08/03/06 (B340-B) Ali Coubba (Président d’Uguta-Toosa) répond à un lecteur : « L’opposition djiboutienne avance…. »

L’article « Demandez le programme ! Demandez le programme » a attiré mon attention.

Je vais y répondre, en mon nom propre, sinon au nom de Uguta (Toosa).

Lorsque une critique paraît sensée et sincère, il n’est pas sage de rester silencieux de peur de décourager les militants potentiels, qui ne cherchent qu’à être mieux informés.

Les Djiboutiens survolent les articles politiques mais ne les lisent pas bien

D’abord, je le vois bien à la lecture des articles sur les sites de l’ARDHD et ARHOTABBA, certains lecteurs ne font pas l’effort de réactualiser leurs connaissances en matière d’information politique.

Pallions d’abord ces lacunes d’information.

Après tout, c’est le rôle des politiciens de le faire. L’opposition djiboutienne n’est pas silencieuse ni en hibernation. Il suffit de suivre au moins notre site (avec ses faiblesses). En outre, chaque parti de l’opposition légalisée possède un programme politique. Certains de ces programmes, à l’instar des mesures politiques et économiques qu’ils prônent, ont été déclinés dans leurs organes de presse respectifs entre 1999 et 2005. Vous pouvez consulter le nôtre sur www.uguta.org. et nous poser directement les questions qui vous laissent sur votre faim.

Quant à la non réaction de Uguta (Toosa) sur le programme présenté par le gouvernement au sujet des élections régionales, elle tient à la réalité suivante que l’auteur, de l’article, lui-même, a bien décrit :

  • la société djiboutienne est verrouillée et surveillée comme elle ne l’a jamais été auparavant. Vous en avez fait l’expérience personne : lorsque vous téléphonez à votre famille à Djibouti, celle-ci vous le fait savoir en usant des expressions sibyllines (proverbe afare : Qari lee caxah = les murs ont des oreilles).
  • A force d’être harcelés, les organes de presse de l’opposition sont réduits au silence ;
  • le régime invente chaque jour des manœuvres dilatoires pour renforcer sa légitimité face aux interlocuteurs internationaux (conférence sur l’analphabétisme, lutte contre la pauvreté, symposium sur la Mondialisation, etc.) ;
  • la fraude électorale constitue un gage de pérennité.

Sachant cela, Uguta (Toosa) considère qu’il s’agit d’une perte de temps que d’analyser des textes proposés par le gouvernement et expliciter ses objectifs cachés, alors que le système a opté pour l’autisme. Il n’entend rien. Il ne voit rien. Il ne parle pas avec l’opposition.

Pourquoi jouer « au chien qui saute sur l’os que lui jette son maître » ? Les élections, régionales ou non, n’ont pas d’autre signification.

L’opposition est unie à Djibouti-ville

En matière d’information, l’opposition n’a jamais chômé et ne chôme pas. Des milliers d’articles ont été écrits, décryptant les agissements du régime et dénonçant les manœuvres dilatoires… C’était à l’époque où l’on croyait, naïvement, que Hassan Gouled, puis Ismaïl Omar Guelleh, allaient lâcher du lest. Que le chef de l’Etat était un nationaliste qui allait tôt ou tard se réveiller et fraterniser avec le peuple et l’opposition.

Savez-vous que la République de Djibouti a adopté une Constitution démocratique en décembre 1992. Depuis – cela fait 14 ans maintenant, l’obscurité s’est épaissie autour du peuple djiboutien. Ne pensez-vous pas qu’un tel délai soit largement suffisant pour se faire une opinion réfléchie sur la nature exacte du régime et la nécessité d’élaborer une stratégie politique, en mettant de côté un tant soit peu les ambitions personnelles ?

Permettez-moi de vous donner un exemple qui souligne la profondeur de la réflexion politique qui a été menée à Djibouti. Et là je ne suis qu’un simple analyste. Parlons par exemple de l’UAD. Elle est présidée par Ismaïl Guédi Hared, un homme qui a incarné pendant presque deux décennies le régime de parti unique et la dictature tribale de Hassan Gouled Aptidon (1977 à 1999). Le dilemme a été le suivant pour l’opposition de l’intérieur :

1 – Soit chaque parti privilégie ses idées (ses vérités absolues), son ambition personnelle, ses intérêts, une attitude radicale pour faire pièce à la radicalité du régime ;
2 – Soit chaque parti réfléchit et accepte sur un Projet de société commun qui consolide l’unité nationale, réconcilie le peuple djiboutien avec son passé et raffermit les liens entre les Afar, les Somali et les Arabes et d’autres citoyens qui ont choisi de devenir Djiboutiens.

Vous souvenez-vous de l’état de division inter-ethnique où notre pays était réduit entre 1991 et 1994 ? Relisez La Nation de cette époque et vous mesurerez le progrès intellectuel effectué par les Djiboutiens et l’opposition.

Vous voulons construire une nation qui, par-delà les différences linguistiques de ses ethnies, a vocation d’être une communauté indivisible, « liée par une camaraderie horizontale » (Benedict Anderson : L’imaginaire national). Pour ce faire, outre sa propre stratégie politique, Uguta (Toosa) mène trois campagnes d’information :

– une sur le nationalisme populaire qui fait la promotion des valeurs d’unité, de tolérance et de fraternité ;
– une sur certaines « choses » (rancoeurs, haines, divisions, etc.) que le peuple djiboutien doit oublier dans le but de construire une nation viable (Ernest Renan écrit que pour pouvoir parler d’une nation, il faut certaines choses soient oubliées : Qu’est-ce que une nation ? ).
– Une sur la nature du régime djiboutien et sa dangerosité (comme l’auteur de l’article le suggère mais pas sur les programme ou les textes proposés par la dictature) ;

L’opposition djiboutienne a mûri mais sa campagne d’information claudique. Sur ce point, la critique se justifie. Les murs d’ignorance, qui empêchèrent nos aînés de promouvoir une véritable nation, se fissurent lentement mais sûrement. Par exemple, nombre d’Issas de Djibouti ne croient plus que le régime actuel défende leurs intérêts ! Pour le protéger des Djiboutiens en général, Ismaël Omar Guelleh mise sur les fantassins Issa venus d’Ethiopie. Le procédé a déjà été utilisé par la France coloniale.

Somme toute, je comprends la signification de certains critiques. Il s’agit d’un encouragement et d’une exhortation pour que l’Opposition de l’Extérieur prenne exemple sur l’Opposition de l’intérieur. Et enfin qu’elles incarnent ensemble une « alternative au système actuel ».

Ali Coubba
Président du parti Uguta (Toosa)