27/10/10 (B575) Les traits de l’Erythrée – 46e anniversaire de Dawit Isaac, emprisonné depuis 9 ans – Un journaliste suédo-erythréen remporte la Plume d’or de la liberté 2011 (2 articles)

___________________ 2 – RSF

46e anniversaire de Dawit Isaac, emprisonné depuis 9 ans

C’est aujourd’hui l’anniversaire du journaliste Dawit Isaac, et c’est le dixième qu’il passe en prison. Pas de célébration familiale, pas de bougies ni de gâteau d’anniversaire, Dawit se retrouve, une année encore, seul, plus isolé que jamais, entre les murs étroits et insalubres de sa cellule, peut-être dans le bagne d’Eiraeiro, ou ailleurs. Nul ne le sait. En guise de cadeau cependant, Dawit peut compter sur la mobilisation des siens. Et sur celle de quelques organisations, comme l’Association mondiale des journaux (WAN-IFRA) qui vient de lui décerner, aujourd’hui, le « 2011 Golden Pen of Freedom ».

Il y a neuf ans, lorsqu’il a été arrêté à Asmara, il n’imaginait certainement pas qu’il serait encore en détention le jour de ses 46 ans. Il pensait sûrement que son innocence aurait été prouvée depuis longtemps. Innocent, mais de quoi ?

Les raisons de sa détention demeurent à ce jour inconnues. « C’est un traître à la solde de l’Ethiopie », nous disent les autorités érythréennes. Son crime ? Avoir simplement reproduit dans le quotidien désormais disparu Setit, une lettre de ministres et de généraux appelant à la démocratisation de l’Erythrée. Il pensait aussi sans doute que sa double citoyenneté, érythréenne et suédoise, le protègerait de l’arbitraire et de l’injustice qui règnent dans son pays natal. Pourtant, le gouvernement suédois, qui affirme entretenir une « diplomatie silencieuse » avec l’Erythrée, reste inefficace.

Son frère, Esayas Isaac, refuse, lui, de rester silencieux. Il se mobilise en Suède, mais aussi à travers l’Europe, pour alerter l’opinion sur le sort du journaliste et tenter de faire agir le gouvernement suédois. Avec la section suédoise de Reporters sans frontières, représentée par Björn Tunbäck, il a organisé aujourd’hui une conférence à l’université de Göteborg, où étaient présents le Club national de la presse suédois, l’Association de politique étrangère de l’université de Göteborg, et l’ancien Premier ministre Ingvar Carlsson, qui s’est depuis longtemps illustré par ses positions contre la diplomatie silencieuse du gouvernement suédois. Carin Norberg, responsable du Nordic Africa Institute, ainsi que le journaliste érythréen en exil Meron Estifanos, ont également pris la parole.

Esayas Isaac et Reporters sans frontières n’ont de cesse d’interpeller la Suède et les autorités européennes dont ils dénoncent la passivité et le manque d’initiative. La semaine passée, ils ont présenté ensemble, en Suède et devant le Parlement européen à Strasbourg, un avis juridique sur l’obligation positive issue du droit international qui contraint la Suède et l’Union européenne à tout faire pour garantir la protection du journaliste.

Plus d’informations : http://fr.rsf.org/erythree-le-frere-de-dawit-isaac-et-18-10-2010,38564.html

Ambroise PIERRE
Bureau Afrique / Africa Desk
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___________________ 1 – Wan IFRA

Un journaliste suédo-erythréen remporte la Plume d’or de la liberté 2011

La Plume d’or de la liberté 2011, le prix annuel de la liberté de la presse remis par l’Association mondiale des journaux et des éditeurs de médias d’information (WAN-IFRA), est décernée à Dawit Isaak, le fondateur du premier journal indépendant érythréen emprisonné depuis neuf ans sans chef d’inculpation ni procès.

Dawit Isaak, citoyen à la double nationalité suédoise et érythréenne, a été incarcéré en septembre 2001 suite à la fermeture des médias indépendants en Érythrée, un des pires pays au monde au point de vue de la liberté de la presse. Le pays n’a pas de médias privés : ni journaux, ni radios, ni stations de télévision.

Dawit Isaak, qui vient d’avoir 46 ans ce mercredi 27 octobre, n’a officiellement été accusé d’aucun délit et l’incertitude demeure sur le lieu de sa détention.

« Dawit Isaak, qui avait été contraint de fuir son pays pour la Suède, mais était retourné plus tard en Érythrée en raison de son attachement aux principes démocratiques et à une presse indépendante, mériterait d’être félicité pour ses actions. Le gouvernement érythréen, comptant parmi les plus répressifs au monde, a cependant choisi de l’emprisonner », a déclaré le conseil d’administration de la WAN-IFRA lors de la proclamation du prix.

« Dawit Isaak a été confronté à de rudes épreuves, mais son engagement pour la liberté de la presse et les droits de l’homme n’a jamais faibli. Dans de telles conditions, il faut faire preuve d’un grand courage pour travailler comme journaliste et ne pas faire de compromis. Dawit Isaak est une source d’inspiration pour la presse du monde entier », ajoute le conseil d’administration.

La WAN-IFRA exhorte le président érythréen, Issayas Afeworki, à libérer immédiatement Dawit Isaak.

