13/01/08 (B430) LE FIGARO : Cette filière tchétchène qui prend Roissy d’assaut.
Marie-Christine Tabet
Quelques 1.600 m² ont été réquisitionnés ces derniers jours à Roissy pour héberger les derniers arivants. (Bouchon/Le Figaro).
En trois mois, plus d’un millier de citoyens russes ont débarqué en France pour demander l’asile. Les autorités sont prises de court.
Roissy, 15 h 10. Le vol quotidien d’Air France AF 2623 arrive de Kiev en Ukraine. À son bord, plusieurs dizaines de passagers russes doivent faire escale quelques heures en France, puis décoller pour Rabat. En théorie. Dès qu’ils posent le pied sur le sol français, ils déclarent vouloir demander l’asile politique en France et refusent de réembarquer en direction du Maroc.
Depuis le début septembre, le scénario est immuable. Chaque jour, entre 10 et 40 citoyens russes, en grande majorité tchétchènes, utilisent le même subterfuge pour entrer en France. Hier, ils étaient 28. Les statistiques de la police que Le Figaro s’est procurées sont édifiantes.
Les services de l’asile (Ofpra) installés à Roissy enregistraient 25 demandes russes en septembre et près de 600 au cours du seul mois de décembre. En trois mois, ce sont près de 1 200 citoyens russes qui sont passés par la zone d’attente où sont placés les étrangers interpellés à la descente d’avion sans autorisation de pénétrer sur le sol français.
Les pouvoirs publics n’arrivent plus à faire face car les lits manquent pour accueillir tous les demandeurs. La «zone d’attent» dispose de 164 places. Or, ces derniers jours, il fallait héberger 267 personnes dont une centaine de Russes. «Nous assistons à une légère baisse depuis le début janvier, explique un fonctionnaire, mais il pourrait s’agir d’une accalmie liée aux fêtes orthodoxes, périodes peu propices aux déplacements.» Le sous-préfet de Roissy a dû réquisitionner 1 600 m² dans l’aéroport pour les héberger.
Visa de transit aéroportuaire
La situation est d’autant plus compliquée que la police aux frontières doit faire face au même moment à des arrivées importantes de Somaliens. Ces derniers utilisent un stratagème comparable à celui des Russes. Ils embarquent à Djibouti en direction de Cuba ou du Maroc avec une escale en France. Mais une fois à Paris, ils y restent.
Pour endiguer le phénomène, les autorités françaises envisagent d’imposer rapidement un visa de transit aéroportuaire (VTA) aux voyageurs en provenance de Djibouti. Le VTA permet de limiter et d’encadrer les déplacements des étrangers pendant le temps de l’escale.
La filière russe pose un problème diplomatique plus épineux aux autorités françaises. Il est inenvisageable d’imposer un VTA à tous les Russes qui posent un pied sur le sol français. Ces mesures sont considérées comme vexatoires pour les pays qui y sont soumis. Il semblerait qu’en Ukraine les candidats aux voyages bénéficient d’une solide organisation locale pour obtenir leurs documents de transports et leur voyage.
Des démarches ont été entreprises auprès de l’ambassade d’Ukraine à Paris pour éclaircir certaines zones d’ombre et obtenir des explications. Reste qu’à Roissy la situation devient explosive. «Au départ, il s’agissait de quelques familles tchétchènes isolées qui ont vocation à demander l’asile, raconte un fonctionnaire de l’Ofpra, aujourd’hui, nous voyons arriver à Roissy des Ingouches et des Caucasiens du Daguestan dont les motivations sont essentiellement économiques.»
D’autant que, dans les trois quarts des cas, le tribunal de Bobigny accepte les recours de ces étrangers (lire ci-dessous). Au bout d’un délai de vingt jours, l’administration n’a d’autre solution que de les laisser entrer en France. «Bloquer systématiquement les demandes d’asile n’est pas une solution, s’insurge Patrick Delouvain d’Amnesty international. Il faut pouvoir au moins instruire les dossiers.»
Au-delà de Roissy, les demandeurs d’asile russes, en hausse de 77 % depuis le mois d’août, affluent dans les préfectures. Ces candidats arrivent de Pologne, nouvelle frontière de l’espace Schengen, en bus.