27/09/07 (B414) AFP : A Jowhar, les sinistrés des inondations côtoient les réfugiés de Mogadiscio (Info lectrice)

JOWHAR (AFP) — Dans les camps de déplacés de Jowhar, les sinistrés des inondations du « grenier à blé » de la Somalie côtoient les habitants de Mogadiscio qui fuient les violences quotidiennes, dans un saisissant raccourci de ce pays en guerre civile depuis 1991.

Situé au coeur de cette ville poussiéreuse, où de rares bougainvilliers viennent rehausser des façades pastel délavées, le camp de Kalagoy accueille 400 familles, essentiellement originaires de Mogadiscio (à 90 km au sud-est de Jowhar).

Ces familles, échouées pour certaines depuis plus de six mois dans des camps de huttes disséminés dans la ville, composent une partie des 83.000 déplacés de Mogadiscio pour la seule région du Bas et du Moyen Shabelle (sud-est).

Mercredi, le Programme alimentaire mondial (PAM) y a effectué une distribution d’aide alimentaire, sous le regard nonchalant de policiers somaliens assis à l’arrière de leur pick-up, kalachnikov entre les genoux.

Debout à côté d’un sac de maïs de 100 kilos, Ubah Youssouf Abdi, 18 ans, arrivée à Johwar il y a « cinq mois et 20 jours » raconte les « nombreux tirs de mortiers » dans son district du sud de Mogadiscio.

« L’un d’entre eux est tombé près de notre maison. Des voisins ont été blessés. Nous avons envoyé un message à nos proches ici qui nous ont dit de venir », relate la jeune fille.

« Ici c’est calme, il n’y a pas de problème », ajoute-t-elle, en écho aux déclarations du vice-gouverneur de la province, Hussein Hassan Mahmoud, selon lequel la région « est paisible et, (…) pour eux, c’est un havre de sécurité ».

La capitale somalienne est le théâtre d’attaques quasi-quotidiennes menées par des insurgés, parmi lesquels des islamistes, depuis leur mise en déroute fin décembre 2006 début janvier 2007 par les forces gouvernementales appuyées par l’armée éthiopienne.

« Nous vivions dans un quartier de Mogadiscio où il y a eu d’intenses combats. Nous ne pouvions plus sortir de chez nous, nous procurer de la nourriture ou de l’eau. Nous avons décidé de nous échapper pour fuir tout cela », raconte de son côté Fatouma Ali Adow, 18 ans également, qui a mis cinq jours de marche pour gagner Jowhar avec sa famille.

A quelques centaines de mètres de là, vers la sortie ouest de la ville, des centaines de villageois touchés par les inondations ou la sécheresse sont venus récupérer leur ration mensuelle d’aide alimentaire.

Situation tragique pour ces agriculteurs dont la production de maïs, sorgho, riz et autres cultures vivrières inonde normalement le marché somalien et s’annonce, cette saison, la plus faible depuis 13 ans, selon les ONG.

La montée des rivières dues à de fortes précipitations en amont, sur les plateaux éthiopiens, a provoqué l’inondation des villages et des cultures tandis qu’à quelques encablures de là, la sécheresse grille les récoltes sur pied.

« Nous sommes encore sous les eaux. Le second problème, c’est que notre canal est encombré de sédiments et nous n’avons pas les moyens de l’entretenir », témoigne Mohamed Hilowli, chef coutumier du village de Gedo Barkan (7 km de Johwar) et de 22 autres villages.

Balayant du regard les charettes tractées par des ânes emportant les sacs de céréales, le directeur du PAM pour la Somalie Peter Goossens s’interroge: « des années de conflit, des années d’inflation, de sécheresse et d’inondations. Les Somaliens sont extrêmement résistants, mais il y a une limite (…) Jusqu’à présent nous avons réussi à relever le défit, mais il doit bien y avoir une limite ».

De son côté, Hawa Mohamed Moallin, de l’ONG somalienne SAACID (Aide, en Somali) explique que pour ces villageois, guerre civile et intempéries ne font qu’un: selon eux, « si la paix revient, tout rentrera dans l’ordre ».