17/08/10 (B565) Chronique d’un meurtre avec préméditation (Les enquêtes du Sergent Ariko, ex sous-officier de la Gendarmerie nationale)

_____________________ Note de l’ARDHD
Le sergent Ariko nous a adressé le compte-rendu de l’enquête qu’il a effectuée concernant l’assassinat du Colonel Abdi Bogoreh et de l’enchaînement des circonstances successives qui aurait pu déterminer le régime de Guelleh, de donner l’ordre mortel.

Le sergent Ariko signe son enquête.

Nous rappelons que l’équipe de l’ARDHD ne dispose d’aucun moyen d’investigation et après concertation au sein de l’équipe, nous avons pris la décision de publier ce texte, car il nous semble crédible et très bien documenté.

Cela dit et faute de recoupement pour le moment, nous considérons qu’il ne s’agit que d’une hypothèse, même si elle semble justifier d’une excellente crédibilité à plus d’un titre. Ne pouvant certifier que les faits se sont déroulés (partiellement ou intégralement) de cette façon, nous invitons tous les internautes à en prendre connaissance avec prudence et en exerçant leur esprit critique.

Les accusations ou les soupçons étant de nature pénale, nous rappelons que seul un tribunal compétent et intègre pourrait instruire une enquête puis juger les responsabilités individuelles et prononcer enfin, le cas échéant, les peines adaptées.
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Comme je vous l’avais indiqué dans mes précédents articles, la population djiboutienne, y compris le corps de la Gendarmerie nationale s’interroge encore sur les raisons qui ont poussé le régime sanguinaire de Djibouti à tuer, en pleine nuit, le chef d’État-major de la Gendarmerie nationale.

Un suicide impossible !

Toute la population a compris que le Colonel Abdi Bogoreh avait été assassiné. On a retrouvé 5 balles dans le corps. Impossible de croire qu’un Chef de corps se soit suicidé devant témoins en se tirant dessus à 5 reprises !

Même la prévôté militaire française, généralement bien intentionnée lorsqu’il s’agit de « couvrir » certaines opérations « délicates » commises par le régime, ne peut pas expliquer comment le Colonel se serait suicidé en se tirant 5 balles. Les premiers constats de la Brigade criminelle de la S R D (Section de Recherche et de Documentation de la Gendarmerie nationale) concluent sur le fait que leur patron a été abattu à bout pourtant.

Vous trouverez dans le renvoi (1) les missions de cette unité sensible de la Gendarmerie nationale.

C’est cette vision (1) que l’on enseigne aux élèves qui suivent la qualification d’O. P.J. (Officier de Police judiciaire) à l’école de Gendarmerie de la caserne Cheik Moussa au PK 23.

Et on essaye encore de faire croire aux Djiboutiens, que cette institution est là pour les protéger !

Alors, comment expliquer que des gendarmes bien formés par des instructeurs français n’aient pas été capable de déterminer à « l’œil nu », cinq impacts de balles que l’on distingue nettement sur le corps d’Abdi Bogoreh ?

A l’origine, un désaccord sur le financement de la Gendarmerie nationale, qui se termine avec une altercation violente chez le ministre des finances, qui aurait fait déborder le vase ?

Comme le régime refusait de lui accorder les budgets nécessaires au bon fonctionnement de la Gendarmerie, le colonel avait demandé à Hassan Saïd l’autorisation de soumettre ses doléances directement à Guelleh, afin d’obtenir que le Président ou son épouse débloquent des fonds … car il savait le poids de Kadra dans les décisions importantes …

Pour toute réponse, Hassan Saïd avait piqué une colère. Il avait demandé au Colonel de préciser clairement les raisons de cette demande d’audience. Le colonel Bogoreh lui a répondu que si l’État n’attribuait pas les moyens nécessaires à la Gendarmerie, il n’avait plus qu’à démissionner, car il n’avait pas vocation à être le Chef d’un corps fantôme et sans possibilité d’accomplir ses missions.

Hassan Saïd, qui s’était calmé entre temps, lui a promis de plaider sa cause auprès d’IOG.

