14/08/2021 (Brève 1878) Corne de l’Afrique. Djibouti rattrapé par la guerre en Ethiopie ? (L’Humanité du 6 Août)

Lien avec l’article : https://www.humanite.fr/corne-de-lafrique-djibouti-rattrape-par-la-guerre-en-ethiopie-716727
Signé par Marc de Miramon

Des violences entre communautés ont fait plusieurs morts, impliquant les forces de l’ordre de ce petit pays stratégique allié de Paris, dénonce l’opposition.

Des affrontements impliquant des membres des Issa et des Afar, les deux grandes communautés du pays, se sont produits ces derniers jours dans plusieurs quartiers de la capitale Djibouti-ville, qui concentre plus de la moitié des habitants de ce petit pays de la Corne de l’Afrique. Les bilans demeurent confus.

Selon la procureure Lamisse Mohamed Saïd, trois morts seraient à déplorer. « Il a été constaté plusieurs actes criminels d’une extrême gravité. En effet, des maisons ont été incendiées, de manière intentionnelle », a-t-elle déclaré à la télévision publique, tandis que des vidéos incriminant le rôle joué par les forces de l’ordre peinent à percer la censure, l’accès à Internet et à Facebook demeurant erratique. Considéré comme un îlot de stabilité dans une Corne de l’Afrique déchirée par la guerre, en Somalie voisine, en Erythrée et surtout en Ethiopie, Djibouti fait face à des « évènements d’une ampleur nouvelle », qualifiés « d’intolérables » par le ministre de l’Intérieur Said Nouh Hassan.

++ Une implication des forces de l’ordre 

Mais l’opposition dénonce une implication des forces de l’ordre dans ces affrontements, sur fond de réélection contestée, le 9 avril dernier, de l’inamovible président Omar Guelleh. « Selon les témoins directs, la police participe aux heurts et entretient des tensions. (Elle) a utilisé des balles réelles et a tué deux personnes, une femme et un homme et une troisième personne a été écrasée par une voiture de la police », assure Omar Ali Ewado, président de la Ligue djiboutienne des droits humains (LDDH) : « le conflit qui oppose les 2 communautés (Issa et Afar, ndlr) en Ethiopie s’est invité à Djibouti et risque de plonger (le pays) dans les abîmes s’il n’est pas circonscrit rapidement. Les chancelleries et les Bases des Forces étrangères ne doivent pas rester les bras croisés face au drame vécu par les Djiboutiens », ajoute-il, alors que le pays d’à peine un million d’habitants abrite des camps militaires principalement américains, français et chinois.

++ Stratégie de tension 

« Le 1er août, un groupe de personnes encadré par des policiers en civil et en uniforme, a mené des opérations punitives contre des habitants Afar de Warabalé en incendiant 150 logements. La police a empêché les pompiers et les autres habitants d’éteindre le feu. Un homme est mort, brûlé dans son logement et une vingtaine de personnes a été blessée par la police », assure Mohamed Kadamy, président du Front pour la Restauration de l’Unité et la Démocratie (FRUD). « L’Etat clanique né en 1977, fidèle à sa nature profonde, a mis en place depuis plusieurs semaines une stratégie de tension ciblant la communauté Afar, considérée et traitée en ennemi de l’intérieur », dénonce-t-il.

Toujours selon Mohamed Kadamy, des dizaines de personnes auraient été arrêtées et torturées depuis le début du mois de juillet. Des violences qui interviennent au moment où se multiplient les affrontements entre Issa (une composante de l’ethnie somali à laquelle appartient le clan du président Omar Guelleh) et Afar en Ethiopie voisine. Ces derniers soutiennent l’armée fédérale éthiopienne dans sa guerre contre la rébellion tigréenne. Les Tigréens tentent de couper la route d’approvisionnement reliant Addis-Abeba, capitale de l’Ethiopie, et Djibouti, dont le port représente l’une des principales sources de devises et d’entrées de marchandises destinées au géant enclavé de la Corne de l’Afrique.