17/08/10 (B565) Les guerres « au scalpel » des USA – Les guerres «au scalpel» d’Obama contre al-Qaida – La guerre contre le terrorisme passe en mode furtif (2 articles)
_________________________ 2 – Le Figaro
Les guerres «au scalpel» d’Obama contre al-Qaida
Par Renaud Girard
Du Yémen à la Somalie, il privilégie les opérations secrètes menées par la CIA.
Le 25 mai dernier, une frappe aérienne américaine secrète visa au Yémen, dans un coin de désert perdu de la province de Marib, un groupe d’agents opérationnels d’al-Qaida. Elle ne tarda pas à être connue, en raison d’une bavure. Sans doute à la suite d’un échange défectueux d’informations entre les autorités américaines et yéménites, le gouverneur adjoint de la province fut tué dans le bombardement. Cette personnalité du cru, respectée par la population locale, était partie en mission auprès du groupe d’al-Qaida, espérant le persuader de renoncer à la guerre. Laissant éclater sa colère en privé à l’égard de ses alliés américains, le président yéménite, Ali Abdullah Saleh, endossa néanmoins la responsabilité du raid, et paya le prix du sang à la tribu d’origine du gouverneur adjoint.
Au cours de l’été 2009, alors que Barack Obama s’éternisait à répondre aux demandes de renforts exprimées par ses généraux en Afghanistan, les commentateurs s’étaient mis à évoquer la «cartérisation» du nouveau président démocrate. Carter, président de 1976 à 1980, incarnation d’un angélisme droit-de-l’hommiste, responsable du déclin de l’influence américaine au Moyen-Orient et en Amérique latine. À l’examen des faits, la vision d’un Obama pacifiste et «soft» (doux) envers le terrorisme est loin d’être avérée. Simplement, la guerre qu’il mène à al-Qaida est une guerre secrète, principalement confiée à la CIA.
Un scalpel fait moins de dommages collatéraux qu’un marteau
«Pour la première fois dans notre histoire, une organisation nous a déclaré une guerre secrète. Nous lui répondons de la même manière, en utilisant les meilleurs outils clandestins de la puissance américaine», a confié au New York Times le député démocrate Adam Smith, membre à la fois de la commission des Forces armées et de la commission du Renseignement de la chambre des Représentants. Assermenté, le parlementaire a accès à la plupart des documents classés secret-défense de l’exécutif.
À la Maison-Blanche, le suivi de cette guerre secrète a été confié à John Brennan, le conseiller du président en matière de contre-terrorisme. Ancien de la Direction des opérations de la CIA, ancien chef de la station «Moyen-Orient», ancien numéro 2 de la grande agence de Langley, Brennan n’est pas vraiment né de la dernière pluie. Lors d’une conférence qu’il donna à un think-tank (groupe de réflexion stratégique) de Washington en mai dernier, Brennan expliqua que, dans sa guerre au terrorisme, l’Amérique était passée d’une stratégie du «marteau» à une stratégie du «scalpel». Un scalpel a bien sûr l’avantage de faire beaucoup moins de bruit et de «dégâts collatéraux» qu’un marteau.
Cette stratégie, qui jouit d’un soutien bipartisan au Congrès, a totalement répudié celle des néoconservateurs à la Paul Wolfowitz, où le combat contre le terrorisme islamiste passait par des «changements de régime» et par l’occupation militaire de pays étrangers et lointains.
Le fait est bien connu qu’Obama a, dès sa prise de fonctions, accru les opérations de la CIA dans les zones tribales pakistanaises, fondées sur l’exécution «ciblée» de responsables d’al-Qaida, à coups de missiles Hellfire largués par des drones en vol stationnaire. Mais l’épisode du terroriste nigérian arrêté le 25 décembre dernier (alors qu’il s’apprêtait à faire exploser un avion civil sur une ligne transatlantique) a démontré que les complots contre le territoire américain n’étaient plus exclusivement ourdis autour de l’Hindu Kuch. Non seulement les réseaux d’al-Qaida en Afghanistan ont été démantelés dès la fin de l’année 2001, mais ses réseaux pakistanais sont aujourd’hui très handicapés par l’intensification de la coopération entre le Pentagone et l’état-major du général Kayani, chef de l’armée d’Islamabad.
