24/11/2015 (Brève 523) Espace abonnés de MEDIAPART : A Djibouti, le président Ismaïl Omar Guelleh, au pouvoir depuis 1999, songe à se représenter en 2016 même si la Constitution le lui interdit.
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______________________________ Note de l’ARDHD
Selon notre connaissance, la constitution modifiée de façon autoritaire par IOG pour lui permettre un troisième mandat, l’autoriserait (sous réserve de la limite d’âge) à briguer un quatrième mandat. A ce titre nous émettons des doutes concernant l’affirmation contenue dans le titre.
Il serait certainement judicieux que les Djiboutiens s’assurent que Guelleh n’a pas une deuxième nationalité (Français par exemple ???), ce qui constituerait un empêchement majeur à son élection.
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Cela ne saurait être un obstacle insurmontable pour cet homme assoiffé de pouvoir qui avait déjà fait modifier la Constitution en avril 2010 pour pouvoir postuler à un troisième mandat lannée suivante. Il avait promis à lépoque quil quitterait le pouvoir en 2016, mais semble être en train de retourner sa veste pour mieux garder son sceptre. Si la manoeuvre est fréquente en Afrique, elle reste de moins en moins impunie, méfiance !
L’Afrique, continent ravagé depuis quelques années par le vent de la modification des Constitutions. En 2002, la Constitution guinéenne est modifiée dans le but dautoriser le président Lansana Conté à se représenter à la fin de son second mandat. Cest également en 2002 quune modification de la Constitution tunisienne permet au président Zine Ben Ali de briguer un quatrième mandat en 2004. Au Togo, cest la modification de 2003 qui a permis à Gnassingbé Eyadéma de se faire réélire pour un troisième mandat après déjà 36 années de pouvoir. En 2005, cest au tour du Tchad : la Constitution y est modifiée pour permettre à Idriss Deby Itno de se maintenir au pouvoir, où lavait porté un coup dEtat en 1990.
Et la liste nest pas exhaustive. Paul Biya au Cameroun, Joseph Kabila en République démocratique du Congo, Paul Kagamé au Rwanda, Pierre Nkurunziza au Burundi, Denis Sassou-Nguesso en République du Congo, et même Abdelaziz Bouteflika, réélu dans les conditions que lon sait à la tête de lAlgérie pour un quatrième mandat, etc., autant de présidents assoiffés de pouvoir qui saccrochent à leurs postes (avec ou sans modification constitutionnelle) coûte que coûte.
Mais le cas de Blaise Compaoré devrait tout particulièrement attirer lattention dIsmaïl Omar Guelleh. Arrivé au pouvoir en 1987 à la suite dun sanglant coup dEtat, Blaise Compaoré est élu président du Burkina Faso en 1991 puis réélu en 1998, 2005 et 2010. Cest au cours de son quatrième mandat, et après 27 années au pouvoir, quil doit démissionner, incapable de faire face à un soulèvement populaire. Lexpérience de Blaise Compaoré devrait inspirer les réflexions dIsmail Omar Guelleh sur lopportunité ou non de briguer un quatrième mandat, alors que la contestation de son régime est grandissante au sein dune population qui compte jusquà 65 % de personnes en situation de pauvreté et 57 % en situation dextrême pauvreté.
Djibouti, petit Etat de la corne de lAfrique, dispose pourtant dimportantes ressources, notamment en matière dénergies renouvelables. Sa capitale est éminemment riche de son industrie portuaire et Ismail Omar Guelleh, qui a signé dimportants accords avec Pékin pour la construction dinfrastructures de transport aérien et ferroviaire, a promis den faire un des hubs commerciaux dAfrique de lEst. Mais pour linstant le pays se classe 147e sur 169 en termes de développement humain, la pauvreté y est endémique et la richesse est distribuée de manière scandaleusement inégale !
En outre, la position stratégique de Djibouti, situé sur la deuxième voie maritime la plus importante au monde, fait de lui lun des grands acteurs de la géopolitique régionale. A la porte du Golfe dAden et à quelques kilomètres du Yémen, cette ancienne colonie française constitue une base idéale pour les actions anti-terroriste et anti-piraterie. Le pays est ainsi devenu un partenaire incontournable des Occidentaux, qui voient en lui un acteur pouvant faciliter leurs entreprises géopolitiques dans la région.
Or, une dérive autoritaire pourrait déstabiliser profondément Djibouti, ce qui aurait des conséquences néfastes pour ses habitants mais également pour les intérêts occidentaux. Ismail Omar Guelleh doit entendre la demande pressante de ses citoyens, épris de liberté et de démocratie. Il faut éviter que la soif de pouvoir dun dirigeant lemporte à nouveau sur les revendications démocratiques de tout un peuple ! Il faut que les Occidentaux comprennent que s’ils veulent continuer d’entretenir des rapports avec un pays stable dans une zone en proie au chaos, s’ils ne veulent pas que le dernier bastion de résistance à la barbarie de la Corne de l’Afrique sombre à son tour dans la violence, il faut appuyer le souhait de la population djiboutienne de laisser place à l’alternance !
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