08/04/10 (B545) Nouvelles de Somalie (3 articles en Français)
__________________ 3 – CyberPress (Canada)
Somalie: des insurgés s’emparent d’une base désaffectée de l’ONU
Les shebab contrôlent depuis plusieurs mois une large partie de la capitale ainsi que du centre et sud du pays.
Des insurgés islamistes radicaux shebab se sont emparés d’une base désaffectée des Nations unies, à Wajid, dans le sud de la Somalie, ont annoncé jeudi des sources officielles et locales.
«Ils sont arrivés mercredi soir et ont demandé au responsable des services de sécurité de faire enregistrer leurs armes et alors qu’ils attendaient qu’on les leur rende, des combattants fortement armés ont pris d’assaut les locaux jeudi matin en ordonnant aux gardes chargés de la sécurité de quitter les lieux», a expliqué à l’AFP sous couvert d’anonymat, un responsable des Nations unies à Mogadiscio.
Un habitant, Ahmed Kofurow, a précisé que les insurgés avaient pris le contrôle d’une piste d’atterrissage qui était utilisée par les agences des Nations unies à Wajid, à 400 km au sud-ouest de Mogadiscio.
«Les shebab ont déployé jeudi deux véhicules ainsi que de nombreux combattants fortement armés sur la piste. Les gardes ont quitté les lieux après avoir été désarmés», a précisé cet habitant.
En lutte contre le gouvernement de transition somalien (TFG), les shebab et leurs alliés du Hezb al-Islam contrôlent une grande partie du sud et du centre de la Somalie, ainsi que la majorité des quartiers de Mogadiscio.
En février, les shebab ont interdit la présence en Somalie du Programme alimentaire mondial (PAM), un mois après la suspension par l’agence de ses activités dans les régions contrôlées par les insurgés islamistes en raison de la multiplication des «attaques et menaces» de ces groupes armés.
L’agence venait en aide à quelque 2,5 millions de personnes dans ce pays en guerre civile quasi-continue depuis 1991.
L’année dernière, les shebab qui contrôlent les régions du centre-sud de Bay et Bakool, ont remis aux associations humanitaires une liste de 11 règles à respecter, notamment la paiement deux fois par an d’une somme de 20.000 dollars.
Le PAM considère la Somalie comme étant «sans aucun doute l’opération la plus dangereuse et la plus complexe» dans le monde.
__________________ 2 – Monde Diplo (Blog)
Les Européens au secours du pouvoir intérimaire somalien
Déjà engagée dans la sécurisation des routes maritimes dans l’océan Indien et dans la lutte contre la piraterie au large des côtes somaliennes – à travers l’opération Atalanta –, l’Europe s’engage sur le volet terrestre de la mise en sécurité de la région de la Corne de l’Afrique : elle a lancé le 7 avril « EUTM-Somalia » – sa vingt-quatrième « mission ». Cette contribution à la formation de l’armée « régulière » somalienne donne lieu à une série de premières : l’Espagne en est la « nation-cadre » et en a pris le commandement ; l’opération se déroule à partir d’un pays voisin (l’Ouganda) ; et le commandement militaire américain pour l’Afrique (Amisom) y participe, ainsi que les forces armées de Russie…
Le feu vert définitif pour ce soutien à la formation des forces de sécurité du Gouvernement fédéral de transition (GFT) vient d’être donné par les ambassadeurs des Vingt-Sept, qui ont adopté le « plan de mission ». Le Colonel Gonzalez Elul, désigné par l’armée espagnole pour prendre le commandement, est donc habilité à donner l’ordre d’activation de l’opération (Actord) qui pourrait être effective à partir de mai prochain.
L’European Union Training Mission Somalie (EUTM-Somalia) tire sa légitimité de plusieurs textes :
— une résolution du 26 mai 2009 du Conseil de sécurité de l’ONU recommande de « reconstituer, de former, d’équiper et d’entretenir les forces de sécurité somaliennes », et lance un appel aux bonnes volontés ;
— une nouvelle résolution du conseil, le 30 novembre 2009, rappelle son « attachement à la souveraineté, à l’intégrité territoriale, à l’indépendance politique et à l’unité de la Somalie » ;
— une lettre du gouvernement somalien, le 18 novembre 2009, « salue les efforts entrepris par l’UE » ;
— le 30 novembre 2009, une lettre de l’Union africaine – qui déploie en Somalie la force de maintien de la paix « Amisom » – confirme son intérêt pour le lancement d’une opération de formation des militaires somaliens ;
— enfin, le 5 janvier dernier, le gouvernement de Kampala lance une invitation officielle à l’UE pour qu’elle organise des cycles de formation des forces de sécurité somaliennes à partir du territoire ougandais.
