06/08/09 (B510) RSF : La liberté de la presse va de pair avec la bonne gouvernance souhaitée par Hillary Clinton

Alors que la secrétaire d’Etat américaine, Hillary Clinton, vient d’entamer au Kenya une tournée devant la conduire dans six autres pays d’Afrique, Reporters sans frontières souhaite attirer son attention sur la nécessité d’insister, auprès de ses différents interlocuteurs, sur le respect de la liberté de la presse.

"Nous nous réjouissons que la chef de la diplomatie américaine accorde au continent africain une visite de cette ampleur. Nous partageons l’intérêt que porte Hillary Clinton à la lutte contre la corruption et lui rappelons que celle-ci passe notamment par la défense de la liberté de la presse. Trop souvent en Afrique, un journaliste qui dénonce les malversations, les fraudes et les détournements de fonds est immédiatement harcelé, arrêté, voire emprisonné", a déclaré l’organisation.

"Cette tournée offre aux Etats-Unis l’occasion d’envoyer à la fois un signal fort aux dirigeants africains, en exigeant un engagement de leur part en faveur du respect des libertés fondamentales, et un message d’encouragement à leurs peuples, trop souvent réprimés lorsqu’ils osent s’exprimer librement. Il est regrettable que certains pays ne soient pas prévus au programme, comme la Gambie par exemple, où se déroule le scandale le plus intolérable de toute l’Afrique de l’Ouest en matière de liberté de la presse", a ajouté Reporters sans frontières.

Le 5 août 2009, au premier jour de son séjour à Nairobi, Hillary Clinton a demandé aux Etats africains de combattre la corruption et la criminalité pour promouvoir une "bonne gouvernance". Avant de quitter la capitale kényane, la secrétaire d’Etat américaine devrait s’assurer que tous les moyens sont réellement mis en œuvre, par les autorités, pour faire la lumière sur l’assassinat de Francis Kainda Nyaruri, dont le corps a été retrouvé décapité, le 29 janvier dernier, dans une forêt du sud-ouest du pays.

Peu avant sa mort, ce journaliste indépendant avait déclaré avoir été menacé par des officiers de police dont il avait dénoncé les agissements. "Seule l’arrestation des coupables de cet assassinat et de ses commanditaires permettra de rassurer une profession profondément marquée par ce crime odieux", estime Reporters sans frontières.

A Nairobi, Hillary Clinton va également rencontrer le président de la Somalie, Sheikh Sharif Ahmed, fragilisé par l’offensive de la milice islamiste Al-Shabaab. Il est important que l’administration américaine encourage les autorités somaliennes à protéger les journalistes de ce pays, qui est le plus meurtrier d’Afrique pour les médias (14 journalistes tués depuis début 2007). Si les arrestations arbitraires, les kidnappings et les assassinats de journalistes sont déjà extrêmement préoccupants, Hillary Clinton doit avoir à l’esprit qu’une victoire des Shabaab face aux forces gouvernementales aurait des conséquences dramatiques pour les libertés fondamentales, et plus particulièrement pour la liberté de la presse.

Après l’Afrique du Sud et l’Angola, Hillary Clinton pourra confier son inquiétude au président Joseph Kabila, à Kinshasa, face à l’impunité dont bénéficient les assassins des journalistes de Radio Okapi, Serge Maheshe et Didace Namujimbo.

Le procès des assassins présumés de Serge Maheshe, tué par balles le 13 juin 2007 à Bukavu (Sud-Kivu), a été un fiasco judiciaire dénoncé par de nombreuses organisations internationales et locales de défense des droits de l’homme. Par ailleurs, l’auditorat militaire en charge de l’enquête sur l’assassinat de Didace Namujimbo, tué d’une balle dans la tête le 21 novembre 2008, n’a toujours pas ouvert de procès.

Au Nigeria, nul doute qu’il sera question, dans les entretiens de la secrétaire d’Etat, de la puissance économique de ce pays et des récents affrontements meurtriers entre forces de l’ordre et combattants islamistes. Hillary Clinton pourra rappeler au président Musa Yar’Adua que la pratique de la profession de journaliste est, au Nigeria, un exercice périlleux.

Les professionnels de l’information subissent quotidiennement la violence de la rue, les brutalités du service de la police de la sécurité d’Etat (State Security Service – SSS) et les humeurs de gouverneurs de province, trop souvent coupables d’abus de pouvoir. Ce géant de l’Afrique de l’Ouest est, après la Gambie, le pays le moins respectueux de la liberté de la presse dans la sous-région, d’après le classement 2008 établi par Reporters sans frontières.

A ce sujet, entre le Liberia et le Cap-Vert, un détour par Banjul serait le bienvenu si tant est qu’il soit encore possible de modifier le programme de la visite américaine. L’ex-First Lady pourrait ainsi exprimer au président gambien Yahya Jammeh combien son comportement révolte les défenseurs de la démocratie et des droits de l’homme.

Alors que sept journalistes de l’Union de la presse gambienne (GPU) sont actuellement harcelés et jugés pour avoir osé critiquer le chef de l’Etat, celui-ci multiplie les déclarations provocantes et menaçantes sur la chaîne publique GRTS. Il n’hésite pas non plus à jeter en prison des personnalités réputées, comme s’il s’agissait de vulgaires bandits.

"Une condamnation ferme de cette situation de la part de Washington aurait le mérite de rompre le silence assourdissant qui entoure les violations des droits de l’homme en Gambie et de rassurer l’importante diaspora gambienne basée aux Etats-Unis", affirme Reporters sans frontières.

"Par ailleurs, les services de renseignements américains pourraient profiter de l’occasion pour rendre publiques les informations dont ils disposent sur les circonstances de l’assassinat, en 2004, du directeur du quotidien privé The Point, Deyda Hydara", a conclu l’organisation, qui a mené deux enquêtes approfondies sur le sujet et dispose d’éléments faisant peser de lourds soupçons sur les services de sécurité entourant le président Yahya Jammeh.