Efficacité à démontrer
D’autres terres d’islam, jouissant d’un contrôle étatique faible ou inexistant, sont devenues le refuge des plus irréductibles ennemis de la civilisation occidentale. Les terroristes les plus dangereux résident maintenant en Somalie ou au Yémen (lieu de villégiature des responsables d’al-Qaida qui manipulaient le Nigérian), où ils ont tout loisir pour s’entraîner. Au cours des dix derniers mois, la CIA a monté, à partir du Kenya, plusieurs raids secrets vers le territoire somalien, pour tenter d’y tuer des militants du djihadisme planétaire.
Avant la «bavure» du 25 mai, d’autres frappes américaines ciblées avaient eu lieu au Yémen, avec des résultats mitigés. En décembre, un bombardement à la bombe à fragmentation (cluster bombs, théoriquement interdites par les conventions de Genève) avait rasé un camp d’entraînement d’al-Qaida dans le désert. Mais les éclats n’avaient pas épargné un camp de nomades voisin. Rompu à la guerre médiatique, al-Qaida avait immédiatement fait des images vidéo de corps de femmes et d’enfants ensanglantés, pour les diffuser ensuite sur la chaîne satellitaire qatarie al-Jezira, afin d’alimenter l’antiaméricanisme dans la région.
Les déserts du Yémen ou de la Somalie ne constituent toutefois que des espaces de recrutement mineurs pour les chefs d’al-Qaida. Le cyberespace est devenu le principal champ de recrutement des apprentis terroristes. «Lors des attentats du 11 septembre 2001, il n’existait sur le Web qu’une quinzaine de sites islamistes violents. Il y en a aujourd’hui des milliers à travers la planète!», a expliqué au Figaro l’ancien reporter de guerre Arnaud de Borchgrave, aujourd’hui chef d’un département spécialisé sur le Pakistan au sein du prestigieux think-tank CSIS. «Brennan a eu l’intelligence de le comprendre, et il a fait du contrôle du cyberespace la priorité de nos agences de renseignement.»
Le problème pour la Maison-Blanche est que ces guerres secrètes n’ont pas encore apporté la preuve de leur efficacité. À Washington, on se demande toujours si elles affaiblissent l’ennemi islamiste ou si, au contraire, elles en nourrissent le recrutement. L’exemple du Yémen, où l’ambassade américaine est bourrée d’agents de la CIA, n’est pas encourageant. Personne ne peut dire qu’al-Qaida y est moins forte qu’en octobre 2000, époque où elle attaqua, avec une barque piégée, dans le port d’Aden, le destroyer USS Cole (17 marins américains tués).
La réalité est que l’Amérique, neuf ans après le traumatisme du 11 Septembre, n’a toujours pas trouvé la réponse adéquate à la haine islamiste dont elle est la victime.
_________________________ 1 – RTL Info (Belgique)
La guerre contre le terrorisme passe en mode furtif
Depuis le début de l’année, la CIA multiplie les missions secrètes pour combattre les forces d’Al-Qaida et ses alliés.
Ce lundi, le New York Times a publié un entretien avec le chef de la lutte anti-terroriste aux Etats-Unis, John Banner. D’importantes révélations sont faites sur des missions secrètes menées par la CIA. Les services secrets américains ont lancé ces derniers mois de nombreuses attaques officieuses dans une douzaine de pays en Afrique et en Asie.
Des attaques d’un bout à l’autre de l’Orient
Les Etats-Unis frappent partout où ils soupçonnent pouvoir trouver des factions d’Al-Qaida : au Pakistan, en Somalie, au Kenya et même en Algérie avec l’aide des services français. Les autorités américaines n’ont pour l’instant pas accepté la responsabilité d’aucune des attaques perpétrées. Tous les moyens sont mis en uvre: opérations d’espionnage, groupes commandos et engagement d’espions locaux.
Des missions à hauts risques
Les troupes impliquées dans ces attaques risquent de ne pas être protégées par la convention de Genève. Aussi, ces attaques ciblant des groupes restreints engendrent des ripostes organisées. Lors d’une récente frappe au Yemen qui avait coûté la vie d’un innocent, la population s’était vengée en détruisant un oléoduc. Aussi, la mission étant secrète, le président yéménite, Ali Abdullah Saleh, avait dû prendre la responsabilité de l’attaque et dédommager la tribu ainsi qu’Al-Qaida pour éviter d’autres ripostes.
Des opérations au « scalpel »
La motivation de Barack Obama est double. Le coût financier de la guerre plus traditionnelle’ rend le président américain très impopulaire auprès des électeurs américains. Les dégâts causés auprès des populations engendrent une radicalisation de leur colère. C’est pour cela que le conseiller à la lutte anti-terroriste du président américain souhaite passer à une stratégie de frappes chirurgicales, « au scalpel ».