04/05/07 (B393-B) LIBERATION : Somalie : un retour des habitants encouragés par le Président du GFT qui veut montrer qu’il tient Mogadiscio, mais un calme peut-être très provisoire, car les islamistes insurgés ont perdu une bataille, mais pas forcément la guerre, seraient déjà en train de reconstituer force et armements.

Mogadiscio,
le lent retour des déplacés

Dans
la capitale somalienne, le gouvernement entend montrer que la paix est rétablie.

Par Stéphanie BRAQUEHAIS

Une femme marche, en tenant son bébé dans les bras.
Derrière elle, un homme pousse péniblement une charrette de
laquelle dépassent un matelas usé et des nattes.

Le long de la «route industrielle» ( «industrial road»,
comme on l’appelle à Mogadiscio), des tanks rouillés de l’ancienne
armée de Siyad Barré (déposé en 1991) jonchent
le sol. Des murs de sable se sont effondrés, vestiges des barrages
édifiés dans les quartiers sud de Mogadiscio par ceux que l’on
appelle «les insurgés» et qui ont lutté contre les
troupes éthiopiennes pendant plusieurs semaines lors de combats extrêmement
violents.

Dans la capitale somalienne à moitié vide, les habitants commencent
lentement à revenir. Certains, qui s’étaient réfugiés
à plusieurs dizaines de kilomètres de là, dans la brousse,
utilisent les camions taxis. Une Toyota défoncée dont le toit
croule sous les bagages s’aventure dans un chemin de terre, bordé de
maisons détruites, criblées de balles ou de tirs d’obus. Les
commerces sont fermés, les portes de nombreuses maisons verrouillées,
signalant que le quartier a été presque entièrement déserté.

Revanche.

Près du stade de Mogadiscio, dans la partie nord-ouest de la ville,
les affrontements ont été les plus intenses. «Vous voyez
ces anciens bâtiments officiels ? interroge un habitant. Ils servaient
de base aux insurgés, qui tiraient depuis les étages sur le
stade, un des quartiers généraux éthiopiens. Je me souviens
d’un jour où, pris entre deux feux, nous courions pour chercher un
abri.

Les blessés tombaient, et nous ne pouvions prendre le risque
de les aider. Ils sont sans doute morts maintenant.»

Le gouvernement de transition (TFG), soutenu par Addis-Abeba et les Occidentaux,
tient à montrer que la paix est revenue, et que les troupes éthiopiennes
ont définitivement nettoyé la capitale. Une cérémonie
a été organisée hier au siège de la police nationale,
près de la Villa Somalia, où siège la présidence.

Encadré par des soldats ougandais de l’Union africaine, qui
a déployé 1 200 militaires à Mogadiscio, le chef de la
police, nommé il y a quelques jours, prend note. Abdi Hassan Hawale
dit «Qeydiid» («celui qui ne fait pas de compromis»)
savoure sa revanche.

Cet ancien chef de guerre était membre de l’Alliance pour la restauration
de la paix et la lutte contre le terrorisme, financée par les Etats-Unis,
qui a été défaite par les Tribunaux islamiques, en juin
dernier. Sur un bout de papier, il inscrit le nombre de RPG, AK47, de roquettes
antichars et de lance-grenades qui s’amoncellent sur le sol. Quelques hommes
d’affaires du clan Hawiye, majoritaire dans la capitale, ont accepté
de rendre leurs armes et de se mettre sous la protection du TFG et des Ethiopiens.

A plusieurs reprises, un haut responsable éthiopien s’approche avec
autorité de Qeydiid, l’enjoignant à accélérer
le rythme. Depuis le coffre d’un 4X4 rouge tout neuf, la garde rapprochée
du directeur de Telcom, une des sociétés de téléphonie
mobile somalienne, remet l’attirail aux soldats de l’Union africaine.

«Nous n’avons pas été impliqués dans cette guerre,
souligne Abdulkadir Mohamed Halani, le directeur de Telcom, en boubou blanc
et la barbe peinte au henné. Nous avions rendu de la même façon
nos armes aux Tribunaux islamiques. L’Union africaine doit assurer notre sécurité
désormais.»

Les insurgés ne vont-ils pas reprendre leur offensive ?

«Seul Allah sait», répond-il en souriant. En réalité,
la plupart de ces grands commerçants ont subi une intense pression
du gouvernement pour rendre leurs armes. En attendant des équipements
lourds ? «C’est une goutte d’eau dans la mer, mais cela doit servir
d’exemple», explique le porte-parole de l’armée ougandaise, Paddy
Ankunda.

Les troupes de l’UA ont commencé depuis le début de la semaine
à patrouiller durant la journée dans les rues de la ville, embarquant
quelques journalistes, pour qu’ils constatent à quel point le calme
est revenu. «Nous sommes en nombre insuffisant, mais c’est à
la communauté internationale de remplir sa promesse et d’envoyer des
hommes, pour permettre aux Ethiopiens de quitter le pays», précise
le porte-parole.

«Gâteau».

Certains observateurs se montrent pessimistes pour l’avenir. «C’est
une affaire de jours ou de semaines, estime un Somalien.

Les insurgés ont fui ou n’ont plus de munitions, mais ils sont
déjà en train de se réorganiser.»

Ce retour au calme, plus que précaire, dépend aussi de l’attitude
du président Abdullahi Yusuf : acceptera-t-il, comme le demandent certains,
d’inclure dans les négociations les ex-responsables des Tribunaux islamiques,
ainsi que les partisans de l’ancien président du Parlement, démis
de ses fonctions au début de l’année, pour «partager le
gâteau» ?

Nombreux sont ceux qui reprochent au chef de l’Etat d’avoir fait venir
les miliciens de son clan, les Majerteen, de les avoir nommés à
des postes importants tout en refusant de tendre la main à certains
clans liés aux Hawiye, notamment les Ayr.

Selon le porte-parole du gouvernement, une conférence de réconciliation
nationale, prévue à l’origine en avril, mais reporté
en raison des combats, devrait se tenir à la mi-juin.