10/05/09 (B498) Le Soleil de Dakar (Sénégal) Africom toujours sous hypothèque.
Rien n’y fait. Malgré les tournées de charme du général William E. Ward, promu chef d’état-major du Commandement militaire des Etats-Unis pour l’Afrique (Africom) et poussé en avant, depuis l’année dernière, par l’ex-président Georges pour prêcher la « bonne parole » auprès de ses frères de sang du continent, Africom n’a toujours pu trouver de terre d’accueil en Afrique.
Pour mémoire, ce projet de densification de la présence militaire américaine en Afrique a été présenté comme indispensable pour la parer d’un bouclier qui participerait à sa protection et à celle du reste du monde contre le terrorisme. Il contribuerait, incidemment, à des actions humanitaires, au maintien de la paix et à la restauration des équilibres démocratiques.
Mais, les interlocuteurs de l’Administration Bush sont, depuis le lancement d’Africom, d’autant moins enclins à accréditer ces thèses qu’ils craignent, bien au contraire, qu’une forte présence militaire américaine sur le sol africain rende le continent encore plus vulnérable au terrorisme et y réplique les bourbiers afghan et irakien.
Ils gardent plutôt le sentiment que les Etats-Unis, par l’exagération du risque terroriste en Afrique pour y légitimer une présence militaire accrue sur ses points terrestres et maritimes les plus stratégiques, visent un dessein infiniment économique : amoindrir sa dépendance énergétique à l’endroit du Moyen-Orient en s’assurant un approvisionnement sécurisé et durable en pétrole à partir du continent. Il s’agirait également de freiner la montée en puissance de la Chine, de contrer son influence économique grandissante sur le continent noir.
Africom est, certes, une création nouvelle qui n’a commencé à être opérationnelle qu’en octobre 2008, à … Stuttgart, en Allemagne, à défaut d’un pays africain d’accueil. Toujours est-il que l’expérience américaine en Somalie est un cas d’école qui donne la preuve que des opérations militaires qui exterminent des civils, avec la complicité de seigneurs de guerre locaux et d’alliés étrangers, éthiopiens dans ce cas de figure, au lieu d’éteindre le terrorisme, contribuent plutôt à l’aiguiser et génèrent la pire des crises humanitaires.
En s’inscrivant dans cette logique partisane et guerrière, l’Africom aggraverait l’insécurité et l’instabilité en Afrique, en y exacerbant l’opposition aux intérêts américains qu’il est censé couvrir. Comme c’est le cas avec le Centcom, le commandement américain en charge du Moyen-Orient et de l’Asie centrale, dans ses opérations guerrières en Irak et en Afghanistan.
Le pouvoir a changé de mains aux Etats-Unis, depuis un peu plus de cent jours.
Les appréhensions qui avaient valu à l’Africom le refus de son implantation physique en Afrique, par quasiment tous les Etats sollicités, demeurent, nonobstant le changement de régime intervenu aux Usa. Deux questions essentielles se posent. Dans le sillage du gouvernement précédent, l’Administration Obama va-t-elle continuer de donner la priorité à la guerre contre le terrorisme et pour la mainmise sur les ressources énergétiques du continent et privilégier, du coup, les relations militaires bilatérales avec des pays africains ?
Ou, va-t-elle plutôt privilégier le renforcement de la capacité multilatérale de l’Afrique à répondre à ses besoins intrinsèques de sécurité ?
Si les réponses immédiates à ces interrogations ne sont pas encore très précises, l’on retiendra tout de même des propos tenus par le président Barack Obama et son secrétaire d’Etat Hillary Clinton, que la nouvelle administration américaine semble vouloir faire prévaloir la diplomatie positive sur la militarisation excessive de sa politique étrangère.
Quoi qu’il en est, des programmes militaires antérieurs se poursuivent avec bon nombre de pays africains, tels l’African partnership station (Aps) sur ce géant des mers qu’est l’Uss Nashville, l’International military formation (Imet) ou encore l’African contingency opérations training and assistance (Acota).
Il importe que les Etats-Unis transforment cette approche principalement bilatérale et militaire en une approche qui donne la priorité aux actions conjointes, avec l’Afrique et de concert avec le reste de la communauté internationale, si tant est que l’extinction des foyers de tension et le maintien de la paix sur le continent préoccupent le monde entier, sans arrière-pensée.
La résolution des crises encore virulentes qui déchirent certaines zones, principalement le Soudan, la Rd Congo et la Somalie, requiert, dans une double approche multilatérale, un effort diplomatique plus soutenu et, surtout, d’importants moyens financiers et logistiques.
Avec l’Africom, l’Administration Bush avait plutôt cherché à faire bande à part pour les seuls intérêts des Etats-Unis, à l’exclusion de toute concertation avec les Nations Unies et l’Union africaine sur la finalité de ce nouveau commandement, ou sur les besoins du renforcement réellement plus adéquat des capacités internationales (Onu, Ua et autres institutions multilatérales) de maintien de la paix sur le continent noir.
Les choses sont-elles aujourd’hui en train de changer dans le sens du multilatéralisme de rupture prôné par le gouvernement Obama ?
D’aucuns le pensent, à l’analyse des conclusions de « Africa Endeavor », une rencontre organisée par l’Africom et qui a regroupé 50 participants de 29 pays africains et 8 de l’Union européenne, du 10 au 13 mars dernier à Douala, au Cameroun.
Il y a été question de mettre sur pied une plate-forme d’Etats afin d’explorer les techniques et tactiques et les procédures multinationales et l’échange d’expériences entre les armées des Etats africains, avec comme finalité de mettre sur pied une « Armée africaine » et de former des « militaires de paix » qui puissent intervenir dans des zones de conflits et mettre un terme à des guerres de longue durée en Afrique. Africom s’y est confié la mission « de coordonner les relations entre les Etats-Unis et les 53 pays africains membres de l’Union africaine ainsi que les organisations de défense et de sécurité africaines ».
Si ce n’est pas là un leurre, l’hypothèque sur l’Africom pourrait peut-être être levée. Mais, il faut rester vigilant, très vigilant…
Par Amadou FALL