Abdi Bogoreh ne s’est pas satisfait de la réponse. Arrivé à la Présidence, le Colonel ne sera jamais reçu par IOG qui lui avait fait répondre que son emploi du temps était trop chargé et qu’il devait rencontrer le Lieutenant-colonel Mohamed Elmi, responsable du cabinet militaire de la présidence, pour lui exposer ses problèmes.

Le Colonel Bogoreh avait refusé cette alternative en disant qu’il n’allait pas discuter avec un jeune qui venait à peine d’être bombardé à ce poste, pour le seul mérite d’être un espion au service de l’État chargé de surveiller sa tribu les Darod.

Le Colonel était reparti à la caserne Capitaine Hamadou, fou de rage. Il a tourné dans son bureau en se demandant certainement pourquoi il avait été nommé à la tête d’un corps malade, victime de la République.

Les doléances s’accumulent sur son bureau. Les gendarmes se plaignent de ne pas avoir d’uniforme en dépit des dons accordés par la coopération française. Abdi Bogoreh se souvient de cette phrase que son prédécesseur Mahdi Cheik Moussa lui avait dit en privé : « bonne chance, car tu vas galérer à la tête de ce corps ».

Le colonel Abdi a convoqué son second, le discret Commandant Ali Mohamed Robleh. Les deux hommes savent que la tension monte dans le corps.

Par exemple, le Lieutenant-colonel Mohamed Youssouf, dit Adoyta dit qu’il n a aucune leçon à recevoir de son Colonel. Il clame haut et fort qu’il a le soutien personnel de la première dame, d’origine Issak comme lui.

La rébellion finit par éclater mais au plus mauvais moment, celui où le Colonel se bagarrait pour assurer la survie du corps.

Des gens disent qu’il était devenu comme fou.

Stressé et épuisé, en effet, le Colonel était parti en vacances au Canada pour voir à la fois son ami, (ex-comptable), le sous-lieutenant Hassan qui est installé à London (Ontario) et aussi sa famille installée à Toronto.

Le colonel voyage sans armes. Immédiatement, le SDS le soupçonne de chercher à obtenir l’asile politique au Canada. La direction du SDS est persuadé que le Colonel s’apprête à parler. Quelqu’un qui parle c est toujours dangereux pour un régime dictatorial et sanguinaire. La décision de le supprimer aurait été prise à ce moment-là.

Pourtant, le Colonel Abdi Bogoreh revient à Djibouti.

La coopération française continue à fournir des moyens mais ils sont insuffisants. Le Colonel veut obtenir le soutien financier de l’État djiboutien. Mais le régime se moque de la Gendarmerie. Le Colonel constate que les crédits qu’il a demandé pour le compte de l U.P.I.G. N. (unité polyvalente d’intervention de la Gendarmerie nationale) sont bloqués par le jeune ministre Ali Farah Assoweh qui veut aussi étrangler le corps.

Pour la troisième fois, il avait demandé à être reçu au Palais présidentiel, d’autant plus qu’il savait, selon le témoignage de certains gendarmes, que son adjoint était reçu au palais.

Ne comprenant plus rien, il serait allé voir, selon les informations que j’ai pu recueillir, le Général Zakaria Ibrahim Cheik, qui l’aurait poliment écouté mais qui n’aurait rien fait.

Le Colonel Bogoreh est rentré bredouille, une nouvelle fois.

Certains prétendent qu’il aurait contracté la maladie de la folie ou autre chose : mais ce n’était qu’une manifestation du stress et de l’amertume.

Il a demandé ensuite à être reçu par le Premier Ministre Dileita, espérant que celui-ci soit capable de faire passer le message au Chef de l’État sur l’état désastreux du corps de la Gendarmerie nationale.

Après l’avoir écouté, le premier ministre lui a promis de lui répondre rapidement, mais rien n’est venu du côté de la primature.

A Djibouti une série de meurtres secoue le pays : trois jeunes filles ont été tuées.

La population accuse le gouvernement d’incapacité à assurer l’ordre et la sécurité des personnes.

La Gendarmerie nationale conduit l’enquête.

Mais les enquêteurs de la brigade criminelle de la S.R.D. (Section De Recherche Et De Documentation) constatent que le régime traîne les pieds et qu’il ne fait rien pour faciliter le travailler des enquêteurs.

