13/06/07 (B399) AFP / Affaire Borrel: la veuve du juge en appelle à Sarkozy, met en cause Chirac (Info lectrice)
Par
Pierre ROCHICCIOLI
PARIS (AFP) – La veuve du juge français Bernard Borrel, retrouvé
mort en 1995 à Djibouti, a lancé mercredi un appel au président
Nicolas Sarkozy pour qu’il fasse respecter l’indépendance de la justice
dans l’enquête sur son mari, et a mis en cause l’ex-président
Jacques Chirac.
Bernard Borrel avait été retrouvé mort en 1995, le corps
à demi-calciné, au pied d’un ravin. Djibouti a conclu à
un suicide mais l’enquête française privilégie désormais
la thèse de l’assassinat dans ce dossier qui prend des allures d’affaire
d’Etat après la révélation récente de documents
suggérant des pressions politiques.
Elisabeth Borrel a demandé au président Sarkozy, en sa qualité
de garant de l’indépendance de la justice, « de prendre l’engagement
de faire respecter les principes qui seuls permettront l’aboutissement de
(son) combat pour que soient connus et punis les assassins de (son) mari »,
écrit-elle dans une lettre adressée au chef de l’Etat dont elle
a fait lecture lors d’un point de presse.
Mme Borrel, magistrate de profession, a aussi demandé à être
reçue par M. Sarkozy auquel elle réclame « l’assurance que
l’Etat français demandera à la Cour internationale de Justice
(CIJ) de (l’) entendre comme témoin dans la procédure en cours
devant elle ».
Mme Borrel et ses avocats, Mes Olivier Morice et Laurent De Caunes, ont fustigé
« des pressions politiques incontestables » de l’Etat français
dans cette enquête, et dénoncé l’intervention directe,
selon eux, de Jacques Chirac.
« C’est Chirac qui a suggéré au président djiboutien,
Ismaël Omar Guelleh d’attaquer la France devant la Cour internationale
de justice » pour obtenir le dossier dans lequel plusieurs personnalités
djiboutiennes, dont M. Guelleh lui-même, sont mises en cause, a affirmé
Me Morice.
« C’est ce qu’il y a de pire dans ce dossier.
L’honneur de la France est retombé bien bas », a renchéri
Mme Borrel.
Interrogé par l’AFP, l’entourage de l’ancien président
a déclaré jusqu’à présent qu’il « ne souhaite
évidemment pas commenter des documents dont il n’a pas connaissance ».
L’avocat de Djibouti dans cette affaire, Me Francis Szpiner, a de son côté
dénoncé une « fumisterie », affirmant que la juge chargée
du dossier n’a « jamais émis le moindre acte de procédure
à l’encontre des autorités » djiboutiennes.
Plusieurs documents, saisis par des juges aux ministères des Affaires
étrangères et de la Justice, suggèrent que l’Etat français
a tout fait pour répondre aux exigences de Djibouti dans l’affaire
et sauvegarder ainsi ses intérêts dans ce pays de la Corne de
l’Afrique qui abrite la plus importante base française à l’étranger.
« Ces faits peuvent relever juridiquement de la trahison », a ajouté
Me De Caunes, expliquant que « depuis le début de l’affaire, les
considérations diplomatiques ont prévalu sur l’enquête
judiciaire ».
Le 12 janvier 2006, Djibouti a saisi la CIJ contre la France pour avoir manqué
à ses devoirs d’entraide judiciaire.
Une note de l’ambassadeur de France à Djibouti, que l’AFP a pu consulter,
semble montrer que c’est l’Etat français qui a le premier suggéré
à Djibouti d’attaquer la France en justice pour faire plier la juge.
D’autres documents suggèrent un soutien du président Jacques
Chirac à cette opération.
Pour Me Morice, le président Guelleh, mis en cause dans des
témoignages, voulait obtenir le dossier Borrel pour « faire condamner
des potiches et éviter aux véritables commanditaires d’être
mis en cause ».
« C’était aussi le moyen de faire disparaître des
éléments matériels du dossier et de faire pression sur
des témoins », a ajouté Me De Caunes en rappelant que le
procureur de Djibouti est mis en cause pour « subornation de témoin »
dans ce dossier.