07/02/05 (B284) AP / L’Union africaine dénonce un coup d’Etat au Togo après la mort d’Eyadéma –Par Ebow Godwin–

AP |
06.02.05 | 19:22

LOME (AP) — Les appels
au respect de la constitution togolaise se sont multipliés dimanche
au lendemain du décès soudain du président Gnassingbé
Eyadéma, immédiatement remplacé par son fils Faure par
le haut commandement militaire.

L’Union africaine a dénoncé
un coup d’Etat et prévenu qu’elle n’accepterait pas un transfert de
pouvoir anticonstitutionnel.

Considéré
comme l’un des derniers «dinosaures» africains, Gnassingbé
Eyadéma, qui dirigeait cette nation d’Afrique de l’Ouest depuis 38
ans, est mort samedi à l’âge de 69 ans, emporté par une
crise cardiaque. Il était le plus ancien dirigeant en exercice après
le Cubain Fidel Castro.

Peu après l’annonce
de sa mort, le Premier ministre Koffi Sama annonçait la fermeture de
toutes les frontières du petit pays de 5,5 millions d’habitants.

La télévision
officielle diffusait quelques heures plus tard des images du haut commandement
militaire, dont le chef d’état-major, le général Zakari
Nandja, prêtant allégeance au fils du défunt chef de l’Etat
Fauré Gnassingbé, au mépris de la constitution. Fauré
Gnassingbé, 39 ans, était jusqu’alors ministre des mines et
de la communication. Le général Nandja n’a pas précisé
si cette désignation était provisoire.

La Constitution togolaise
prévoit qu’en cas de décès du chef de l’Etat le président
de l’assemblée nationale assure l’intérim avant la convocation
d’élections dans les 60 jours. Or ce dernier, Fanbare Ouattara Natchaba,
se trouvait l’étranger au moment du décès de Gnassingbé
Eyadéma et l’ armée a expliqué avoir désigné
son fils pour prévenir toute vacance du pouvoir.

Le président de
l’assemblée nationale est arrivé samedi soir à Cotonou,
la capitale économique du Bénin voisin, alors que toutes les
frontières terrestres, maritimes et aériennes du Togo étaient
fermées. Contacté par téléphone par l’Associated
Press à son hôtel, M. Natchaba s’est refusé à tout
commentaire. Selon un conseiller du ministère de la Communication,
qui a requis l’anonymat, le président du Parlement revenait de Bruxelles
où il avait discuté des réformes démocratiques
au Togo avec des responsables européens.

Le président nigérian
Olusegun Obasanjo, qui préside l’Union africaine, a prévenu
que l’organisation n’accepterait pas «un transfert de pouvoir anticonstitutionnel
au Togo», selon son porte-parole Remi Oyo. «La démocratie
doit être le principe en Afrique et toutes les nations africaines devront
s’y soumettre». Selon une source diplomatique ouest-africaine à
Lomé, Olusegun Obasanjo ét ait attendu dimanche ou lundi dans
la capitale togolaise pour rencontrer les chefs de l’armée et le fils
du président défunt.

«Ce qui est en cours
aujourd’hui au Togo, il faut appeler les choses par leur nom, c’est une prise
de pouvoir par l’armée, c’est un coup d’Etat militaire», a estimé
le président de la commission de l’Union Africaine, l’ex-président
malien Alpha Oumar Konaré, sur RFI. «Il est clair que l’Union
africaine ne peut pas souscrire à une prise de pouvoir par la force».
Selon le porte-parole de M. Konaré, Adam Thiam, la CEDEAO, la Communauté
économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, s’apprêtait à
tenir une réunion d’urgence.

L’Union européenne
a également appelé dimanche au «strict respect des procédures
prévues par la Constitution». Par la voix du ministère
des Affaires étrangères, la France a elle aussi souligné
qu’il était «indispensable» de respecter la Constitution.
La ministre de la Défense Michèle Alliot-Marie a par ailleurs
précisé dimanche soi r que la France avait «mis ses troupes
en alerte» afin d»’intervenir» s’il fallait «protéger»
les 2.500 ressortissants français vivant dans le pays.

«Il n’y a pas de
menace particulière, mais nous sommes vigilants», a-t-elle ajouté,
rappelant que la France avait «fait savoir que le temps des coups d’Etat
est terminé en Afrique».

De son côté,
Jacques Chirac s’est entretenu avec plusieurs chefs d’Etat de la région
de la situation, selon l’Elysée. La veille, le président français
avait dit avoir appris avec une «profonde tristesse» le décès
de son homologue togolais, un «ami de la France» et un «ami
personnel».

Le président Eyadéma,
un ancien membre de la Légion étrangère française,
avait pris les rênes du Togo en janvier 1967, après avoir fomenté
un coup d’Etat, le tout premier de l’Afrique post-colonial.

Pendant ses 38 ans de
règne, le général aux éternelles lunettes noires
et aux élégants costumes à l’européenne, s’était
maintenu au pouvoir par la force, le clientélis me et la loyauté
de son ethnie d’origine, les Kabyé. Finalement contraint d’accepter
le multipartisme en 1990, il n’avait cependant pas hésité à
amender la disposition de la Constitution limitant le nombre de mandats, pour
pouvoir se maintenir au pouvoir. Sa réélection en 2003 avait
ainsi suscité de nombreuses critiques de par le monde.

AP