Les enquêteurs demandent la permission au Colonel Bogoreh d’arrêter plusieurs hauts fonctionnaires. Le colonel refuse mais il informe Hassan Saïd des informations obtenues par ses hommes.

La population djiboutienne a d’autres sujets d’inquiétude. La police est divisée est désormais divisée en deux camps : les pro IOG et les anti.

Le Lieutenant-colonel Omar Hassan Matan de la police judicaire refuse d’obéir aux ordres de son patron Abdillahi Abdi Farah.

Les meilleurs éléments de la brigade criminelle de la Police de Nagad et ceux de la Brigade criminelle, située près de l’église éthiopienne sont empêchés de travailler sur ordre de la Présidence.

Le colonel Abdi Bogoreh rejette cet ordre et il impose que la brigade d’Ambouli puisse faire son travail correctement. Au Palais, c’est la consternation : le Colonel Bogoreh s’est opposé aux ordres présidentiels. Le palais contre-attaque et annule les instructions données par Bogoreh. Le commandement est confié à son adjoint le Lieutenant-colonel Zakaria Hassan Aden, (le p’tit Zak qui est le fainéant dévoué à Ismaïl Omar Guelleh)

Abdi Bogoreh est consigné à son domicile pendant quatre jours. Le Colonel réagit en prononçant un mot qui va signifier son arrêt de mort. « Je sais que je vais mourir comme mon cousin Awaleh Guelleh Assoweh que le SDS a exécuté en Éthiopie ».

Il n’en faut pas plus pour le condamner. Le mal est fait, il vient de rendre publique une vérité longtemps occultée. Rappelons qu’Awaleh Guelleh Assoweh a été liquidé par le SDS avec l’accord de la sécurité éthiopienne. A ce moment-là, Abdi Bogoreh savait qu’il allait mourir.

Cela ne l’a pas empêché de continuer à parler sans réserve. Sa femme Zahra Hagar ne comprenait pas les motivations qui poussaient son mari à insulter le Gouvernement pour lequel il travaille. Son frère qui habite au quartier 7 est venu le voir mais sans ne réussir à calmer le Colonel.

Bogoreh avait décidé de démissionner mais sa demande a été rejetée par le ministre de la Défense Ougoureh Kifleh Ahmed.

Pendant que la population de Djibouti se bat avec la montée de la misère et de la peur, le Colonel a eu le courage de dire à ses hommes au Pk23, que l’État ne voulait plus assumer leur corps.

La rumeur se répand vite dans les casernes de Gendarmes : les hommes annoncent qu’ils ne veulent plus travailler. Le SDS informe « le roi fainéant » qu’Abdi Bogoreh a dépassé la ligne rouge.

Un plan pour le remettre au pas est élaboré, mais il ne pourra pas être mis en œuvre.

Au final, une violente altercation avec Ali Farah Assoweh.

Deux jours avant le drame, le colonel était allé voir le Ministre Ali Farah Assoweh qui lui a signifié son refus net et sans appel de lui allouer le moindre crédit.

La réponse avait énervé Bogoreh qui avait perdu son sang-froid et qui avait giflé Ali Farah, après l’avoir copieusement insulté. Les gardes du corps du ministre avaient maîtrisé le Colonel, mais les gendarmes du colonel avaient vite réagi de leur côté.

L’arrivée, toutes affaires cessantes du premier figurant du pays Dileita Mohamed Dileita, avait permis de ramener le calme. Bogoreh avait reçu un blâme signé du Premier ministre.

Un crime avec préméditation

Dans la soirée, le Colonel Bogoreh avait noté l’absence des Gendarmes chargés de monter la garde autour de sa résidence. La Garde était assurée par des éléments de la caserne Rayaleh Gofaneh, située tout près du CES de Boulaos.

Étonné, il avait téléphoné au poste de garde de cette caserne et il avait demandé à parler au capitaine Mohamed Nouh Ainane, commandant en second de la caserne (Escadron des Services de la Gendarmerie nationale)

(Le capitaine Ainane a suivi une formation à l’académie militaire d’Égypte). Il a répondu que c’était le Commandant Ibrahim Elmi Kaïb, (ex numéro deux de la garde présidentielle, à l’époque, qui était sous les ordres du Capitaine Ali Abdillahi Iftin à la caserne Barkhat Siraj) qui avait donné l’ordre de ne pas envoyer de détachement pour garder la résidence du Colonel.

