31/07/03 (B207) MON PAYS VA MAL (par Freeman)

Je n’ai pas pu m’empêcher
de reprendre le titre d’une chanson de Tiken Jah Facoli (chanteur ivoirien).
Chanson qui par ailleurs a été censurée à l’époque
par le gouvernement ivoirien. Fermons cette petite entrée en matière
pour nous intéresser encore une fois à l’une des dépêches
de l’ADI qui après tout n’est qu’un prétexte – mais un bon prétexte
– pour aborder la triste réalité de notre pays.

Cette respectable agence
de désinformation, nous rapporte que le gouvernement djiboutien, dans
un éclair de lucidité, vient de découvrir que la pauvreté
et même l’extrême pauvreté de nos concitoyens sont la résultante
d’un chômage endémique qui frôlerait les 70% de la population
en âge de travailler.

A mon avis, il y a anguille
sous roche. Je trouve très suspect que le gouvernement communique depuis
quelques jours à outrance sur la plaie du chômage à Djibouti.
D’habitude il arbore fièrement leur pseudo statistique pour nous dire
qu’au 1er ou 2nd semestre il y a eu création d’un certain nombre d’emplois
(jamais au-delà de 20 créations).

Aujourd’hui, il ne cache
plus rien et étale sur la place publique leurs piètres résultats
et surtout leur gestion calamiteuse d’un pays qui avait tout pour réussir
une sortie progressive du sous-développement. Pire, nos concitoyens
continuent à sombrer dans une misère noire. Une misère
digne des romans de Zola, insupportable en plein XXI° siècle.

Il y a fort à parier
que dans l’un des tiroirs de l’une des agences de l’ONU, il existe une petite
ou peut être une très grosse enveloppe – il est plus politiquement
correct de parler de projet – pour aider la République de Djibouti
à faire face au fléau du chômage alors que l’on sait pertinemment
où se trouve le vrai fléau.

Si l’on croit les chiffres
avancés par la Banque mondiale , le gouvernement Djiboutien aurait
bénéficié d’environ 38 millions de dollars (entre 2000
et 2003) pour réduire la pauvreté et ses effets. On a eu droit
à une petite campagne sur le document stratégique de réduction
de la pauvreté et pschitt ! Rien du tout depuis. Y a-t-il moins de
pauvres, plus de créations d’emplois ou moins de malade du Sida …J’en
doute très fort. Ces 38 millions ont-ils été utilisés
comme il se doit ? Les plus dévots d’entre nous auraient certainement
répondu: " Dieu seul le sait ? ".

Et malheureusement, le
pire des scénarios est entrain de se réaliser. Les experts de
la banque mondiale appellent cela " le scénario bas " . En
langage moins technocratique cela veut dire que le pays s’achemine vers le
" scénario catastrophe " ; et que rien de ce qui aurait dû
se réaliser n’a été accompli aussi bien en terme de créations
d’emploi, de réduction de la pauvreté ou de renforcement de
la gouvernance.

Dans un pays quand on
assiste à la disparition d’une classe moyenne et c’est le cas à
Djibouti, c’est un signe qui ne trompe pas sur la détérioration
des problèmes socio-économiques. En effet, cette classe moyenne
était jadis constituée des enseignants et d’une grande partie
des salariés de la fonction publique. Les plus privilégiés
d’entre nous pouvaient aider ceux qui étaient dans le besoin. Ils étaient
certes pauvres mais pas misérables ! Ils avaient encore une certaine
dignité et pouvaient remplir leur rôle de père, de mère,
d’époux (se).

Aujourd’hui, le paysage
social est apocalyptique. Il dépasse l’entendement. La misère
est omniprésente. Elle frappe à toutes les portes et touche
tout le monde sans distinction de classe socioprofessionnelle. Elle est entrée
dans les mœurs et a engendré de nouvelles habitudes et surtout
beaucoup de travers. Quémander est devenu chose naturelle. On le fait
sans rougir et sans se poser de questions. Est-ce qu’on a vraiment le choix
?

A-t-on vraiment le temps
ou l’idée de se poser toutes ces questions quand la misère affame
nos familles. Pense-t-on dignité ou fierté quand cette même
misère disloque et fait éclater en mille morceaux les familles.

A-t-on encore sa dignité
quand un subodore que sa fille ou sa femme se prostitue occasionnellement
pour réussir à faire bouillir la marmite familiale au moins
une fois par jour ? Certains penseront que je grossis le trait. Je réponds
que non !

C’est surtout par pudeur
que je ne fais qu’effleurer la réalité en laissant à
chacun d’entre nous la liberté d’imaginer l’ampleur du mal qui ronge
une à une les fibres de notre société et surtout de notre
dignité.

Face à cette misère
sans nom, il y a une nouvelle classe qui affiche ostensiblement ces richesses
accumulées sur le dos d’un peuple meurtris et vidés jusqu’à
la moelle. Elle roule en 4X4 (plusieurs millions de francs Djibouti) et habite
villas luxueuses qui n’ont rien à envier à certains quartiers
de Miami. Elle s’enrichit indûment et sans le moindre complexe.

Certains fonctionnaires
– à la de leur traitement – ne pourraient justifier de leur train de
vie si ce n’est par la corruption. Et là, je vise tous les Directeurs
et autres hauts responsables de la fonction publique qui vivent très
largement au dessus de leurs réelles ressources (salaires).

A côté de
ces planqués de la corruption, il y a une nouvelle caste. Je parle
de caste parce que très souvent, ces gens ont un lien de sang direct
ou indirect avec les apparatchiks au pouvoir. C’est au nom de cette filiation
qu’ils ont obtenu le sésame pour mener à bien leurs " sales
affaires ". Ils se prétendent des hommes d’affaires. Il en est
rien. Ils n’ont ni le talent et encore moins l’intelligence de l’homme d’affaire.
Leur seul mérite c’est leur proximité (par intérêt
ou par filiation) du pouvoir. C’est une caste qui vit en parfaite osmose avec
le pouvoir. Ils s’alimentent – ou s’autoalimentent – réciproquement
et font tout pour que le système perdure ad vitam aeternam.

Je ne sais pas s’il perdurera
ad vitam aeternam mais il est là depuis au moins deux décennies
et il est entrain de redessiner – pour ne pas dire défigurer – profondément
et durablement les fondements et les valeurs de notre société.


FREEMAN