15/07/2011 (B612) Si les populations Gadabourci de Djibouti sont empêchées de procéder au choix et à l’élection de leur Ougass, pourquoi ne commencent-elles pas le processus sur leus terres ancestrales à l’image des Issa. (Lecteur)

_________________________ Note de l’ARDHD

Il ne nous appartient pas de prendre parti dans une décision qui concerne une communauté établie à Djibouti et qui a subi le harcèlement sauvage ordonné par le premier policier du pays, devenu ensuite Président de la République.

L’ARDHD, nous le rappelons, n’a pas vocation non plus à se substituer aux différents forums qui sont animés par les communautés djiboutiennes en publiant des messages, puis des réponses, puis des messages aux réponses….

Une fois n’est pas coutume, nous publions cette contribution d’un lecteur pour deux raisons : parce qu’il n’est pas polémique et qu’il propose une solution pour pallier un interdit gouvernemental (solution dont nous ne pouvons pas dire, si elle est réaliste ou non) et ensuite parce qu’il joint un texte intéressant sur l’histoire et la désignation de l’Ougas des Issas.

______________________________ 1 – Contribution d’un lecteur

Il faut s’éloigner de IOG et de sa bande.

Je suis favorable à cette idée de choisir et de désigner l’Ougaas des Gadarbourci.

Pourquoi ne pas commencer ce long processus, sur les terres que mes chers frères Gadarbourci controllent ?

1°) La question de l’intronisation d’un Ougaas a toujours été une affaire de tradition. Elle commence dans la brousse. Ce sont d’abord les sages qui effectuent un premier choix en fonction des valeurs ancestrales. Ce n’est qu’ensuite que les citadins sont impliqués.

Il faut respecter l’esprit de la tradition :

  • Designer le lieu historique de l’intronisation de l’Ougaas
  • Choisir le comité des sages qui fera respecter les règles de l’intronisation de l’Ougaas.

Le clan Gadarbourci doit être représenté par ses sages.

2°) Depuis quand ce serait aux élites de décider le sort d’un Ougaas ? Pour éviter que l’Ougaas des Gadarbourci ne soit pris en otage par de fausses élites, il est impératif que le processus se déroule loin d’IOG et de sa bande.

Je joins un article qui m’a inspiré et qui peut vous donner une idée : Comment éviter le piège de IOG ?

Mes chers frères, suivez vos traditions !

_____________________________ Article sur l’Ougas des Issas

Pourquoi le couronnement de l’Ogaas de la confédération des tribus Issa (CTI) à Zeila, plus précisément dans le maqam d’Ibrahim Zeyli-î ?Par Mohamed Houssein Doualé.

Après le lancement de la recherche du nouvel Ugaas en fonction des signes et critères de choix bien déterminés, la prise de l’Ugaas ou le « rapt » selon la formule consacrée et le voyage initiatique (découverte du peuple et du pays, sorte de pèlerinage), l’intronisation ou le couronnement se déroule à Zeila, dans le lieu dit « maqam Ibrahim Zeyli-ï ». Dans cette note, comme indique le titre, on va tenter de répondre, ou trouver un début d’éléments de réponse, à la question du couronnement à Zeila et au sanctuaire d’Ibrahim Zeyli’ï.

Il est nécessaire, pour les générations actuelles et celles à venir, de connaître les raisons pour lesquelles le long périple entamé à Warouf (arrêt de la liste des sélectionnés) se termine à Zeila. Qu’est-ce que cette ville a de particulier ? Que représente-t-elle ? Et pourquoi spécialement le couronnement se passe dans le mausolée d’Ibrahim Zeyli’ï ? Qui est-il ? Mais avant d’entrer dans le vif du sujet, rappelons les Caractéristiques de la royauté issa. Caractéristiques de la royauté La succession de l’Ugaas n’est ni héréditaire, ni alternance héréditaire (comme entre les Bourhanto et les Dinité du Sultanat de Tadjourah), ni élective.

C’est un long processus qui fait intervenir aussi le mystère (astrologie, rêves…).

Néanmoins, l’Ugaas est toujours choisi parmi les membres d’une seule tribu de la CTI, plus exactement dans un clan et un sous clan. L’Ugaas a un pouvoir symbolique, il a un rôle de garant du « Xeer ». Il n’exerce aucun pouvoir temporel, ne dispose d’aucune force coercitive. Un notable Issa dira, selon Françoise Bertin dans « L’Ogass des Issas » du Pount de juillet 1973, « son rôle est de faire tomber la pluie pour permettre à nos troupeaux de subsister, et non de nous commander ».

L’ « Ugaas u gudoonshaaye ma goyo », il règne mais ne gouverne pas.

Il bénit les décisions des assemblées mais ne tranche pas. Il n’a aucun privilège sur ses sujets et a d’obligations ! La loi ou XEER reconnait à l’Ugaas trois attributs : sert d’arbitre dans les conflits, maintient la paix et l’unité au sein de la confédération, prie sans arrêt pour son peuple et bénit les décisions des assemblées (guddi et gandé).

En effet, il n’a aucun pouvoir !