Par téléphone, le colonel a demandé les raisons directement à Ibrahim Elmi Kaïb, qui lui a annoncé avoir reçu ces ordres d’Hassan Saïd. Le colonel sentait le mauvais coup, mais il a préféré se taire.

Hassan Saïd serait-il l’instigateur du piège mortel ?

Selon les Gendarmes, le Colonel aurait reçu, dans la soirée, un appel personnel d’Hassan Saïd, lui demandant de se rendre de toute urgence à la Brigade de la rue de Venise, car il y aurait eu un grave incident impliquant des Gendarmes. Hassan Saïd lui aurait recommandé de venir seul et sans son garde du corps.

Le colonel Bogoreh qui venait d’achever sa partie de khat, n’a pas bien saisi le sens de cette conversation. Mais à partir du moment où les instructions émanaient du grand patron de la Sécurité nationale, Hassan Saïd, l’homme des basses œuvres du SDS, il n’avait aucune raison de refuser.

Il s’est rendu au rendez vous. Les Gendarmes qui étaient en charge de l’enquête et que je remercie pour leur étroite collaboration ont bien remarqué 4 voitures mais aucun incident.

Arrivée sur les lieux, le Colonel Abdi Bogoreh est descendu de sa voiture, une Toyota blanche. Il aperçoit son patron Hassan Saïd, le Colonel Mohamed Djama patron de la Garde républicaine, son adjoint le Lieutenant-colonel Zakaria Hassan Aden ainsi que 8 membres du SDS.

Selon les Gendarmes de la brigade de Venise, Bogoreh ne connaissait pas les hommes du SDS. Aussitôt une dispute aurait éclatée et des échanges violents entre les hommes et Bogoreh. Après une bousculade dont il était la cible, organisée par le colonel Mohamed Djama, le colonel Bogoreh a compris qu’on lui avait tendu un piège. Il a tenté de courir vers sa voiture pour se protéger mais avant d’y parvenir, il a été fauché par 2 balles tirées par le Colonel Mohamed Djama, patron de la Garde républicaine.

Le p’tit Zakaria a-t-il tenté froidement d’achever la victime déjà touchée par deux balles ?

Bogoreh s’est effondré.

Il aurait été rejoint par le p’tit Zak, Zakaria Hassan Aden qui aurait fini la sale besogne en lui tirant plusieurs coups de feu pour l’achever sous les yeux d’Hassan Saïd !

Entendant tous ces coups de feu, les gendarmes de la brigade de Venise sont sortis pour voir ce qui se passait mais ils ont immédiatement reçu l’ordre de rentrer à l’intérieur et de fermer « leurs gueules ».

Mortellement touché, le colonel gisait à côté de sa voiture blanche. Ignorant que le Colonel vivait encore, Hassan Saïd donna l’ordre de ramener le corps de Bogoreh chez lui. Un des membres du SDS a appelé Saïd Molo. Le corps a été installé à l’arrière et il a pris le volant de la voiture en direction de la maison du Colonel Bogoreh.

Molo a garé la voiture du colonel et il a embarqué dans une autre voiture justement stationnée à côté de la maison.

Le colonel gisait dans sa voiture.

Zahra Omar Haga attend chez elle. Elle a entendu la voiture et elle s’inquiète de ne pas entendre le Colonel rentrer à la maison. Elle a demandé au gardien ce qui se passait. Elle l’a prié d’aller avec un domestique pour voir pourquoi Abdi ne descendait pas de la voiture.

Devant la voiture, ils ont constaté que le colonel gisait sur le siège arrière de la Toyota, et qu’il était couvert de sang. Ils ont appelé à la rescousse les taximen qui broutent ainsi que deux policiers qui gardent l’entrée du Sheraton.

Contrairement à ce que pensaient ses assassins, Bogoreh n’était pas encore mort quand les gendarmes sont arrivés et il a pu encore parler …

Dans les faits et selon des témoignages que j’ai pu recueillir, les Gendarmes du SRD arrivés très rapidement ont immédiatement compris que leur patron avait été liquidé sur ordre de l’État djiboutien, mais qu’il n’était pas mort sur le coup.

