27/07/07 (B405) EXCLUSIF : une Interview de Jean-Paul NOEL ABDI, ancien Parlementaire, donnée à l’ARDHD, le 25 Juillet 2005

ARDHD :


Monsieur Jean-Paul Noël Abdi, tout d’abord, un grand merci d’avoir accepté de répondre à nos questions. Avant de nous répondre vous avez souhaité apporter des précisions …

Jean-Paul Noël Abdi :
Avant tout , je tiens à préciser que le Chef de l’Etat m’a
attaqué abusivement et personnellement en extrapolant par mensonge sur ma
vie privée, et je tiens à répondre personnellement à l’individu Ismaël Omar.

Pour moi, en tant que citoyen Djibouti je le considère comme un usurpateur,car il a tout naturellement bénéficié du soutien de feu Hassan Gouled, qui lui a permis d’usurper le Pouvoir suprême en usant d’ élections mascarades, qui hélas continuent encore car elles ont été validées par
des chancelleries de la place et surtout par les plus importantes.

Ismaël Omar, l’intouchable ventripotent, l’homme fort de la piscine est entrain de voler bas dans la mesquinerie.

Ses déclarations dons son journal préféré de propagande : « Jeune Afrique » font penser aux ragots
imaginaires des « bonnes pipelettes ». Mais ces dernières se limitent à broder sur les
ragots, car il est bien rare qu’elles mentent sur le fond.

Ismaël Omar a fait une déclaration digne d’un voyou, en m’insultant et en me dénigrant par pure invention, car la totalité de ses déclarations à mon égard sont mensongères, outrageantes et diffamatoires. Ceux qui connaissent son passé n’en seront pas étonnés..

Il vient de démontrer qu’il est intellectuellement limité. C’est un triste constat non seulement pour ses fans mais pour bon nombre de Djiboutiens(nes) souvent
induits(es) en erreur par la persistance de ses déclarations mensongères,qui sont systématiquement diffusées par la Radio Télévision de Djibouti (RTD), unique média audiovisuel à Djibouti. Rappelons que la Commission chargée de l’autorisation pour
l’ouverture d’une radio ou d’une télévision prévue par la Loi sur la liberté de la Presse attend toujours un Décret Présidentiel qui ne vient pas depuis1992.

C’est la continuité de la dictature foncièrement sournoise. Et pourtant, « Jeune Afrique» n’en parle pas, car la liberté de la presse par l’audio ne l’intéresse pas.

Pourquoi ? Les questions sur l’audio et l’audiovisuelle sont-elles à haut risque ?

Il me semble urgent et je lance un Appel aux journalistes du monde entier, à Reporter Sans Frontières de se pencher et de faire pression sur les pays amis pour l’instauration de la Liberté de Presse et l’autorisation juridique pour l’exercice de Radios et de Télévisions libres : l’une des conditions « sine qua non » pour des élections au moins équilibrées dans la propagande et ceci au moins 10 mois avant le jour du scrutin.

Avant d’en terminer sur ce préalable et de répondre à toutes vos questions, je tiens à affirmer les points suivants :

– en tant que citoyen responsable, je me refuse de publier des photos compromettantes pour Ismaël lorsqu’il fréquentait le bar « la Lune », que vient de me proposer un vieil ami d’enfance bientôt à la retraite en Europe.

– Mais je ne me refuse pas d’encourager régulièrement les familles victimes des crimes odieux, des exécutions extra judiciaires, des possibles crimes suite aux morts mystérieux, car l’Impunité ne doit pas exister pour tous les crimes soi-disant dans l’intérêt de l’Etat, mais essentiellement dans l’intérêt d’une équipe qui veut se maintenir par la force, la peur et la terreur au pouvoir.

ARDHD :
Merci pour ces précisions. Récemment le Président Guelleh a déclaré dans un entretien à Jeune Afrique que l’Ambassade des Etats-Unis vous accordait un salaire mensuel de 10.000 $plus des avantages tels qu’une voiture à disposition ? Confirmez-vous ces points ?

JPNA : Tout d’abord, je tiens à préciser que « Jeune Afrique est totalement tombé dans « les élucubrations » d’une personnalité qui ment comme elle respire.

La moindre des choses aurait été de téléphoner ou de prendre rendez-vous avec l’Ambassade des Etats-Unis pour vérifier le bien-fondé de cette grave accusation, qui justifie le dépôt d’une plainte pénale pour « diffamation » à mon égard. Je consulte nos avocats à ce sujet.

