17/12/07 (B426) RUE 89 : Le reporter Gwenlaouen Le Gouil enlevé en Somalie.
Par David Servenay (Rue89)
Le journaliste français, lauréat du prix Albert-Londres, a été kidnappé dimanche, alors qu’il enquêtait sur les filières de l’émigration.
Gwenlaouen Le Gouil est un journaliste de terrain, plein de curiosité, récemment lauréat du prix Albert-Londres. En reportage en Somalie, il a été kidnappé dimanche matin dans le nord du pays où il enquêtait sur le parcours des candidats à l’émigration. Depuis, la mobilisation diplomatique tente de le faire libérer.
Ces récits d’émigration, Gwen les avait découverts en lisant dans Rue89 le formidable carnet de route de Stéphanie Braquehais, sur l’aventure de ces migrants somaliens. De jeunes hommes prêts à tout pour rejoindre la côte yéménite dans des barques de fortune. Ces dernières semaines, les deux reporters étaient d’ailleurs ensemble à Mogadiscio pour raconter cette histoire et d’autres encore dans un pays si peu couvert par les médias.
A 32 ans, ce JRI (Journaliste reporter d’images, diplômé du CUEJ de Strasbourg) vient tout juste de créer avec son ami Jean-Laurent Bodinier une petite entreprise de production. De retour de Birmanie, où ils avaient filmé la réalité quotidienne de la révolution safran des moines, ils ont mis le cap sur l’Afrique. Ce sujet sur les migrants somaliens, ils l’ont proposé à la chaîne de télévision Arte qui, immédiatement et avec enthousiasme, a accepté leur proposition.
Un commando de trois hommes armés d’AK 47
Vendredi 14 décembre, ils sont tous rentrés de Mogadiscio à Naïrobi (Kenya). Samedi, Gwen est reparti seul vers le Nord de la Somalie, en prenant un avion pour Bosasso. Cette ville de la côte nord du Somaliland est le principal port du Puntland, région semi-autonome. Mais surtout, c’est la plaque-tournante de l’émigration.
Dimanche matin, Gwen est donc parti en direction de cette plage où s’effectue la plupart des départs clandestins. Avec un chauffeur et un interprète. Vers 11 heures du matin, l’équipe a été arrêtée par un petit commando: trois hommes, armés d’AK 47.
D’après le chauffeur, Omar Ahmed, une courte discussion a eu lieu: « J’ai tenté, avec l’interprète, de parler au commando qui réclamait une rançon de 70 000 dollars. » Sans résultat. Visiblement, il s’agit plutôt d’un enlèvement crapuleux. Depuis, les nouvelles sont rares. Dans la journée, des gens ont pu lui faire passer quelques vêtements et un peu de nourriture.
Les autorités françaises en contact avec « ce qui semble être les ravisseurs »
Prévenues très rapidement à Naïrobi, les autorités françaises ont tout de suite pris des contacts avec les ravisseurs, dont on ignore pour l’instant l’identité. Cette région du Puntland est dominée par deux clans, les Majarteen et les Warsangali, deux groupes qui, traditionnellement, contrôlent l’espace maritime. Avec son lot de pirateries, comme au temps d’Henry de Monfreid, dans l’une des zones les plus surveillées de la planète.
Interrogé sur i-télé dans la soirée, Bernard Kouchner, le ministre des Affaires étrangères, a assuré que les « services » étaient mobilisés:
« Dès que nous l’avons appris nous avons alerté nos services et contacté ce qui semble être les ravisseurs.(…) J’espère que le contact ne sera pas perdu et qu’il ne s’agira que d’une demande de rançon. (…) Nous sommes désormais totalement mobilisés pour recueillir davantage d’informations, suivre l’évolution de la situation et pour que notre compatriote retrouve sa liberté le plus vite possible. »
Enfin, si le gouverneur de la région Yusuf Mumin, a bien confirmé l’enlèvement, il n’y a pour l’instant aucune déclaration des plus hautes autorités du Puntland. Le général Mohamed Muse Hersi « Ade » (un Majarteen), élu en janvier 2005 président de la région, va devoir faire jouer toute son autorité pour trouver une solution à cette crise. Et conserver à Gwen toute sa curiosité.