Ils ont réveillé le Procureur Djama « grandes oreilles », pour l’informer. Celui-ci savait déjà tout, informé par son copain Hassan Saïd. Il leur a simplement dit que le patron de la Gendarmerie nationale « avait franchi la ligne rouge ». Ce sont les paroles qu’ont entendues les officiers qui l’avaient contacté. Je ne citerai pas leurs noms pour garantir leur sécurité. Sur le moment, les officiers n’ont pas compris le sens de la phrase du procureur Djama « grandes oreilles ». C’est pourquoi, ils ont appelé le jeune procureur de la République : Maki.

Ce dernier leur a dit qu’il se rendrait sur les lieux dès le lever du soleil et qu’il fallait suivre l’affaire de très près. Le Procureur a-t-il oublié d’informer Djama et son ministre Saïd Barkhat ? Les Gendarmes ont aussitôt préparé l’évacuation d’Abdi Bogoreh, encore vivant. Certains Gendarmes disent que le Colonel Abdi Bogoreh a parlé avec l’aide du tout-puissant Allah le grand. Il aurait dit à l’un de ses officiers que son meurtrier n’était pas un inconnu…A-t-il révélé des identités ?

Il aurait même pu confier quelques mots à sa femme Zahra, qui lui aurait promis de garder le secret à tout prix.

Immédiatement, le blessé à été installé dans la voiture de la Gendarmerie. En cours de route, il s’est effondré sur le siège. Le jeune Capitaine Abdouraouf, médecin chef de la Gendarmerie nationale n’a rien pu faire. Le colonel Abdi Bogoreh a été admis aux urgences de l’hôpital Peltier mais les médecins de garde, dont un médecin arabe, n’ont pu que constater la mort du Colonel. Sa femme Zahra Omar Haga a été informée du décès de son mari.

Elle s’est effondrée en larmes selon les Gendarmes et les civils qui travaillent près du Sheraton hôtel (les fameux taximen « brouteurs »).

Les Français refusent de céder aux injonctions du SDS

Le courage de cette femme ne cessera jamais de m’étonner. Elle a demandé à ce que le corps de son mari soit transféré des décombres qui abritent l’hôpital Peltier vers un centre spécialisé, reconnu en la matière. C’est le fameux hôpital Bouffard (hôpital d’instruction de l’armée française – qui avait accueilli en 1995, le corps du Juge Bernard Borrel, retrouvé assassine près de la ville d’Arta). Les médecins français ont compris immédiatement ce qui était arrivé au malheureux Colonel Abdi Bogoreh. Ils ont pu extraire les 5 balles qui étaient logées dans son corps.

Très vite, le régime djiboutien est intervenu via le SDS pour demander aux français de leur remettre personnellement les résultats de l’autopsie et pour leur interdire formellement de les communiquer à qui que ce soit d’autre, en particulier la famille du défunt, ni à son frère qui habite le quartier 7 ni à sa femme Zahra.

Le médecin français a refusé de se plier, en disant qu’il devait d’abord consulter le médecin-chef de Bouffard et qu’il était tenu par le devoir d’informer la veuve des causes du décès d’un mari.

Furieux le SDS a contacté l’Ambassadeur de France qui a répondu que l’hôpital Bouffard étant un territoire français et en conséquence que l’État djiboutien ne pouvait y exercer aucune contrainte.

Le médecin chef ainsi que les deux chirurgiens ont demandé à voir la veuve Bogoreh. Ils lui ont expliqué que son mari avait été touché par 5 balles : une dans la tête, trois dans le ventre et la dernière près du cœur. C’est cette dernière balle qui a causé la mort.

Les médecins ont confirmé que le Colonel était encore vivant durant son transport.

En fait, sous l’autorité du SDS, le Colonel avait été abattu non pas devant sa maison, comme le dit une rumeur, mais dans la rue de Venise, devant la brigade de Gendarmerie.

La ville se réveille et la nouvelle se répand comme une trainée de poudre.

La ville de Djibouti se réveille et apprend ce meurtre crapuleux commis sur un homme qui faisait son devoir de soldat et qui était respecté pour ses qualités personnelles et pour sa droiture.