Hors de portée
Il ne s’agit donc pas d’une opération de maintien de la paix à proprement parler, considérée de toute façon par le ministre français de la Défense Hervé Morin comme « hors de portée ». L’objectif est de former 2 000 hommes dans un premier temps, voire d’aller jusqu’à un effectif total de 6 000 hommes en cas de renouvellement du mandat de la mission.
Pour la première fois, dans le sillage du nouveau traité européen de Lisbonne, l’opération est menée en étroite collaboration entre militaires et civils (ce qui est une des spécialités de l’Union européenne). Elle est sans risques, et à effectifs réduits (une centaine de formateurs, une quarantaine de personnels en soutien), dont plusieurs dizaines d’instructeurs espagnols, spécialistes de la lutte anti-guérilla en milieu urbain, et des militaires d’Allemagne, de Hongrie, Finlande, Italie, Portugal, Slovénie, et peut-être de Grèce, Suède, Roumanie ou Belgique [1].
Les militaires américains, sous la bannière de l’Amisom – leur nouveau commandement pour l’Afrique – se sont offerts à former aux techniques de lutte contre les explosifs improvisés (IED). Ils fourniront des armes et assureront le transport des soldats somaliens entre Mogadiscio et Entebbe, en Ouganda – ce qu’ils font déjà, de manière formelle [2] ou clandestine.
Le camp Lemonnier, à Djibouti – une ancienne implantation de la Légion étrangère française –, sert, entre autres, de base-arrière aux équipes militaires et civiles chargées d’intervenir à distance ou clandestinement en Somalie : aide aux nationalistes modérés ou anti-islamistes, surveillance à l’aide de drones, élimination – depuis les airs – d’éléments jugés hostiles aux intérêts américains [3].
Rôle moteur
Ne souhaitant pas rééditer une opération de type EUFOR-Tchad/RCA, où elle avait dû constituer avec ses hommes plus de la moitié des effectifs « européens », la France a limité sa participation à l’EUTM-Somalia à une trentaine d’instructeurs. Mais elle avait pris les devants en assurant – avec ses propres moyens déjà stationnés à Djibouti – l’entraînement en 2009 d’un bataillon de l’armée du président Cheikh Sharif Ahmed, soit 500 hommes. 150 d’entre eux étaient en formation en octobre dernier ; 350 autres devaient suivre.
Il s’agissait d’une formation basique, sur quelques semaines, axée sur l’obéissance, les réactions en groupe, et non pas d’une formation type « soldat d’élite » ou « force spéciale ». Les forces armées de la Fédération de Russie, qui ont déjà déployé une petite escadre en océan Indien, dans le cadre de l’opération anti-piraterie menée par l’Union européenne et par l’OTAN, avaient été sollicitées par les Français pour participer à la formation de ce bataillon somalien, à partir de Djibouti, et auraient donné leur accord.
Couplés avec les Espagnols, comme cela avait été le cas pour le lancement d’Atalanta, les Français ont une nouvelle fois joué un rôle moteur dans le montage en fait très laborieux de cette opération africaine, étalé sur près d’un an. En marge d’un conseil européen des ministres des Affaires étrangères et de la Défense, en novembre dernier, les ministres français présents avaient appuyé politiquement l’opération EUTM-Somalia :
— « Si on ne prend pas en main la reconstruction de l’Etat somalien, on pourra avoir l’opération Atalanta durant 20 ans, 30 ans, une éternité (…). Atalanta s’attaque aux conséquences ; il faut s’attaquer aux causes » (Hervé Morin) ;
« Ce que nous avons sur place, c’est Al-Qaida, avec les Shebab… » (Pierre Lellouche, secrétaire d’Etat aux affaires européennes).
