02/03/07 (B384) AFP Somalie : Somalie : interrogations sur les chances de succès de la force de paix.

Par
Lucie PEYTERMANN

NAIROBI (AFP) – La force de paix en Somalie, dont les premiers éléments
sont arrivés jeudi, va pâtir d’un contexte défavorable
et d’un manque de préparation politique, qui fait planer de fortes
inquiétudes sur ses aptitudes à stabiliser ce pays ruiné
par la guerre civile, selon des analystes.

Les premiers éléments de cette force — des Ougandais — sont
arrivés à Baïdoa (250 km au nord-ouest de Mogadiscio).
L’Amisom (force de paix de l’Union africaine en Somalie), qui devra essentiellement
aider à la sécurisation et à la stabilisation du pays,
est la première mission internationale en Somalie depuis le fiasco
et le départ en 1995 de l’Opération des Nations unies.

Pour François Grignon, directeur du programme Afrique à l’International
Crisis Group (ICG), cette nouvelle force, que les islamistes somaliens évincés
du pouvoir ont juré d’attaquer, va vivre "des moments difficiles".

"Il y a un problème somalo-somalien, si vous ne le réglez
pas, il n’y aura pas d’amélioration en envoyant des troupes étrangères",
juge Roland Marchal, chercheur du Centre d’études et de recherches
internationales (Ceri) de Paris.

"Cette force est nécessaire pour appuyer le processus de transition"
en Somalie, concède M. Grignon, mais seulement si ce processus "soutient
toutes les parties politiques somaliennes".

Or cette force "arrive à un moment où l’environnement politique
n’est pas suffisamment préparé et pas favorable", dit-il.
"Elle risque de faire les frais de ce manque de préparation politique"
et "risque d’être perçue comme partie au conflit",
craint-il.

Un observateur installé dans la région ayant requis l’anonymat
renchérit: "une mission doit accompagner un accord politique,
pas favoriser les conditions d’un accord politique". Pour David Monyae,
professeur de relations internationales à l’université de Wits
(Afrique du Sud), l’arrivée de la force va provoquer un "plus
haut degré d’incertitude", en l’absence de "stratégie
cohérente et de préconditions" de déploiement.

Pour la communauté internationale, la clé pour la stabilisation
réside aussi dans la réconciliation et le partage du pouvoir
entre les parties somaliennes.

Sous pression, le président somalien Abdullahi Yusuf Ahmed a annoncé
jeudi la tenue d’une conférence de réconciliation, mais elle
ne débutera que le 16 avril, et l’incertitude persiste sur une participation
des islamistes, qui ont été chassés il y a deux mois
par l’armée éthiopienne des régions somaliennes qu’ils
contrôlaient.

Le manque de moyens humains et financiers de l’Amisom fait aussi planer des
inquiétudes sur ses aptitudes à instaurer la paix dans ce pays
dévasté par 16 ans de guerre civile qui ont fait au moins 300.000
morts. L’Amisom comptera à terme 8.000 hommes, mais seuls environ 4.000
soldats d’Ouganda, du Burundi, du Nigeria, du Ghana et du Malawi, selon l’UA,
sont disponibles.

Elle va se déployer alors que depuis plusieurs semaines, les forces
somaliennes soutenues par l’armée éthiopienne sont visées
quasi quotidiennement par des attaques meurtrières menées par
des assaillants non identifiés.

A quoi peuvent donc s’attendre les soldats de la paix en Somalie ?

"On va assister à une caricature de ce que l’on a vu avec les
troupes éthiopiennes", avec deux missions majeures pour les soldats
africains: "se protéger et riposter", analyse M. Marchal.

"A Mogadiscio notamment, il va y avoir une confrontation (…). Ces forces
ougandaises vont être testées sur leur combativité"
et pour savoir jusqu’à quel point "elles sont prêtes à
accepter des pertes", explique M. Grignon.

"On va à l’échec assuré. Je ne vois pas
comment l’UA pourrait réussir dans ces conditions", conclut l’observateur
basé dans la région.