13/04/08 (B443) LE MONDE / Les commandos français envoyés à l’assaut des pirates en Somalie
Pour les conseillers de Nicolas Sarkozy et le général Jean-Louis Georgelin, chef d’état-major des armées (CEMA), l’opération militaire française menée vendredi 11 avril, en Somalie, pour libérer les trente membres d’équipage du voilier de croisière Le Ponant, est manifestement un succès. Tous les otages ont été libérés sains et saufs, six des pirates somaliens (sur une douzaine) ont été capturés, et tout indique qu’une partie de la rançon qui a été versée par l’armateur, la CMA-CGM, a été récupérée par les militaires français.
La France a mis en oeuvre d’importants moyens militaires pour arriver à ce résultat : une cinquantaine de commandos-marine, une dizaine de spécialistes du Groupement d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), cinq navires de la marine nationale, au moins cinq hélicoptères, et un avion de patrouille maritime Atlantique-2.
Selon le récit fait par le général Georgelin et l’amiral Edouard Guillaud, chef d’état-major particulier du président de la République, les otages (qui n’ont jamais quitté le voilier) ont été relâchés après qu’un « protocole » sur leur libération a été négocié par radio entre les pirates et l’armateur, avec l’aide des spécialistes du GIGN. Les pirates ont ensuite regagné la côte somalienne, distante d’un mille nautique (1 852 mètres) de l’endroit où était mouillé Le Ponant – en face du village de Garaad – depuis son arraisonnement, le 4 avril.
Les otages ont alors été récupérés à bord de la frégate Jean-Bart. Ce n’est qu’une heure après qu’une opération militaire a été lancée pour capturer les ravisseurs.
Ceux-ci, qui étaient armés de lance-roquettes RPG-7 et de fusils d’assaut AK-47, avaient pris la fuite à bord de véhicules 4 × 4, dont l’un avait été « pisté » par le Bréguet Atlantic.
Un hélicoptère Gazelle avec des tireurs d’élite à son bord, venu du porte-hélicoptères Jeanne-d’Arc, qui croisait entre la Réunion et Djibouti, est alors intervenu, avec trois autres hélicoptères en soutien. Des tirs ont permis de détruire le moteur du véhicule des pirates, « qui se sont ensuite rendus sans trop de difficultés », selon le général Georgelin.
Les pirates capturés ont été évacués sur le Jean-Bart, « et seront remis à la justice française », a précisé le CEMA, pour qui il s’agit vraisemblablement d' »anciens pêcheurs » de la région du Puntland. Les autorités françaises ont démenti les affirmations du gouverneur de la région de Mudug, qui a affirmé que « trois cadavres ont été ramassés » après l’opération militaire héliportée.
Un seul pirate a été « légèrement blessé au pied », assure-t-on de source militaire française. Ces derniers jours, ajoute-t-on, des affrontements se sont déroulés entre les pirates et un clan rival, d’où de possibles victimes. Les soldats français ne se sont livrés qu’à des « tirs de sommation et d’intimidation », a insisté le général Georgelin.
« Aucun argent public » n’a été versé aux pirates, a-t-il affirmé, tout en indiquant que « quelques sacs intéressants » avaient été récupérés. « On a récupéré une partie de la rançon qui a probablement été versée », a-t-il reconnu. La CMA-CGM s’est refusée à confirmer le versement d’argent, mais ce point ne semble pas faire de doute, l’Agence France-Presse avançant le chiffre d’environ 2 millions de dollars.
Le père d’un des otages, interrogé par Le Monde, a indiqué : « On a juste su qu’une rançon a été versée, sans savoir le montant. Jacques Saadé (président de la CMA-CGM), nous a dit : « On fera ce qu’il faut »… »
Selon ce témoin, lorsque le président Nicolas Sarkozy a reçu pour la première fois les familles des otages à l’Elysée, le 8 avril, il leur a déclaré : « On a affaire à des malfrats. Ils veulent du fric, on va le leur donner, et après, c’est mon affaire. »
La France entend utiliser l’affaire du Ponant pour engager une action contre la piraterie maritime. Un texte devrait être déposé la semaine prochaine au Conseil de sécurité des Nations unies, a indiqué Jean-David Levitte, conseiller diplomatique du président Sarkozy. Il prévoira notamment que les Etats incapables d’assurer la sécurité dans leurs eaux territoriales accepteront d’ouvrir celles-ci à toute opération de poursuite d’auteurs de piraterie maritime.
Laurent Zecchini