Ismaël, en voulant me dénigrer, a manifestement insulté l’Ambassade des Etats-Unis car il l’accuse directement de financer les opposants à sa politique.

Pourquoi ne pas demander depuis quand ce montant m’est affecté ?

Imaginons que ce soit depuis l’ouverture de l’Ambassade des Etats-Unis à Djibouti !! Ce serait formidable !

N’ayant jamais reçu le moindre centime de l’Ambassade, je pourrais demander à l’Ambassadeur des Etats-Unis de régulariser la totalité de mes arriérés de salaires.

Avec cette somme on pourrait financer par exemple la construction d’un immense Centre de Diffusion Radio Télévision réservé à l’Opposition pour mobiliser notre Peuple contre cette dictature sournoise qui nous accapare toutes nos ressources depuis 1999 et qui nous asservit en nous privant de toutes les libertés fondamentales.

ARDHD
Puisque vous démentez ces informations, comment pouvez-vous expliquer qu’un Chef de l’Etat ait pu « mentir » dans une communication publique. Quelles seraient ses motivations pour vous nuire ? Alors qu’il prétend que vous ne représentez rien dans le monde des Défenseurs des Droits de l’Homme ?

JPNA
A mon avis, Ismaël Omar traverse une situation extrêmement difficile, dont il est le seul responsable :

1. Il a certainement le sentiment que la France commence à ne plus le soutenir de façon abusive, comme auparavant ;

2. l’Ethiopie ne le voit plus d’un bon oeil ;

3. les Américains sont informés de « ses penchants » pour El Qaïda ;

4. les Yéménites ne comprennent pas la politique de vente aux enchères de certains immeubles appartenant à leurs compatriotes implantés à Djibouti ;

5. la population Djiboutienne est complètement écoeurée des détournements en tout genre, et boude régulièrement depuis 2003 toutes les élections ;

6. Même les gendarmes sont choqués qu’Ismaël ait vendu subitement les immeubles, où bon nombre d’entre eux habitaient avec leurs familles. Cette vente s’est effectuée illégalement, sans l’autorisation de l’Assemblée Nationale, sur un simple décret signé par Ismaël Omar. Le bénéficiaire « officiel » est un commerçant de la place connu sous le nom de « Napoléon »

7. En réalité, tous les biens immobiliers de l’Etat et le patrimoine de la République de Djibouti sont donnés progressivement et soit gracieusement soit en échange d’un prix modique, le plus souvent à des étrangers.

C’est plus facile pour les prête-noms. Prenez par exemple, l’ancien immeuble de l’Etat « les Mouettes ». Transformé en hôtel « Impérial», il a officiellement été vendu à un Ougandais mais paradoxalement il appartient en sous main au fils Liban !

Un autre exemple prouvant la mauvaise foi d’Ismaël Omar :

Comme vous pouvez le constater, Ismaël Omar a encore changé le motif officiel de mon incarcération dans son interview à « Jeune Afrique ».

Rien dans les attendus du
jugement ne confirme ces basses allégations qui consistent à dire « Il
l’a dit pour s’être fait le porte-parole de ceux qui veulent la guerre civile dans ce pays en ravivant sans aucune preuve, des histoires des années1990».

En fait, c’est tout le contraire. C’est le régime qui recréé les risques d’une nouvelle guerre civile :

– en refusant volontairement de mettre en application les accords de Paix signé le 12
mai 2001 par le Frud-Armé et le Gouvernement de Guelleh.

– en développant la
politique d’appauvrissement systématique de la population pour corrompre et acheter des consciences. Le détournement des Biens Publics et des Biens Sociaux se développe chaque jour.

Sur le point précis de mon incarcération et sur l’analyse farfelue qu’Ismaël Omar présente à Jeune Afrique, je peux affirmer qu’il n’a même pas lu le jugement, dont il est pourtant l’instigateur.

Comme toujours, il préfère travailler « au pifomètre », c’est comme cela qu’il dirige les affaires. Mais cette méthode a des limites car il « cassera » bientôt

Il est temps que les Djiboutiens(nes) se débarrassent de cette sangsue nuisible à notre pays, à son économie et à nos Libertés

ARDHD :

Nous profitons de cet entretien pour vous demander de nous dresser un bilan de la situation à Djibouti depuis 1999, date de l’accès à la Présidence d’IOG, sur le plan des Droits de l’Homme et sur le plan économique. Nous avons trois questions à vous poser

– Comment a évolué le niveau de vie de la population sur ces sept
dernières années et le niveau des libertés individuelles ?

