26/05/05 (B299) Le Canard Enchainé : cette semaine deux articles qui évoquent le sujet djiboutien. (Pages 4 et 8)

1 – Du rififi à RFI (Sous la plume de Lauriane Gaud)

A l’Elysée comme au Quai d’Orsay, le commentaire se veut cruel : « Cette équipe est une erreur de casting. » C’est un comble, la direction de Radio France Internationale (RFI)
– une station écoutée par des millions d’auditeurs sur les cinq continents – n’agace pas seulement sa rédaction. Laquelle vient de lui adresser une nouvelle motion de défiance, le 19 mai…

Diplomatie à l’antenne
En moins de un an de présidence de la radio, c’est la deuxième fois qu’Antoine Schwarz est confronté à un conflit de ce genre. Une première, en revanche, pour le directeur de l’information Bernard Brigouleix. Recommandée par Raffarin pour la succession de Jean-Paul Cluzel, cette équipe directoriale n’a pas rompu avec les habitudes maison. A savoir prendre des gants lorsqu’il s’agit d’évoquer certains épineux dossiers traités par le Quai d’Orsay, tutelle de l’antenne. C’est même le contraire qui lui serait reproché. Sur f« affaire du juge Borrel » par exemple.

Petit retour en arrière : lorsque, en janvier, la justice française a eu l’audace, dix ans après la disparition du juge Borrel, de mettre en cause les autorités djiboutiennes dans
l’enquête sur son assassinat, l’antenne de RFI a été brutalement coupée à Djibouti.

Façon pour Omar Guelleh, le président de cette aimable contrée, de manifester son irritation. Mais, la semaine dernière, on l’a vu, par deux fois, faire la bise à Chirac sur le perron de l’Elysée…

Auparavant, les patrons de RFI, voulant bien faire, ont multiplié les bourdes. En déprogrammant, le jour de sa diffusion, un sujet sur l’affaire Borrel. Mais, comme la rédaction grognait, l’émission a été passée à l’antenne après quelques modifications.

Droit de non-réponse
Puis, toujours pour ménager Djibouti, la direction a passé à la trappe un article intitulé «Affaire Borrel, l’enquête impossible », publié sur le site Internet de la radio.

Résultat :
le 13 mai, le rédacteur en chef adjoint du site demandait à être démis de ses fonctions.

Le même jour, l’édito international du matin ne convient pas non plus. Dans la conclusion de sa chronique, le journaliste annonce qu’un islamologue connu, par ailleurs consultant régulier du Quai d’Orsay et de RFI, a récemment qualifié d’« irresponsable » le comportement d’Ayaan Hirsi Ali. Une députée des Pays-Bas d’origine somalienne pourtant saluée par toute la presse française pour son combat contre les us et coutumes de l’islam intégriste.

« L’édito ne sera pas rediffusé », décide soudain la direction.

Manque de bol, le technicien présent pour la diffusion du soir n’en est même pas averti, et l’édito est rediffusé…

Contactée par « Le Canard », la direction de RFI n’a pas trouvé le temps de répondre. La prochaine fois, on interrogera directement l’Elysée ou le Quai…

Lauriane Gaud
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2 – Fissa, l’Issa !

C’est sûrement, comme l’assure un communiqué de ses services, dans l’espoir que « l’instruction sur l’affaire Borrel (lire aussi page 4) aboutisse dans les meilleurs délais » qu’en visite rapide à Paris, la semaine dernière, le président (réélu de fraîche date) de Djibouti, la terre des Afars et des Issas, Ismaïl Omar Guelleh, a boudé la convocation
du juge chargé du dossier.

« Tout chef d’Etat en exercice bénéficie de l’immunité de juridiction dans ses déplacements à l’étranger », a tenu – c’était nécessaire ? – à rappeler le porte-parole du Quai d’Orsay.

Il peut aussi bénéficier d’attentions chaleureuses.

Guelleh, dont le petit pays abrite une forte base militaire française, s’est ainsi vu gratifier d’une bise par Chirac sur le perron de l’Elysée (avant de remonter dare-dare en voiture). Vérification faite, il paraît que ce n’est sûrement pas pour que « l’instruction Borrel aboutisse dans les meilleurs délais ».