La Plume d’or de la liberté est décernée chaque année par la WAN-IFRA pour récompenser l’action remarquable d’un individu, d’un groupe ou d’une institution ayant particulièrement contribué par ses écrits et ses actions à la défense de la liberté de la presse.

Dawit Isaak a fui l’Érythrée en 1987 lors de la guerre d’indépendance et est arrivé en Suède avec le statut de réfugié. Il est devenu citoyen suédois en 1992 après avoir travaillé pendant des années comme agent de nettoyage. Il est rentré en Érythrée en 1996 après l’accès à l’indépendance du pays.

S’attachant à développer la presse indépendante du pays, Dawit Isaak a co-fondé le premier journal indépendant, Setit, qui s’est taillé une réputation à l’échelle nationale pour son journalisme d’investigation couvrant souvent les abus de pouvoir du gouvernement.

En 2001, après la publication par Setit et d’autres journaux d’une lettre ouverte rédigée par 15 ministres du cabinet qui réclamait des réformes démocratiques et une investigation des événements menant à une guerre récurrente entre l’Érythrée et l’Éthiopie, tous les médias privés du pays ont été fermés. Onze sur les quinze ministres ont été arrêtés, ainsi que Dawit Isaak et 13 autres propriétaires de journaux, éditeurs et journalistes.

Aucun d’entre eux n’a fait l’objet d’un chef d’inculpation ou d’un procès. Dawit Isaak et les autres personnes arrêtées ont été qualifiés de traîtres. Selon les sources, parmi les journalistes détenus en 2001 quatre ont déjà trouvé la mort.

En 2008, selon certaines informations, Dawit Isaak aurait fait partie de 113 prisonniers politiques transférés dans une prison de haute sécurité à Embatkala, où les conditions de détention sont parmi les plus dures du pays. Il aurait été placé dans un hôpital militaire et malgré les dires du gouvernement assurant qu’il reçoit tous les traitements médicaux nécessaires, nous ne connaissons pas l’endroit précis de son lieu de détention et n’avons pas de détails sur son état de santé.

Le gouvernement de Suède et les médias suédois ont entrepris de nombreux mais vains efforts pour faire sortir Dawit Isaak. Le gouvernement érythréen a clairement dit que sa double nationalité suédo-érythréenne était sans importance. « La Suède ne me concerne pas. Elle n’a rien à voir avec nous », a souligné le président Issayas Afeworki l’année dernière.

Le président a également déclaré qu’il n’était pas prévu de libérer Dawit Isaak ou de lui accorder un procès avec un chef d’inculpation officiel. Les déclarations du président faites au cours d’une interview diffusée en mai 2009 ont soulevé de nombreuses critiques à l’échelle internationale lorsqu’il a mentionné : « Nous ne lui accorderons jamais un procès et nous ne le relâcherons jamais. Nous savons parfaitement comment traiter les gens de son espèce. »

L’Érythrée est un pays à parti unique gouverné par le président Issayas Afeworki depuis qu’il a acquis son indépendance de l’Éthiopie en 1993. Le pays n’a jamais connu d’élections libres. Deux tiers de la population dépendent de l’aide humanitaire de l’étranger pour se nourrir.

L’Érythrée est le plus grand geôlier de journalistes en Afrique avec au moins 19 d’entre eux en prison. D’autres ont été contraints de fuir leur pays. En raison de la politique répressive de son gouvernement, l’Érythrée est un pays qui parvient à se soustraire à la surveillance internationale et dont la population n’a pratiquement aucun accès aux informations indépendantes. La poignée de correspondants étrangers résidant dans la capitale Asmara fait l’objet d’une intense observation de la part des autorités.

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Parmi les précédents lauréats de la plume d’or de la liberté décernée chaque année depuis 1961, citons Jacobo Timerman d’Argentine (1980), Anthony Heard d’Afrique du Sud (1986), Doan Viet Hoat du Vietnam (1998), Geoffrey Nyarota du Zimbabwe (2002), Shi Tao (2007) et Li Changqing (2008) de Chine. Le lauréat 2010 était Ahmad Zeid-Abadi of Iran.

La liste complète des lauréats est publiée sur

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La WAN-IFRA, basée à Paris en France et à Darmstadt en Allemagne, avec des filiales à Singapour, en Inde, Espagne, France et Suède, est l’Association Mondiale des Journaux et des Éditeurs de Médias d’Information.

Elle représente plus de 18 000 publications, 15 000 sites Web et plus de 3 000 sociétés dans plus de 120 pays.

L’association est issue de la fusion de l’Association Mondiale des Journaux et de l’IFRA, l’organisation mondiale de recherche et de services pour l’industrie de la presse. Pour en savoir plus sur la WAN-IFRA, veuillez consulter le site http://www.wan-ifra.org ou lire le magazine de la WAN-IFRA à l’adresse http://www.ifra.net/microsites/wan-ifra-magazine

Pour toute question, veuillez vous adresser à : Larry Kilman, directeur de la communication et des affaires publiques, WAN-IFRA, 7 rue Geoffroy Saint-Hilaire, 75005 Paris France. Tél. : +33 1 47 42 85 00. Fax : +33 1 47 42 49 48. Mobile : +33 6 10 28 97 36. E-mail : larry.kilman@wan-ifra.org