Pour la population c’est le signe supplémentaire qui prouve qu’IOG conduit le pays à la ruine et à la catastrophe.

Chacun se souvient que Siad Barreh avait agi de la même façon à la fin de son « règne » sur la Somalie et on connaît non seulement sa fin, mais surtout les conséquences qui perdurent près de vingt après.

Le personnel de la Gendarmerie nationale ne comprenait pas pourquoi on avait abattu un haut-gradé n’ayant jamais été impliqué de sa vie dans des soupçons de torture ni des affaires louches avec enrichissement personnel.

Le personnel savait bien que Bogoreh se démenait comme un forcené, pour obtenir que l’État attribue à la Gendarmerie nationale les ressources dont elle avait besoin pour conduire loyalement les missions qui lui sont confiées.

Après le décès, les sbires du SDS ont rendu visite à sa femme Zahra. Elle a refusé d’entériner les mobiles d’un suicide « impossible », tels qu’ils lui étaient proposés les tenants du pouvoir. Ensuite, elle n’a pas cessé d’être victime des pressions exercées par des agents féminins du SDS, contrôlés par la première dame de Djibouti.

Selon les informations reçues, Zahra, qui était partie au Canada, serait revenue récemment à Djibouti en provenance de Toronto. Le régime lui refuserait le droit à bénéficier de la pension de retraite de son mari décédé dans les conditions tragiques décrites ci-dessus.

Rappelons pour sa mémoire, qu’Abdi Bogoreh avait été commandeur de la grande étoile de Djibouti, médaillé d honneur, médaillé de vaillance pour des actes de courage et diplômé de l’école de guerre de Paris.

Sa fin tragique nous rappelle à nous les Djiboutiens combien il serait criminel de continuer à soutenir un régime aux abois.

Il est temps que les djiboutiens se révoltent contre cette machine qui a réduit à néant leur existence.

Tensions au Palais de l’Escale

A l’heure où je termine cette enquête, on me dit que la mort du Colonel Bogoreh divise l’équipe au pouvoir.

Il y aurait beaucoup tension dans l’air. Hassan Saïd est fatigué de la vie de bourreau qu’il mène. Il commence à donner des signes de faiblesse.

Son adjoint Hassan, le « petit », lui a envoyé un avertissement pour lui faire savoir qu’il était prêt à récupérer le poste. La guerre des chefs est déclarée au sein de l’équipe au pouvoir.

Quand au peuple qui s’en soucie ? Personne !

On me signale que les premiers rats quittent le navire. Plusieurs hauts dignitaires commencent à mettre leurs enfants à l’abri à l’étranger dans l’hypothèse où cela tournerait mal à l’intérieur.

Djibouti est-elle condamnée à suivre l’exemple somalien. Il faudra que le peuple réponde à cette question. Personne ne le fera pour lui !

Sergent Ariko
Londres – Birmingham

(1) Cette unité (SRD) est appelée a traiter les affaires très complexes qui sont confiées a la gendarmerie nationale, en particulier : attentats, complots contre l’état djiboutien, etc.

L’objectif est de prévenir tous les actes pouvant mettre en péril ou porter atteinte à l’intégrité et à la sureté du territoire national. La mission de l’unité est de lutter contre le terrorisme international, de procéder aux enquêtes politiques visant des actes destinés à troubler l’ordre et la tranquillité publics. etc…

La brigade criminelle opère sur le terrain avec deux unîtes spécialisées telles que la Brigade de recherche et la Brigade du fichier spécial. Elle dispose de personnels qualifiés, composés d’officiers-gendarmes et de sous-officiers justifiant d’un bon niveau de connaissances générales. La majorité sont des O.P.J. (officiers de police judiciaire).

Certains personnels ont suivi, en France, une formation dans le domaine de la police technique et scientifique et ils disposent de la qualification de techniciens en identification criminelle (T.I.C.). Très bien formés ces derniers ont acquis une excellente expertise dans le domaine et ils participent à l’instruction des affaires judiciaires complexes qui sont confiées à la Gendarmerie nationale.

Les techniciens de la Section de Recherches procèdent aux constats matériels sur les lieux des infractions.