureux sacrifices, ce constat accablant fait froid dans le dos et laisse penser que nous sommes toujours proches du niveau «zéro» de la lutte pour la libération et pour l’instauration de la démocratie. Tourner le dos à ce constat ou pratiquer la politique de l’autruche est la pire des solutions aujourd’hui. Nous ne pouvons qu’accepter ce verdict, sans doute, un peu sévère mais proche d’une certaine réalité et mettre en place les structures adéquates pour repositionner convenablement notre combat.

La coopération des partenaires dans la lutte contre la dictature ne pourra être engagée sur une base solide et avec des chances de succès, que si un programme commun est élaboré et validé par la majorité des organisations membres de l’opposition.

Pour devenir crédible et mettre toutes les chances de son côté, l’opposition ne pourra plus faire l’économie d’un programme.

Ce dernier devrait recenser les choix de société à soumettre, au moment opportun, à l’approbation du peuple. Il devrait comporter des mesures à prendre à plus ou moins brèves échéances mais aussi des actions de plus long terme concernant l’organisation sociale, économique et politique. Une absence de programme dessert l’opposition. C’est, sans doute, l’une des causes des échecs survenus après la chute de certains dictateurs.

Partir des propositions d’un groupe d’organisations voire d’une organisation pour élaborer le programme de l’opposition, ne nous choque pas. Au contraire, cela devrait faciliter la mise en route de la «nouvelle» opposition dans laquelle travailler ensemble et sans arrières pensées est une exigence absolue. Il faudrait juste veiller à ce que les choses soient clairement énoncées et abolir «les agendas cachés». Ne soyons pas mesquins, dogmatiques et fermés mais soyons ouverts, pragmatiques et rigoureux. En un mot, soyons tous membres «du parti de ceux qui ne sont pas sûrs d’avoir raison» et cherchons ensemble la solution à nos problèmes.

Evguéna S. Guinzbourg, dans un dénuement physique total, a croisé une personne qui allait devenir une amie dans un camp de déportation de Staline. Elle a résumé leur rencontre avec les mots simples suivants: «Tout de suite, j’avais senti en elle et elle avait senti en moi le même besoin angoissé et douloureux de réfléchir sur la vie, en dépit de la démence manifeste qui y régnait. Le besoin d’examiner, de comparer, de généraliser». En faisant un parallèle entre notre situation et un camp de déportation (toute proportion gardée), nous devrions nous aussi mettre en musique notre «besoin angoissé de réfléchir sur la vie et notre devenir, celui d’examiner, de comparer, de généraliser» les divers projets et stratégies. En adoptant cette démarche qui fait tant défaut aujourd’hui, nous ferions un grand pas vers la cohésion de l’opposition voire vers la victoire finale.

Des pièges à éviter

Encore une fois, qu’un parti prenne l’initiative de proposer un document pour initier les discussions ne devrait poser aucun problème dans la «nouvelle opposition». Toutefois, nous ne devons pas tomber dans le piège qui consiste à proposer chacun une ou plusieurs pistes de réflexion, juste pour se positionner comme l’un des dirigeants «naturels» ou «automatiques» de l’opposition unie. On ne peut que se réjouir de la multiplication des appels à une union réalisée sur la base d’un programme.

Il faut cependant éviter que les forces qui partagent la même vision de l’organisation politique s’éparpillent alors qu’elles doivent absolument constituer une force capable de peser sur les évènements. Chercher à reconstituer chacun son «opposition unie» confirmera, bien évidemment, l’atomisation actuelle de l’opposition et notre incapacité à faire taire nos différences au profit d’une cause commune. En outre, ceci fera le jeu de la dictature qui continuera de s’en servir. Nous n’avons pas besoin d’une caricature d’union mais d’une force construite ensemble sur une base claire.

Par ailleurs, de la part de l’opposition, il ne devrait y avoir aucun ostracisme vis-à-vis de tel ou tel autre parti, ayant, bien sûr, adhéré aux principes de la lutte contre la dictature et pour l’avènement de la démocratie. Ainsi, si les partis fondés par « les réformateurs du RPP » reconnaissent leur part de responsabilité dans l’instauration et la consolidation de la dictature à Djibouti, si, en plus, ils font leur la lutte contre la dictature et contre l’avènement de régime totalitaire sur le sol national, rien ne devrait s’opposer à leur intégration dans l’opposition.

Toutefois, les prises de position des réformateurs sur les méfaits de la dictature et sur leurs propres responsabilités, doivent être claires, non ambiguës, sans forfanterie, empreintes d’humilité et d’une absence d’arrogance, car la dictature a laissé de «grands blessés» et des martyrs derrière elle.

La bonne foi des «réformateurs» doit transparaître dans leurs actes, dans leur activité et leur dévouement à la cause commune. Bien évidemment, s’il s’avérait qu’ils avaient commis par le passé des actes répréhensibles au regard des lois (détournements de deniers publics, actions ayant conduit à des assassinats, caution d’actes barbares, etc.), comme tout citoyen, ils répondront devant les juridictions compétentes le moment venu. La société nouvelle, appelée de nos voeux, doit mener une lutte sans merci contre l’impunité pour restaurer la confiance en la justice, seule, unique et identique pour tous.