– Que pensez-vous des grands projets du Président de la République : le nouveau port, les raffineries et maintenant le pont reliant l’Afrique au Yémen … ? Cela va-t-il apporter du travail aux Djiboutiens dont le taux de chômage est l’un des plus importants au monde, on parle de 90 %. Cela va-t-il apporter une amélioration du niveau de vie ?

– Sur les syndicats. Plusieurs hauts responsables syndicaux djiboutiens ont demandé l’asile politique en Italie et en France. Djibouti fait l’objet de condamnations de la part des plus hautes instances internationales en charge de l’organisation du travail.Pour vous le régime respecte-t-il les Droits des Salariés et des fonctionnaires ?

JPNA :
Ces trois questions sont fondamentales, mais très honnêtement, je préfère garder ma réponse lorsque je serais de retour à Djibouti, car je suis en France actuellement pour suivre un traitement médical.

La réponse à ces questions très techniques nécessite un travail de recherche en équipe, et je ne peux pas le faire sérieusement tant que je suis en France.

Mais je m’engage à répondre à ces trois questions dès mon retour au Pays, en septembre.

ARDHD
Sauf erreur de notre part, vous ne vous êtes jamais exprimé sur l’Affaire Borrel, ni sur ses développements. Pourtant votre position à Djibouti, ancien parlementaire et votre réseau de relations personnelles doivent vous permettre d’avoir des informations confidentielles … Pouvez-vous avancer une hypothèse sur les mobiles qui auraient pu conduire à l’assassinat du Juge et qui pourraient en être les commanditaires ?

JPNA

L’Affaire de l’assassinat du Juge Bernard Borrel, QUE DIEU TOUT-PUISSANT ETMISERICORDIEUX GARDE SON AME EN PAIX, a été dés le début entre les mains de la Justice Française.

Notre Organisation, la Ligue Djiboutienne des Droits Humains (LDDH) ne s’est jamais prononcée parce que l’assassinat s’est passée avant sa création, ensuite parce que l’instruction de cette Affaire se passe en France loin de Djibouti et il nous est impossible matériellement de suivre son évolution.

C’est la première fois que vous me posez des questions, à titre individuel, sur cette triste Affaire qui a pris une ampleur sans précédent, durant les dernières semaines.

Le sérieux et la persistance portent très souvent leurs fruits. Je ne peux que souhaiter bon courage à la veuve Isabelle Borrel à ses enfants ainsi qu’à leurs avocats qui font progresser la vérité.

Mais je vais quand même essayer de répondre à cette question.

A mon avis et cela n’engage que moi, je vois la situation de la façon suivante :

J’avais connu feu Bernard Borrel lorsque j’étais Secrétaire du Bureau de l’Assemblée Nationale. Avant l’adoption du Code Pénal et du Code de Procédure Pénale, j’avais sollicité une réunion avec lui pour obtenir son soutien afin de convaincre le Ministre de la Justice M. Moumin Bahdon Farah, dont il était Conseiller, d’accepter l’amendement, déposé par deux députés, sur la peine de mort, tel qu’il figurait dans le Projet de Loi.

J’avais beaucoup apprécié sa franche collaboration, son calme et sa simplicité

Cette Affaire fait toujours l’objet d’une instruction. C’est pourquoi, je vais essayer d’être concis
dans mes réponses :

D’abord je dois être clair. Je n’aurais jamais hésité d’apporter mon assistance à la Justice Française si j’avais la moindre preuve et ce quelques soient les risques encourus pour ma personne, ma liberté et même ma vie.

C’est donc des éléments de pistes que je vais essayer de vous donner.

Je pense que le plus important est celui de rechercher les mobiles de l’assassinat.

L’une des pistes souvent négligées est celle du blanchiment d’argent.

Djibouti est connu dans ce domaine notamment pour le trafic d’argent sale en provenance de l’Asie du Sud Est, essentiellement et transitant par l’Ile Maurice ou l’Afrique du Sud qui est lavé à Djibouti avant de repartir en Europe via une importante Banque de la place.

A ma connaissance, la Justice française, agissant probablement aussi pour le compte des Européens,
suivait et suit encore ces affaires.

