07/01/11 (B585) Nouvelles de Somalie – Ahmedou Ould-Abadallah: « sans gouvernement fort, les clans imposent leur loi » – l’aide atteint plus d’un demi-million de personnes – Le gouvernement enquêtera sur ses contrats avec des entreprises étrangères (3 articles)

_________________________ 3 – L’Express

(15/12/2010) Ahmedou Ould-Abadallah: "sans gouvernement fort, les clans imposent leur loi"

Christine Holzbauer


Ancien représentant spécial du secrétaire général des Nations unies pour la Somalie, Ahmedou Ould-Abadallah décrypte la montée de l’insécurité dans ce pays, où il a achevé en juin un mandat de trois ans.

La Somalie est-elle devenue le "pays à plus fort risque terroriste", devant l’Irak, l’Afghanistan et le Pakistan (1)?

Je ne crois pas qu’il faille singulariser la Somalie ; ce pays n’est pas, tout à coup, devenu plus dangereux que l’Afghanistan ou que le nord du Pakistan. Beaucoup d’intérêts économiques internes, mais aussi externes, ont contribué à la situation d’insécurité actuelle et expliquent qu’elle perdure. Voyez comment des déchets toxiques chimiques sont déversés en toute impunité depuis des années, l’ampleur de la pêche illégale dans les eaux somaliennes ou le trafic de migrants clandestins.

Existe-t-il des liens entre terroristes et pirates somaliens?

Pour s’étendre, la terreur idéologique a besoin de s’appuyer sur des trafics comme celui de la cocaïne en Colombie, de l’opium en Afghanistan ou de cigarettes et de drogue dans le Sahel. Dans la mesure où il n’y a pas de gouvernement fort à Mogadiscio et, donc, pas de contrôle sur le territoire, c’est très facile pour des clans et des sous-clans de proliférer et d’imposer leur loi. En Somalie, c’est la piraterie qui rapporte. Au début, les shabab [NDLR : miliciens islamistes radicaux] ont lutté contre les pirates. Mais d’autres groupes rivaux ont très bien pu passer des ententes avec ces derniers, afin de récupérer l’argent des rançons.

Le balisage des routes maritimes et le respect d’un code de bonne conduite suffiront-ils à enrayer la piraterie?

Le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, le souligne : les navires qui empruntent les voies maritimes balisées et se conforment à un code strict sont beaucoup moins exposés aux attaques des pirates. Mais n’oublions pas que ceux-ci sont aujourd’hui mieux équipés et donc mieux informés. D’où les pertes plus importantes parmi ceux qui les traquent. La solution est à terre, pas en mer. Il faut une réconciliation nationale en Somalie.

Engagée dans l’opération navale Atalante, la France propose de former 3.000 soldats dans le cadre d’une mission européenne. Est-ce une idée pertinente?

Toute initiative visant à renforcer la sécurité est la bienvenue, à condition de s’en donner les moyens. Former des soldats suppose qu’on leur assure un salaire sur une période suffisamment longue pour qu’ils ne soient pas tentés de retourner leurs armes contre les populations. L’Union européenne dépense environ 120 millions d’euros par an en Somalie. Elle pourrait recourir au Fonds européen de lutte contre le terrorisme pour payer la solde de ce contingent, soit 5 millions d’euros.

Le Kenya est-il fondé à ne plus juger les pirates somaliens sur son territoire
C’est trop facile d’arrêter puis de relâcher en haute mer des pirates au nom du respect des droits de l’homme, puis de demander au Kenya ou à Djibouti de les juger. Je pense, en effet, qu’une Cour spéciale devrait être mise en place à Bruxelles.

(1) La société britannique Maplecroft, spécialisée dans l’étude des risques naturels et humains, a recensé 556 "actes terroristes" en Somalie, de juin 2009 à juin 2010, ayant provoqué la mort de 1 437 personnes. Ce qui a propulsé la Somalie de la 4e à la 1re place des pays à plus fort taux de risque terroriste.

