19/01/07 (B378) NAIROBI (AFP) – Somalie : le gouvernement ferme la porte du dialogue en destituant le président du Parlement. (Info lectrice)

Le
gouvernement somalien, en destituant le président du Parlement, partisan
du compromis, écarte l’option du dialogue avec ses adversaires, jugé
pourtant crucial par la communauté internationale pour sortir le pays
de 16 ans de guerre civile, estiment des analystes.

L’éviction
mercredi de Sharif Hassan Sheikh Aden "montre combien le gouvernement
fédéral de transition n’a aucune volonté de négocier.
Elle rend le dialogue presque impossible", affirme Roland Marchal, chercheur
du Centre d’études et de recherches internationales (Ceri) de Paris.

"C’est
un message extrêmement négatif envoyé à la Somalie.
On se retrouve avec des institutions de transition aux antipodes de ce que
voulait le Groupe de contact (Union européenne, ONU, Etats-Unis,…)
sur la Somalie, des institutions capables de refléter la diversité
somalienne", ajoute-t-il.

Le 5 janvier,
quelques jours après la débâcle des tribunaux islamiques
qui ont perdu les régions qu’ils contrôlaient au profit du gouvernement
somalien, le Groupe de contact avait jugé "essentiel que soit
lancé sans délai un processus de dialogue politique (…) qui
inclut toutes les parties (…) rejetant la violence et l’extrémisme".

Les Etats-Unis
ont d’ailleurs regretté l’éviction de M. Aden: elle a un "impact
négatif sur le dialogue", selon la secrétaire d’Etat américaine
adjointe aux Affaires africaines, Jendayi Frazer, qui a conseillé au
gouvernement "d’agir différemment".

La destitution
de M. Aden, "est un problème de fond pour la communauté
internationale", reconnaît un diplomate en poste à Nairobi,
pour qui le chef du Parlement pouvait attirer les modérés des
tribunaux islamistes. Aujourd’hui, "il est difficile de concevoir un
dialogue avec les modérés car la personne qui servait de trait
d’union entre le gouvernement et les tribunaux a été mise hors
jeu", ajoute-t-il, sous couvert d’anonymat, rappelant cependant que l’éviction
de M. Aden n’est que "l’aboutissement de toutes ses divergences"
avec le président Abdullahi Yusuf Ahmed et le Premier ministre Ali
Mohamed Gedi.

Depuis
la mise en place en 2004 des institutions somaliennes, des dissensions opposent
en effet les trois hommes. En novembre 2006, le président du Parlement
avait franchi la ligne rouge, aux yeux de MM. Yusuf et Gedi, en négociant,
sans l’aval du gouvernement, avec les islamistes à Mogadiscio.

"De
nombreux Somaliens vont être déçus de voir qu’il a été
renvoyé. Aden était l’une des personnalités les plus
populaires et les plus respectées (en Somalie) depuis la formation
des institutions de transition", fait remarquer Matt Bryden, analyste
pour l’International Crisis Group (ICG). "Il n’avait pas beaucoup de
pouvoir, mais symboliquement il représentait les Somaliens qui ne voulaient
pas choisir entre le gouvernement de transition et les islamistes. C’était
une figure de compromis", ajoute-t-il.

Une figure
qui "pouvait être une alternative" à M. Gedi ou Yusuf
et dont "il fallait se débarrasser" aux yeux du Premier ministre
et du président, poursuit M. Marchal.

Selon
l’expert de ICG, la destitution de M. Aden est "à moyen et long
terme, la recette de l’instabilité", avec la possibilité
"de voir apparaître une insurrection".

Le gouvernement
prend aussi un autre risque, celui de "perdre la confiance de la communauté
internationale", prévient-il. Mais peut-être est-ce un risque
calculé, car la "communauté internationale ne veut pas
être accusée d’avoir abandonné" sous prétexte
que le gouvernement ne dialogue pas avec les islamistes "modérés",
avance-t-il.