Espace sécurisé
Les militaires de l’Ugandan People’s Defense Force (qui participent déjà à l’Amisom) fourniront un soutien pour la formation de base des soldats somaliens ; des interprètes pourraient également être recrutés dans leurs rangs. Plusieurs arguments jouaient en faveur du choix du territoire ougandais comme cadre de cette opération :
— des militaires somaliens y sont déjà en formation ;
— la force de l’Union africaine à Mogadiscio (Amisom), composée pour partie de soldats ougandais, est commandée par un général de l’UPDF, Nathan Mughisa ;
— l’armée ougandaise, longtemps commandée par des officiers tutsis, a une solide réputation ;
— les instructeurs européens pourront s’appuyer sur les installations de l’armée ougandaise pour développer leurs modules de formation spécialisée (déminage et lutte contre les explosifs improvisés, sécurité et guérilla en zone urbaine, transmissions, action médicale d’urgence, etc.) ;
— et surtout, l’Ouganda – comparé à la Somalie – fait figure d’espace sécurisé…
Armes retournées
Des réflexions ont été engagées pour trouver des parades concernant :
— le recrutement et son filtrage (pour éviter que l’UE ne se retrouve à former des enfants-soldats) ;
— le financement et le paiement effectif de la solde des soldats, pour éviter les détournements ;
— la surveillance et la sécurisation, en Ouganda, du personnel en formation ;
— le suivi et l’encadrement des forces après leur retour à Mogadiscio , pour éviter qu’une fois formés, ces soldats ne désertent pour rejoindre leurs clans, voire des groupes extrémistes comme les Shebab ou le Hezb al-Islam [4]. Il ne s’agit pas d’une éventualité théorique : on vient de s’apercevoir que quelques combattants de la milice islamiste Al-Shebab, impliqués dans des attentats récents, avaient été formés au camp d’entraînement de l’armée ougandaise, à Bihanga, dans le cadre d’un programme – en principe secret – monté par l’UPDF.
— par ailleurs, la formation de l’armée somalienne – qui concerne des effectifs limités au service d’un pouvoir intérimaire circonscrit à une partie seulement de Mogadiscio – n’a pas une incidence directe, sinon partielle et à long terme, sur le phénomène de la piraterie, qui n’est traité actuellement que par la voie maritime. En octobre dernier, Paris avait appelé l’Union à « élargir son approche, pour former les garde-côtes et les policiers somaliens » – mais sans succès jusqu’ici.
Notes
[1] D’autres pays se sont montrés plus réservés : pays baltes, République tchèque, Royaume-Uni.
[2] Le gouvernement américain aide déjà les troupes ougandaises et burundaises de l’Amisom en matière de formation, transport, équipement…
[3] En juin 2007, un destroyer de l’US Navy avait bombardé une zone côtière du nord-est de la Somalie, après des accrochages entre de présumés combattants islamistes et des troupes de la région semi-autonome du Puntland.
[4] AFP, 25 janvier 2010.
__________________ 1 – Questions-Défense (Blog)
Lancement de la mission EUTM Somalie
Le 25 Janvier 2010, le Conseil a décidé de mettre en place une mission militaire pour contribuer à la formation des forces de sécurité somaliennes. Le 7 avril 2010, le commandant de la mission de EUTM en Somalie, le colonel Ricardo Gonzalez Elul, a été autorisé à donner l’ordre d’activation en vue d’effectuer le déploiement des forces et d’entamer l’exécution de la mission.
Cette mission aura lieu en Ouganda, où les forces somaliennes sont déjà formées, ce qui faciliterait également la coordination de l’action de l’UE avec la Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM). La mission sera menée en étroite coordination avec les partenaires de l’UE, le gouvernement fédéral de transition de la Somalie (TFG), l’Ouganda, l’Union africaine (UA), l’ONU et les USA.
141 personnels de 13 pays européens participeront à cette opération et seront déployée progressivement au cours du mois d’avril. L’Espagne contribue à cette mission à hauteur de 38 personnels, les autres contributions sont les suivantes; France (26), Italie (18), Portugal (15) et l’Allemagne (13) .
L’instruction se déroulera au camp de Bihanga ou l’union européenne prépare l’arrivée des formateurs et des recrues en construisant des infrastructures.