21/02/08 (B435) AFP : Un pont sur la mer Rouge, projet pharaonique de Djibouti et du Yémen

Le projet paraît aussi fou que pouvait l’être au XIXe siècle le percement du canal de Suez, mais des études très sérieuses sont en cours sur la construction d’un pont de 28 kilomètres de long au-dessus de la mer Rouge, reliant Djibouti au Yémen.

« Nous ne sommes pas vraiment partie prenante, le projet nous est un peu tombé du ciel sur une proposition d’un frère d’Oussama ben Laden qui a une entreprise de construction en Arabie saoudite », explique à l’AFP le Premier ministre djiboutien, Mohamed Dileita.

« Ici on en parle beaucoup, les Yéménites sont persuadés que le projet va être réalisé sur fonds saoudiens et émiratis pour faire le lien entre le monde arabe et l’Afrique », ajoute-t-il. Il s’agit d’un « projet à long terme qui participe de la logique de prestige des pays arabes ».

Selon lui, « de nombreuses entreprises américaines, yéménites et même françaises sont parties prenantes au projet. Mais le gros avantage serait de relier les millions de musulmans africains à La Mecque, en train ou en bus ».

Le projet figure en bonne place dans le programme officiel des investissements de Djibouti, qui décrit les grands chantiers en cours ou à venir dans ce petit pays de la Corne de l’Afrique.

« Le pont Bab el Mandeb (« les portes de l’enfer » en arabe, du nom du détroit séparant Djibouti du Yémen) sera long approximativement de 28,5 kilomètres, il reliera le Yémen à l’île de Périm, dans la mer Rouge, et Djibouti sur le continent africain », indique le document.

« Il se composera de poutres et d’un pont suspendu qui sera le plus long du monde (…) avec une route à six voies et quatre lignes ferroviaires », ajoute le texte.

Le projet prévoit également la construction d’une ville nouvelle baptisée Medinet An Noor (Ville lumière), « dont on ne sait pas encore si elle sera à Djibouti dans la région d’Obock (nord) ou au Yémen », précise M. Dileita.

Cette cité sera vouée à être à la fois « un carrefour de la connaissance, un centre d’affaires et un centre de tourisme et de loisir ».

Mais le projet se heurte à deux obstacles majeurs. L’un est lié aux risques de tremblements de terre, l’activité sismique étant très forte dans la région. L’autre par l’opposition à un programme qui représenterait une sérieuse concurrence pour le port de Djibouti, en pleine expansion grâce aux investissements de Dubaï.

En novembre 1978, un brutal mouvement sismique dans la région a donné naissance à un volcan, l’Ardoukoba, provoquant une série de 50 à 80 séismes par heure pendant l’éruption, et entraînant de profonds mouvements de terrain.
Dans ce domaine, « tout dépend des projets des architectes qui prennent en compte ces données », tempère Aboubakar Doualé Waiss, secrétaire général du ministère de l’Habitat, de l’Urbanisme et de l’Aménagement du territoire.

Pour l’activité maritime de Djibouti, un pont risque également de se traduire par une perte de trafic. Les autorités jugent cependant que les avantages l’emportent.

« Si la stabilité se maintient à Djibouti, le port et le pont seront complémentaires », assure M. Waiss: « il y a des populations très nombreuses derrière nous, comme l’Ethiopie et ses 80 millions d’habitants, qui sont enclavées et le trafic ne cesse d’augmenter ».

Le coût du seul pont est estimé à 14 milliards d’euros. Le projet prévoit que sa construction durera une dizaine d’années, soit une durée similaire au chantier du canal de Suez.