_________________________ 2 – CICR

Somalie : l’aide atteint plus d’un demi-million de personnes

Les combats en cours exacerbés par la sécheresse obligent des millions de Somaliens de continuer à être tributaires de l’aide humanitaire. Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et le Croissant-Rouge de Somalie viennent d’achever la distribution de nourriture et d’articles ménagers qui manquent cruellement à plus de 540 000 personnes déplacées et habitants vulnérables dans les grandes villes et le long de la route vers le sud-ouest allant de Mogadiscio à Afgoye.

« Vingt années de guerre ont plongé la Somalie dans un état désastreux qui ne cesse de se détériorer », déclare Pascal Mauchle, chef de la délégation du CICR en Somalie.

« Des dizaines de milliers de personnes ont fui Mogadiscio ces derniers mois. La production alimentaire a baissé, les prix ont grimpé en flèche et bon nombre ne peuvent pas se permettre d’acheter des vivres et d’autres biens essentiels, même lorsqu’ils sont disponibles sur le marché.

La situation économique continue de se dégrader et la population lutte pour sa survie quotidienne, non seulement dans les zones touchées par le conflit, mais aussi dans les grandes villes au nord du pays. »

Ces dernières semaines, le CICR et le Croissant-Rouge de Somalie ont distribué des rations de riz, de haricots et d’huile, couvrant deux mois de besoins, à quelque 240 000 personnes déplacées et habitants démunis, ainsi que des couvertures, des ustensiles de cuisine et des matériaux en plastique pour toiture à plus de 300 000 personnes.

La priorité a été donnée aux personnes handicapées, aux orphelins et aux ménages dirigés par une femme.

L’aide a atteint de nombreuses villes dans le Bas Shabelle, à Gedo, à Bakool et à Bay, au sud, à Hiraan et Mudug dans le centre du pays, et dans le Puntland au nord du pays.

________________________ 1 – GabonEco avec XINHUA

Somalie : Le gouvernement enquêtera sur ses contrats avec des entreprises étrangères

Le gouvernement somalien a déclaré lundi qu’il ouvrirait une enquête officielle sur les contrats passés par ses agences avec des compagnies étrangères implantées dans ce pays ravagé par la guerre, a fait savoir un communiqué du gouvernement.

Cette décision fait suite à une demande récente du Parlement somalien pour que le gouvernement du Premier ministre Mohamed Abdulahi Mohamed suspende sa collaboration avec la compagnie de sécurité Saracen, employée par le gouvernement précédent pour la formation des forces locales.

Cette compagnie de sécurité fait l’objet d’une controverse grandissante depuis qu’a été révélée son implication dans la formation d’une force anti-piraterie dans l’État semi-autonome du Puntland dans le nord-est du pays.

Le Premier ministre somalien avait déjà été convoqué devant le Parlement pour expliquer l’accord qu’il avait conclu avec Saracen, compagnie de sécurité internationale basée en Afrique du Sud.

Au cours d’une réunion du cabinet présidée par le PM somalien lundi à Mogadiscio, différents ministères du gouvernement se sont vus demander de présenter dans les trois jours les contrats qu’ils ont conclu avec des compagnies étrangères, indique ce communiqué publié par le bureau du Premier ministre.

Le Premier ministre somalien a déclaré que son gouvernement n’ avait signé aucun contrat avec cette entreprise de sécurité, ajoutant que celui-ci avait été conclu par un gouvernement précédent.

Il est récemment apparu que cette compagnie de sécurité était impliquée dans la formation d’une force anti-piraterie locale avec le financement d’un « pays musulman » dont le nom est inconnu.

Le gouvernement américain et les forces de paix de l’Union africaine en Somalie ont exprimé leur opposition à cette mesure, tandis que les députés ont exprimé leur scepticisme sur cet accord qu’ils jugent contraire à « la souveraineté de la Somalie ».

Le gouvernement somalien ne contrôle que quelques parties de la capitale somalienne en proie au chaos, et a tenté ces derniers temps d’étendre son autorité dans la capitale. Le gouvernement somalien nouvellement formé du Premier ministre Mohamed Abdulahi s’est engagé à faire de la sécurité la première priorité de son gouvernement.

Les rebelles islamistes qui mènent des attaques quasi- quotidiennes contre le gouvernement somalien reconnu par la communauté internationale veulent imposer des lois strictes basées sur la charia dans ce pays de la Corne de l’Afrique.