07/03/03 (B187) A lire un article sur l’Afrique: prise en charge des africains comme substitut à la françafrique, vivifiant.

http://www.journaldujeudi.com/semaine/edito.htm

La France de papa blague
l’Afrique des enfants

La France, chante Zêdess,
« c’est comme une mobylette. Pour avancer, il (lui) faut du mélange! »
Un mélange avec ces nombreux Africains, qu’ils soient « Black »
ou « Beur », qui ont donné, et qui continuent de donner beaucoup
au rayonnement du pays des Gaulois dans le monde. Mais, il faut le savoir,
« la politique France-Afrique, c’est du blaguer-tuer ». Et ce n’est
pas Tiken Jah Fakoly qui dira le contraire…

La douce France a reçu,
la semaine dernière, sur les bords de la Seine, l’Afrique politique.
Ce 22e sommet des chefs d’Etat et de gouvernement d’Afrique et de France a
enregistré la présence de 52 États dont 42 ont été
représentés par des chefs d’Etat et de gouvernement. Un vrai
record en 30 ans de rencontres. C’est « la plus importante participation
que nous ayons connue », s’est d’ailleurs félicité le chef
de l’État français, à la clôture de la rencontre.
Un sommet qui aura permis à un Jacques Chirac désormais débarrassé
de la cohabitation, de réaffirmer que « l’Afrique est au coeur
des priorités de la France ».

En fait, la conjoncture
sociopolitique en Afrique, ces derniers mois, ne justifie-t-elle pas ce déplacement
massif de nos têtes couronnées vers l’Hexagone où, à
l’ombre de l’ancienne puissance colonisatrice, on ne se gêne plus, 43
ans après les indépendances, à aller chercher réconfort,
soutien, devises et leadership? Les points chauds sont, en effet, nombreux
dans cette Afrique qui n’en finit pas d’avoir mal à la Côte d’Ivoire,
mais aussi en République centrafricaine, en République démocratique
du Congo et bien ailleurs. Si la Françafrique fait bloc contre une
guerre aveugle en Irak, elle n’arrive pas à trouver la bonne combinaison
pour éteindre les feux qui embrasent le continent noir.

Tout au plus a-t-on sonné
l’hallali de l’impunité – tiens, Halidou Ouédraogo, qu’on n’entend
plus par ici, serait-il passé par là? – sans pour autant ériger
formellement les balises de la nouvelle vision politique envisagée.
On retiendra cependant ces mots du Maître de cérémonie,
Jacques Chirac, qui note que « vous et nous ne pouvons légitimer
le recours à la violence, laisser s’installer des zones grises et de
non-droit, laisser des provinces entières tomber en déshérence ».
Soit! Mais l’Afrique a besoin d’autre chose que de simples énoncés
de principes enjoliveurs qui, à force d’être répétés
indéfiniment, produisent, bien souvent, l’effet contraire à
celui escompté.

Certes, il ne s’agit pas
pour l’Afrique de réinventer la roue et de vivre en autarcie, se privant
de l’aide que pourrait lui apporter la France dans un esprit bien compris
de partenariat. Mais, ces conclaves bisannuels seraient autrement profitables
à l’Afrique s’ils contribuaient à sortir les dirigeants africains
de leur coupable passivité. Et si on osait imaginer l’Afrique sans
la France au lieu de toujours gloser sur ce que serait aujourd’hui la France
sans l’Afrique? Et si, finalement et courageusement, les Africains assumaient
leur passé et essayaient résolument de bâtir l’avenir
en prenant appui sur le présent? Se contenter d’avoir un passé,
douloureux et plein de facteurs handicapants pour le développement,
plutôt que d’être ce passé, de le traîner invariablement
comme un boulet aux pieds, voilà peut-être la première
résolution à prendre pour s’affranchir d’une tutelle qui nous
colle à la peau.

C’est, du reste, cette
leçon de sagesse que donne l’ancien Premier ministre centrafricain,
Jean-Paul Ngoupandé, à travers son livre « L’Afrique sans
la France » publié en 2002 aux Éditions Albin Michel. Alternant
le réquisitoire et le plaidoyer sur 395 pages, l’auteur incite, en
fait, « les Africains à se prendre en charge, avant d’être
définitivement laissés sur le bas-côté d’une histoire
qui avance sans eux ». Grands Dieux! Quand se rendra-t-on à l’évidence
que l’Afrique reste empêtrée dans des contradictions et des contre-performances
inouïes, tandis que « la France n’est plus là pour payer les
fins de mois de dictateurs impécunieux ou se faire l’avocate de ses
obligés dans les instances internationales »? Quand prendra-t-on
conscience que l’Afrique doit « apprendre à se débrouiller
seule, à compter sur ses propres forces, qui sont loin d’être
négligeables, à condition de savoir les utiliser, et à
cesser de faire porter au mauvais sort et aux anciens colonisateurs la responsabilité
des déboires qu’elle traverse »?

Le temps presse. Mais
en attendant, si on n’y prend garde, « ils » vont nous « blaguer-tuer ».
Car, foi de Tiken Jah Fakoly, « ils nous vendent des armes pendant que
nous nous battons. Ils pillent nos richesses et se disent être surpris
de voir l’Afrique toujours en guerre. Ils cautionnent la dictature, tout ça
pour nous affamer »…

J.J.