17/12/08 (B478-B) Yahoo avec Reuters. Un jugement important rendu par le Tribunal de Strasbourg / Un ancien diplomate tunisien condamné à huit ans pour torture

_________________________________________ Note de l’ARDHD

Cette décision de justice est importante.

Désormais les responsables de torture dans le monde (et plus spécifiquement à Djibouti, puisque c’est notre zone d’intérêt privilégié) ne sont plus à l’abri d’une condamnation…

Aujourd’hui, ils sont tous, potentiellement, sous la menace d’un jugement. Depuis 1999, nous publions une liste des principaux tortureurs. Cette liste est certainement incomplète, mais elle existe et nous essaierons de la compléter sur la base des témoignages qui nous seront adressés.

Dans ce cas, c’est la victime réfugiée en France qui avait porté plainte.

Il est probable que des victimes djiboutiennes puissent certainement suivre la même démarche, en s’appuyant sur les mêmes textes internationaux, qui attribuent des compétences à des juridictions étrangères, quand il s’agit d’actes de torture.

Cependant, il y a des obstacles sérieux et difficiles à surmonter :

– les victimes peuvent craindre des basses vengeances qui seraient commises par les Sbires de Guelleh, à l’encontre des membres de leurs familles restés au pays …. (On l’a vu dans l’affaire Alhoumekani), et les familles djiboutiennes sont étendues …

– elles peuvent aussi craindre une action violente à leur encontre, qui serait commise en Europe ou en Amérique, par des agents résidents, soit employés dans les Ambassades, soit pire, se faisant passer pour des réfugiés. (Cela est aussi arrivé dans l’affaire Alhoumekani / Iftin et peut-être récemment contre le frère d’Abdourahman Borreh, car certains lecteurs pensent que son décès n’est peut-être pas tout à fait "naturel")

Cela dit, la justice avance et évolue, la culture aussi. Aujourd’hui, la torture n’est plus une fatalité pour personne. C’est un crime. Il est admis que tous les auteurs devraient être poursuivis au pénal.

Bien entendu,
certains échapperont à la Justice. Mais, il faut des exemples pour faire réfléchir les candidats bourreaux. Pour cela il faut absolument qu’il y ait des plaintes et des jugements. Que les coupables soient condamnés et, de préférence, emprisonnés pour avoir utilisé la force brutale, sadique et sauvage à l’encontre de personnes enchaînées et sans aucun moyen de défense.

Nous attendons que la première victime djiboutienne décide de porter plainte contre
ses bourreaux de la Brigade Nord de la Gendarmerie, de Nagad, de Gabode ou de la Villa Christophe, etc.. Notre association lui apportera tout son soutien.

________________________________ Yahoo avec Reuters.

Un ancien diplomate tunisien condamné à huit ans pour torture

L’avocat général avait pour sa part requis la relaxe, en raison du manque de preuves.

C’est la seconde fois qu’une juridiction française se prononce sur des faits n’impliquant ni la France, ni ses ressortissants, en vertu de la règle de compétence universelle. Celle-ci résulte d’une convention de l’Onu contre la torture de 1984 introduite dans le droit français en 1994.

Zoulaikha Gharbi, une femme de 44 ans qui vit aujourd’hui en France, a porté plainte en mai 2001 contre le diplomate, alors vice-consul de Tunisie à Strasbourg, pour des faits commis, dit-elle, cinq ans auparavant.

Khaled ben Saïd, qui est rentré précipitamment en Tunisie quelques mois plus tard, dirigeait le commissariat de Jendouba où elle avait été conduite le 11 octobre 1996, après le départ pour la France de son mari, membre du mouvement islamiste interdit El Nahdha.

"DIFFUSER LA PEUR"

Elle aurait été giflée par Ben Saïd puis livrée à ses agents qui l’auraient à moitié dénudée et attachée par les mains et les pieds à une barre de fer dans la position du "poulet rôti", avant de la frapper, notamment sur les seins et les pieds.

En l’absence de l’accusé, le procès auquel la Ligue française des droits de l’homme et la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) s’étaient constituée parties civiles, a été aussi celui du système mis en place par le président Zine el Abidine Ben Ali, au pouvoir depuis 21 ans.

"En Tunisie, sous Ben Ali, on torture au nom des droits de l’homme et on viole les femmes en invoquant le droit des femmes", a déclaré le sociologue Vincent Geisser, pour souligner les contradictions d’un pouvoir soucieux de son image internationale.

Devenue quasi-systématique, "elle est destinée à humilier et à diffuser la peur. C’est un mode de contrôle de la société", a ajouté ce chercheur du CNRS cité par les parties civiles.

"Il n’y a rien qui aide à combattre ce fléau. Les médias sont verrouillés, les juges sous tutelle", a déclaré Silhem Bensedrine, porte-parole en Autriche du Conseil des libertés, une ONG tunisienne.

"S’il n’avait pas le soutien de certains pays occidentaux, le régime pourrait changer", a estimé Radhia Nasraoui, avocate à Tunis et militante des droits de l’homme de renom.

Seul représentant de l’accusé, Me Olivier Salichon a soulevé en vain l’incompétence du tribunal, pour des raisons de procédure et en estimant que les faits de torture n’étaient pas constitués.

Il a aussi dénoncé "la volonté des parties civiles de faire de ce procès le procès de l’Etat tunisien".

"Un Etat ne peut pas juger un autre Etat", a-t-il affirmé à l’ouverture du procès.

Gilbert Reilhac
avec Marine Jobert