Le programme de l’opposition doit être porté par un groupe d’individus dont le porte voix de l’ensemble des organisations luttant contre la dictature. Le choix de ce dernier doit résulter d’une consultation des diverses composantes de l’opposition. Il n’existe pas d’homme providentiel dans ce domaine. L’idée du «leader» naturel ainsi que celle de personnalités prédestinées pour certaines charges doivent être rejetées. En Pologne, Lech Walesa n’était pas le membre le plus instruit ou le plus diplômé de Solidarnosc. C’était, cependant, celui en qui le peuple se retrouvait le mieux et qui était le plus apte pour porter les aspirations des Polonais. C’était lui qui avait porté le message de la majorité silencieuse.

Au Kenya, à la fin de l’année dernière, le candidat unique de l’opposition, réunie dans la «National Rainbow Coalition (NARC)», a battu à plate couture le dauphin désigné de Daniel Arap Moi. En effet, Mawai Kibaki a remporté les élections avec plus de 70% des voix. Il est vrai que Arap Moi avait respecté la constitution en ne se représentant pas aux élections mais il s’était désigné un dauphin, Uhuru Kenyatta.

Si ce dernier avait eu six ou sept candidats de l’opposition en face de lui, il aurait pu gagner les élections au Kenya. Pour mémoire, la NARC est une alliance de quinze partis qui ont réussi à se mettre d’accord sur: le nom de leur représentant, le candidat unique de l’opposition à l’élection; des objectifs déclarés; un programme de gouvernement, etc.

Prétendre que l’opposition a gagné les élections au Kenya par ce qu’il y avait dans la coalition des ex-membres du parti d’Arap Moi n’est pas exact. Pour nous, la légitimité des partis dune coalition provient essentiellement de leur volonté d’abattre la dictature et de contribuer à mettre en place un régime démocratique.

Ce n’est pas nécessaire d’avoir coopéré avec un dictateur pour être en mesure de proposer une solution pour l’abattre politiquement. Faire croire le contraire est malhonnête.

La stratégie de conquête du pouvoir de Lula, le nouveau président brésilien, peut également être citée en exemple. Lula n’a pas construit sa légitimité sur ses diplômes ou ses compétences en économie ou sur ces relations à l’étranger, mais il l’a acquise en s’appuyant sur ses connaissances de la société brésilienne. Ce sont ses rapports avec les Brésiliens et sa prise de conscience de leurs problèmes qui l’ont propulsé à la tête de l’opposition d’abord et à celle du Brésil ensuite. La majorité du peuple brésilien a reconnu Lula comme porteur de ses espérances.

Ainsi, alors qu’ils se sont souvent montrés plutôt conservateurs par leur vote, les Brésiliens ont élu un président «prolétarien».

Dans ces exemples, la connaissance du peuple et de ses aspirations est le facteur prépondérant dans le choix du porteur du message collectif. Elle a également été bénéfique pour l’accession de l’opposition au pouvoir. Ne pourrions-nous pas nous inspirer de ces cas qui ont fait leurs preuves? Il nous semble que cela est possible.

A Djibouti, plusieurs familles ont été marquées à jamais par la brutalité et les crimes de Guelleh et de ses complices.

Nous comprenons et respectons profondément leur blessure, leur douleur et leur peine. Prétendre leur faire oublier ces blessures est un leurre car personne n’est en mesure de ressusciter les morts ou d’effacer les actes atroces de barbarie subis par certains.

Pour autant, nous ne devrions pas commettre l’erreur de penser que seuls ceux qui ont subi les blessures ont le droit, le devoir ou la légitimité de diriger l’opposition ou le pays.

Le choix du «porteur» du message de la coalition doit se faire sur la capacité du candidat à fédérer ou sur son aptitude à faire sienne la stratégie commune. Ce n’est ni le nom porter par cet homme ou cette femme, ni ses relations avec le reste du monde qui doivent guider son choix. Ce ne sont ni ses diplômes, ni sa fortune, ni son carnet d’adresse, qui créeront sa légitimité. C’est son rapport à la chose publique, son ambition pour le pays, son rapport avec le peuple, sa prise en charge de la stratégie commune, son adhésion aux revendications légitimes du peuple et son aptitude à écouter qui feront de cette personnalité le porteur du message commun de l’opposition et de la majorité de la population. C’est un chef d’équipe qu’il nous faudrait et non un homme seul.

Quid de la communauté internationale ?

Nous pensons que la remise en cause de l’ordre établi n’aura lieu à Djibouti que si elle est portée par des forces internes. Il faudra donc compter d’abord et avant tout sur nos propres forces pour renverser la dictature. Les «aides extérieures» (jamais gratuites) sont ne pourront et ne devront être considérées que comme des forces d’appoint ou complémentaires.

