22/08/06 (B363-A) Djibouti – Qu’on laisse un tyran seul sans compagnie, sans caution pour ses crimes… ni complicités, penser à lui tout à loisir ; et l’on verra qu’il n’est rien qu’un homme plein de misères et de peurs. (Africanman)


Roger Picon
Les suites de l’affaire Borrel – auxquelles nous assistons actuellement – ne sont pas seulement un scandale d’Etat mêlant le Palais de l’Escale à celui de l’Elysée, elles servent aussi de révélateur implacable des dérives du « système » djiboutien actuel dirigé par Ismaïl Omar Guelleh, de son opacité, de son cynisme, de son mépris des lois ordinaires de la démocratie ; de l’absence de respect de l’humain.

Voilà ce qui arrive lorsque le pouvoir se concentre tout entier au sein de l’exécutif, qu’il s’abandonne aux mains d’un petit groupe d’hommes qui ne connaissent ni contrôle parlementaire, ni séparation effective des pouvoirs, ni justice, ni transparence obligatoire.

Après 22 années d’indépendance, la jeune république a basculé en 1999 vers un déséquilibre aberrant des pouvoirs, à la fois inefficace ­alors que dans toute « bonne gouvernance » aucune autorité ne peut se dispenser de contrôle et d’explication.

Ceux qui ont osé réclamer un peu de liberté et de démocratie furent tout simplement « suicidés », assassinés ou jetés en prison ; le reste, contraint à l’exil.

Ceci est dangereux pour l’image que l’on peut avoir de la Francophonie comme l’est toute force sans contrepoids et sans sanction naturelle. Dans un pays où la répression policière est quotidienne, où les Droits de l’Homme sont constamment piétinés, où la Justice est bafouée, où les syndicalistes sont incarcérés et maltraités…; les idéaux promus par la Francophonie – créer un espace de Liberté, de Démocratie et de Développement – semblent bien irréels voire utopiques.

Un Rapport éloquent de la Mission d’Enquête Internationale de la FIDH conforte ce que nous affirmons depuis bien des années.

Le contenu du Rapport de la Mission d’Enquête Internationale de la FIDH publié en août 2006 est éloquent. Il démontre une fois de plus, une fois de trop car rien n’a changé depuis la seconde autoproclamation d’Ismaïl Omar à la tête du pays ; la république d’IOG tourne à l’Etat de non droit, ce qui constitue une régression insensée de la démocratie et un anachronisme absolu au début du XXIe siècle.

Ce régime devient ainsi depuis 1999 un Royaume bananier autiste.

Dileïta Mohamed Dileïta n’apparaît en l’occurrence que comme l’ultime aboutissement, comme l’avatar final du lent dessaisissement démocratique qu’aura symbolisé IOG depuis l’indépendance. Le Premier ministre n’a jamais été élu une seule fois, comme si nous vivions encore sous un régime féodal. Il n’a connu que le parcours initiatique du patriciat du pouvoir. Une trajectoire météorique sans aucune influence des votes et des citoyens.

Le Premier ministre n’est cependant que le dernier fanion d’un système IOG caricaturant la république jusqu’à la limite extrême du déséquilibre des pouvoirs compatibles avec la démocratie. Sous Ismaïl Omar Guelleh, ce régime est devenu un royaume illégal mais légitimé par les élections falsifiées ; impossible à contredire dans le pays sous peine de goûter illico presto et sans jugement aux geôles du régime.

Ismaïl Omar Guelleh s’est TOUT accaparé par la tromperie.

Que ce soit sur le terrain politique ou sur le terrain social, il a été depuis plus de 7 années d’avanies en avanies, de recul en recul, de mensonges en mensonges. Il s’est accaparé deux élections présidentielles par la tricherie mais il a perdu tous ses face-à-face avec les Djiboutiens et les Djiboutiennes durant son temps de présidence.

A cela, pas de secret, aucun mystère : à Djibouti a fortiori sous Ismaïl Omar, le pouvoir échoue par excès de concentration de puissance, parce qu’il n’est ni partagé, ni contrôlé, ni contrecarré par d’autres institutions ; par ce que le pays est devenu celui des « rackets institutionnalisés ».

Quel est le pays :

  • où jamais les Députés et le Conseil des ministres ne débattent de quoi que ce soit,
  • où les séminaires gouvernementaux sont des jeux de rôle,
  • où le supposé chef de l’Etat se dispense d’expliquer sa politique à ses concitoyens,
  • où il est à la fois l’arbitre suprême et l’acteur principal des détournements des aides internationales,
  • où le gouvernement n’est réellement responsable que devant l’homme qui préside au Palais de l’Escale,
  • où il n’existe aucune député d’opposition alors qu’une telle tricherie électorale – qui a pour nom scrutin sans véritable scrutin – ampute les populations de leur représentativité,
  • où l’Assemblée nationale ressemble à une chambre d’enregistrement et à un club de « serviteurs aisés » ?

Personne au monde n’est capable de prendre « seul » de bonnes décisions ­ quel que soit le sujet ­ sans débats, sans contradictions, sans contrôles, sans opposition.

La situation de catastrophe économique, sociale et politique est donc la conséquence logique, extrême, d’un pouvoir exécutif qui, ne dépendant de personne, dépend de ses propres faiblesses et, en l’occurrence, de ses propres vices, chantages et rackets.

Faute de réformes d’accompagnements indispensables, mais bloquées par le palais de l’Escale :

  • tant que l’Assemblée nationale restera une « Vénus de Milo » locale et doucement endormie,
  • tant que l’institution judiciaire sera aux ordres et recèlera dans ses rangs la forfaiture avec l’abandon des principes fondamentaux de Justice, les autorités supposées indépendantes, la communication présidentielle demeureront astreintes à des normes d’un autre âge,
  • tant que les falsifications lors des scrutins seront ce qu’ils sont,
  • tant que le couple exécutif n’aura pas été rationalisé,

Djibouti n’aura pas de président contrôlé, donc efficace ; mais tout simplement un tyran doublé d’un « Roi bananier ».