24/03/2013 (Brève 126) Culture / TARTUFFE / Une nouvelle série limitée de représentations au Grand Théâtre d’Haramous sur un texte de Roger Picon, d’après le livret original du Grand Molière (1622 – 1673)
Représentation exceptionnelle :
Mise en scène originale Hachi dit le Bouffon
Conseiller technique : Djama Souleiman dit Grandes Oreilles
Protection des droits de la femme :
Ali Mohamed Abdou dit « Le benêt »
Eclairage des zones d’ombre et effets spéciaux : Hassan Saïd dit « Le noiraud »
Chef de la billetterie : Paulette dit RPP
Directeur de la Production : Carlos, dit le Prince noir ou le Pharaon
Extrait (à suivre)
(A noter que Roger Picon, avec son souci du détail, a tenu à conserver la forme poétique et littéraire en usage à l’époque du Roi Soleil : Louis XIV)
Nous n’avons pas encore reçu la confirmation de la distribution des rôles, mais chacune et chacun essaiera de les attribuer … au mieux de leurs compétences.
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L’AVOCAT DE LA DIABLESSE
Qu’est-ce? J’apprends ici de terribles mystères.
ORGON ISMAÏL BOBARD
Ce sont des surprises dont mes yeux sont témoins,
Et vous voyez le prix dont sont payés mes soins.
Je recueille, avec zèle, une femme en sa misère,
Je l’épouse, la loge, et la tiens comme ma propre mère;
De bienfaits, chaque jour, elle est par moi chargée,
Je lui fais confiance, et lui offre tout le bien que j’ai volé ;
Et dans le même temps, la perfide, l’infâme,
Tente le noir dessein de suborner mon âme ;
Et non contente encor de ces lâches essais,
Elle m’ose menacer de mes propres bienfaits,
Elle veut, à la ruine de mon trône, user des avantages
Contre moi armer ses collabos, cupides et trop peu sages;
Pour me chasser de mes biens à l’étranger que j’ai transférés,
Et me réduire au point d’où je l’ai retirée.
LA FOULE
Le pauvre homme!
L’AVOCAT DE LA DIABLESSE
Majestueuse Majesté, je ne puis du tout croire
Qu’elle ait voulu commettre une action si noire.
ORGON ISMAÏL BOBARD
Comment?
L’AVOCAT DE LA DIABLESSE
Les gens de bien sont enviés parfois.
Même sortis du ruisseau devenus reine sans loi
ORGON ISMAÏL BOBARD
Que voulez-vous donc dire avec votre discours,
L’AVOCAT DE LA DIABLESSE
Que chez vous on vit d’étrange sorte,
Et qu’on ne sait que trop la haine aux autres qu’on lui porte.
ORGON ISMAÏL BOBARD
Qu’a cette haine à faire avec ce qu’on vous dit?
L’AVOCAT DE LA DIABLESSE
Je vous l’ai dit cent fois, quand vous étiez petit en Ethiopie.
La vertu, dans le monde, est toujours poursuivie;
Les envieux mourront, mais non jamais l’envie.
ORGON ISMAÏL BOBARD
Mais que fait ce discours aux choses d’aujourd’hui?
L’AVOCAT DE LA DIABLESSE
On vous aura forgé cent sots contes d’elle
Alors que seul un homme la défend, Guédi Ismaël
ORGON ISMAÏL BOBARD
Je vous ai dit déjà, que j’ai vu tout moi-même.
L’AVOCAT DE LA DIABLESSE
Des esprits médisants, la malice est extrême.
ORGON ISMAÏL BOBARD
Vous me feriez damner. Je vous le di,
Que j’ai vu de mes yeux, un crime si hardi.
L’AVOCAT DE LA DIABLESSE
Les langues ont toujours du venin à répandre;
Et rien n’est, ici-bas, qui s’en puisse défendre.
ORGON ISMAÏL BOBARD
C’est tenir un propos de sens bien dépourvu !
Je l’ai vu, dis-je, vu, de mes propres yeux vu,
Ce qu’on appelle vu: faut-il vous le rebattre
Aux oreilles cent fois, et crier comme quatre?
L’AVOCAT DE LA DIABLESSE
Mon Dieu, le plus souvent, l’apparence déçoit.
Il ne faut pas toujours juger sur ce qu’on voit.
ORGON ISMAÏL BOBARD
J’enrage. Je vais en divorcer avant qu’elle ne me pende
L’AVOCAT DE LA DIABLESSE
Aux faux soupçons la nature est sujette;
Et c’est souvent à mal, que le bien s’interprète.
ORGON ISMAÏL BOBARD
Je dois interpréter à charitable soin,
Le désir d’embrasser ma femme?
L’AVOCAT DE LA DIABLESSE
Il est besoin,
Pour accuser les gens, d’avoir de justes causes,
Et vous deviez attendre à vous voir sûr des choses.
ORGON ISMAÏL BOBARD
Hé, diantre, le moyen de m’en assurer mieux?
Je devais donc, attendre qu’à mes yeux
Elle eût… Vous me feriez dire quelque sottise.
L’AVOCAT DE LA DIABLESSE
Enfin d’un trop pur zèle on voit son âme éprise,
Et je ne puis du tout me mettre dans l’esprit,
Qu’elle ait voulu tenter les choses que l’on dit.
ORGON ISMAÏL BOBARD
Allez. Je ne sais pas, si vous n’étiez un frère,
Ce que je vous dirais, tant je suis en colère.
LE PEUPLE
Juste retour, Monsieur, des choses d’ici-bas.
Vous ne vouliez point croire, et l’on ne vous croit pas.
LA VACHE PLEUREUSE
Nous perdons des moments, en bagatelles pures,
Qu’il faudrait employer à prendre des mesures.
Aux menaces de la fourbe, on doit ne dormir point.
HASSAN, LE MATRAQUEUR
Quoi! son effronterie irait jusqu’à ce point?
Pour moi, je ne crois pas cette instance possible,
Et son ingratitude est ici trop visible.
LA VACHE PLEUREUSE
Ne vous y fiez pas, il aura des ressorts,
Pour donner, contre vous, raison à ses efforts;
Et sur moins que cela, le poids d’une cabale
Embarrasse les gens dans un fâcheux dédale.
Je vous le dis encore, armé de ce qu’elle a,
Vous ne deviez jamais la pousser jusque-là.
ORGON ISMAÏL BOBARD
Il est vrai, mais qu’y faire? À l’orgueil de cet être
De mes ressentiments je n’ai pas été maître.