Le Juge Borrel aurait probablement été chargé d’une manière (informelle ?) d’enquêter sur ce dossier. Son successeur, désigné quelques années après,était un expert sur les blanchiments d’argent.

Il est vrai que Djibouti après l’Indépendance est devenue la Plaque tournante d’un certain nombre de trafics, d’abord le blanchiment d’argent et certains responsables politiques français, dont un a été mis actuellement sur la sellette par le FBI, connaissent bien « les coins coins de Djibouti . »

Lorsque quelques Personnalités Djiboutiennes – ils sont pas nombreux à tenir ces propos – disent que l’Affaire Borrel est « une affaire franco-française », je veux bien les croire. Pourtant un fait est indéniable. Les trafiquants assurent toujours leurs arrières en ayant dans chaque pays un ou des homme(s) puissant(s) qui peuvent les couvrir en cas de pépin.

En Asie de l’Est et en Amérique Latine, ce sont des généraux qui servent de couverture. En Afrique francophone, en général, c’est un hyper-puissant de la Présidence du pays concerné, souvent en relation avec le service créé par J Foccart à l’Elysée, qui assure la protection, moyennant une bonne contrepartie financière.

D’autres trafics passent aussi par Djibouti. Il s’agit notamment de :

1. celui du trafic des armes après la chute du Président Siad Barre, d’ailleurs les spécialistes en cette matière des Nations Unies suivent de près et ont établi plusieurs rapports dans ce sens.

2. Le mercure et le café d’Ethiopie transitant en fraude par Djibouti au lendemain de la chute de Mengestu, d’ailleurs Tama, le meilleur ami de Meles est en prison ainsi que plusieurs autres, des Djiboutiens sont aussi recherchés avec laxisme par la Justice Ethiopienne, dont un a été gracié sur intervention de feu Hassan Gouled auprès de Meles.

3. le trafic des faux dollars, le FBI est souvent venu à Djibouti, mais jusqu’à présent aucune suite effective n’est donnée, car tout de suite des concessions au niveau diplomatique sont envisageables.

Bernard Borrel suivait aussi l’affaire du Café de Paris et je me rappelle qu’il s’était déplacé, à l’Assemblée Nationale en pleine séance, pour voir son Ministre Moumin juste après la mise en liberté provisoire d’Awaleh Guelleh. Cette liberté n’avait duré que quelques heures.

Très sincèrement, la tâche n’est pas facile pour la Justice française, mais j’ose espérer qu’un jour ou l’autre la vérité éclatera. Chez nous on dit : «le sang ne se cache pas »

ARDHD :
Un français est incarcéré à Djibouti au motif de délits qu’il aurait commis sur le territoire ?
Pensez-vous qu’il soit véritablement coupable des faits de droit commun qu’on lui reproche ou au contraire qu’on cherche à le faire taire parce qu’il détiendrait des informations sur l’assassinat du Juge Borrel et qu’elles permettraient de faire avancer l’instruction ?

JPNA :

En ce qui concerne l’affaire Christian Georges, incarcéré d’abord pour espionnage puis, après sa fuite au Yémen, réincarcéré pour pédophilie.

Personnellement il m’a été impossible de lui rendre visite car la cellule 13 est difficile d’accès.

Depuis 1999, j’ai appris par expérience, qu’à Djibouti les motifs d’incarcération sont facilement transformables, dès que des pressions extérieures interviennent. Le politique a souvent tendance à intervenir. J’en ai personnellement fait les frais.

L’actuel ministre de la Justice, – connu par les djiboutiens sous le nom de Said Barkat -, présent juste avant mon incarcération sait beaucoup de choses.

La meilleure solution, pour Christian Georges, est de lui prendre un avocat et de continuer les pressions pour qu’au moins il ne soit pas oublié.

Pour terminer , permettez-moi de renouveler mes remerciements à vous tous, qui vous êtes battus pour me faire sortir de
prison et qui avez prouvé à Ismaël Omar Guelleh que la LDDH et son Président ont une forte notoriété internationale, comme en témoigne la mobilisation et la venu du Vice-Président de la FIDH pour me défendre …

Témoigner et dire la vérité ont aussi leurs risques.

ARDHD :
Un grand merci pour vos réponses et nous prenons rendez-vous en Septembre pour vous interroger de nouveau sur la situation économique, les grands projets de Guelleh et la situation des syndicalistes.