Pour s’en convaincre, il suffit de rappeler l’apathie relative de la communauté internationale face aux massacres perpétrés en Tchétchènie, aux tueries monstrueuses et assassinats commis en Ouganda, en RDC, en Sierra-Leone, en Palestine ou encore au Libéria.

On doit aussi se remettre en mémoire le génocide rwandais réalisé avec l’assistance passive des grandes puissances. Qui se préoccupe réellement aujourd’hui du sort du peuple tchétchène ou libérien? Combien de temps et surtout combien de morts a-t-il fallu à la communauté internationale pour lever son petit doigt à Bunia en RDC ou au Libéria? les affrontements entre les Hemas et les Lendus ont fait plus de 20000 morts à Bunia! 20000 morts pour quon se décide à faire quelque chose pour une population civile, ballottée à gauche et à droite par des aventuriers.

Alors que les télévisions occidentales ont gavé les téléspectateurs d’images insoutenables de désolation, de violence et de morts au Libéria, la communauté internationale, en particulier les États-Unis, ne semble pas troublée outre mesure.

On entend ici et là des regrets, des condamnations verbales mais rien de concret n’a été programmé pour soulager la population civile du Libéria et remettre le pays sur le chemin de la paix. Il est évident que le sursaut humain et le travail de fond ne pourront être que l’oeuvre du peuple libérien lui-même. Clairement, l’artillerie lourde, les bombes sophistiquées et les armes modernes ne sont utilisés que si les intérêts des pays «forts» sont menacés. Les dirigeants de ces pays protègent leurs intérêts qui ne sont pas conformes aux nôtres. À nous de défendre et de protéger nos intérêts, ou tout simplement nos vies! Il faut en prendre acte.

Dans le cas de Djibouti où, heureusement, on ne déplore, pas encore des milliers de morts (bien évidemment, une seule mort dans la lutte pour la liberté est de trop), il est illusoire d’imaginer que le salut viendra de l’extérieur.

Miser sur cette solution est irresponsable et coupable car elle nous rend myope et ne permet pas de bien organiser la population pour la lutte contre la dictature. Il faut être naïf pour mettre de côté le peuple et sa foi en la victoire au détriment d’un hypothétique secours provenant de l’extérieur. La communauté internationale ne peut et ne doit être considérée comme notre sauveur. Bien sûr, nous ne rejetons pas l’aide extérieure mais nous affirmons que les puissances étrangères ne feront pas le «boulot» à notre place.

C’est à nous que revient la charge essentielle du combat: définir, planifier et exécuter les stratégies. La communauté internationale nous emboîtera le pas une fois la victoire acquise. Y-a-t-il des raisons pour que les problèmes de Djibouti empêchent la communauté internationale de dormir alors que, il faut en convenir, il y a bien pire ailleurs?

Si Lula avait attendu que la communauté extérieure l’aide à conquérir le pouvoir, il sera toujours dans l’opposition! En effet, les États-Unis, leurs alliés et les principales institutions internationales (FMI, Banque mondiale, etc.) voyaient d’un très mauvais l’arrivée de Lula, le «gauchiste», au pouvoir. Lula les as tous vaincus en fondant son action sur son peuple et sur un programme politique alternatif. Il ne s’agit pas de nier ou d’occulter le poids d’un organisme comme le FMI dans l’évolution de nos pays. Au contraire, on en prend acte tout en préconisant une stratégie centrée sur notre seule et unique force, notre peuple, et en contournant, si nécessaire, les obstacles qui pourraient freiner notre avancée.

L’opposition doit se ressaisir et se construire sur une base solide et saine

L’opposition djiboutienne ne prend pas les mesures nécessaires pour sortir de l’impasse et avoir une chance d’en sortir le pays. Il est indispensable de jeter les bases d’une véritable organisation. Ceci passe par une union des forces réalisées sur un programme et un plan de travail clairs et fixant les actions de courts et longs termes. Ces dernières doivent permettre de venir à bout de la dictature et de mettre en place un régime pérenne. Dans ce régime, les termes, liberté, solidarité, justice, respect de la chose publique, respect de l’individu, retrouveront leurs lettres de noblesse.

L’union dont il s’agit ici doit être à base populaire (englobant la majorité des Djiboutiens) et fondée sur un programme commun de lutte. Il est temps que l’opposition djiboutienne ne soit plus composée de «charlatans de la politique».

Comme le souligne un philosophe français, «La politique c’est l’idée d’une responsabilité partagée, ce n’est pas, sauf à prolonger l’adolescence au delà de toute actualité, se battre contre les dragons». Notre responsabilité est partagée, commune et collective. Faisons de cette idée, la base du nouveau code de conduite de l’opposition.

Au delà de la lutte pour le renversement de la dictature djiboutienne, nous devons nous inscrire dans une perspective de moyen et long termes exigeant de faire des choix de société sans tabou mais avec vigueur et foi.

Nous attendons avec impatience le jour où nous pourrions parodier Léon Blum en criant: «Du mot changement, nous verrons naître un nouveau lyrisme: justice et bonheur»!

FreeDjibouti

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