Ali M. Iyeh dira que c’est conforme à la philosophie du pouvoir du XEER car le pouvoir est « piégé » et segmenté. Ce pouvoir est entre les clans, les assemblées (Gandé, Guddi) et l’Ogaas. Celui de l’Ugaas est purement symbolique. D’ailleurs, l’Ugaas peut être destitué s’il échoue dans le maintien de la paix et de l’unité ainsi que dans ses prières. Des exemples existent et la destitution est aussi cérémoniale que l’intronisation !

La dernière destitution en date est celle d’Ugaas Gouled Robleh en 1896 ou 1897. D’après le témoignage du dernier Ougas Hassan Hersi, celui-ci a été capturé en 1928 (un an après le décès de l’Ougas Waiss Omar dans une prison à Harar) et intronisé Ougas en 1932 à Zeila, dans le maqam Ibrahim Zeyli’i. Zeila L’origine de Zeila (Zayla’) est inconnue.

Des voyageurs comme Al-Idrisi le mentionnent. Al-‘Umari (1342-1349) écrit : « c’est là le pays que l’on appelle en Egypte et en Syrie pays Zeila : ce n’est pourtant qu’une de leurs villes sur la mer et une de leurs îles dont le nom s’est étendu à l’ensemble. Le roi d’Ifat règne sur Zeila : c’est le nom du port où abordent les marchands qui se rendent dans ce royaume. » Zeila est le port par lequel on voyageait vers le monde islamique-arabe. (Maqrizi 1364-1442).

Zeila est depuis longtemps cosmopolite, habitée par des musulmans de la Corne.

C’est à partir de 1585 qu’on y trouve des Somalis. Zeila correspond en afar à la zone côtière au sud du Golfe de Tadjourah, de Wea à Zeila. La diffusion de l’islam, au nord de la Corne de l’Afrique, s’est faite sans heurts à partir des îles Dahlak, sur la côte nord de l’Erythrée et de Zeyla au sud. Zeila est à 270 km de Harar, « la ville des amis de Dieu » ou la 4ème ville sainte de l’islam (82 mosquées dont les 1ères datent du 10-12ème siècle, autant des sanctuaires et « zawiyas » portant des noms des saints).

Harar-Zeyla, centres de diffusion de l’islam prosélyte pour toute la sous région, dès les VIIIe ou IXe siècles. La ville de Harar, fondée peut-être dès le VIIIème siècle, est le point de départ d’un mouvement de prosélytisme en direction du sud-ouest. Ifat, un des émirats musulmans de la Corne, est en contact avec le monde arabe, via le port de Zeyla. Zeyla n’est jamais mentionné comme la capitale d’un des royaumes musulmans de la Corne d’Afrique.

Au 16ème siècle, à l’époque de l’ascension d’Ahmed Ibrahim, dit « Gaucher », Balaw ou Balawi d’origine, un groupe des Bedjas arabisés, aujourd’hui transformé (Balawta) ou disparu, est prépondérant à Zeila et au Harar. Les transformations s’opèrent après les morts successifs de l’Imam Ahmed Gran et de Nur al-Mujahid, bâtisseur du Jugol de Harar au 16ème siècle, suivis des invasions Oromos.

En 1630 Zeyla passe sous le contrôle de Mokha d’où sont installés les Turcs de l’empire Ottomane. Ainsi, assez brièvement, Zeila, « cadette » de Tadjourah, Harar capitale du Sultanat d’Adal en 1520-1577, est au début du 17ème siècle au centre des nouvelles configurations politiques et géographiques de la région. Fin de la période d’euphorie islamique, fin « des coalitions musulmanes des basses terres » par opposition traditionnelle aux hauts plateaux chrétiens ou disparition de l’entité politique multipolaire et multiethnique d’Adal, les anciennes alliances font place à des nouvelles recompositions territoriales et divisions claniques ou encore retribalisations.

C’est à cette période qu’apparaissent les confédérations des tribus Issas.

Le nouveau contrat socio-politique ou « XEER » est le résultat du vécu du passé. Les valeurs (paix, égalité, société de droit, pouvoir partagé) et les symboles d’hier sont intégrés tout en évitant les faiblesses qui ont conduit aux pertes connues : autoritarisme, croyances politisées… Le contrat XEER s’inspire de l’islam, de son droit et de ses théories politiques qui devaient nourrir les débats dans les milieux d’érudits à Zeila. Non seulement, les valeurs considérées comme fondatrices (islam) sont préservées. Mais aussi, les pères, comme Cheick Ibrahim Abû Zaharbui ou alias Ibrahim Zeyli-î sont honorés lors des couronnements des guides des différentes communautés tribales. Cheick Ibrahim Abû Zaharbui ou Ibrahim Zeyli-î.

Cheick Ibrahim Abu Zaharbui est un saint de Harar mort à Zeila. L’on appelle également Mahammad Darbên. A Harar, une mosquée « aw Zerbeyta » et un maqam « aw Zerbeyta Muhammad » existent, à proximité de la porte « Suqutat Bari », dans l’un de cinq quartiers traditionnels dans l’enceinte du « Jugol » (mur, construit au 16ème siècle). Le terme « aw » enrôle Cheick Ibrahim Zerbey dans le club des pères fondateurs de la ville de Harar. Dans le Madinat-al-awliya [Harar], Ibrahim Zerbey comme Cheick Abadir, saint patron de Harar, font partie de 44 wali qui se sont réunis à awliya-Kombo ( ?) pour diffuser l’islam dans la région.

Certaines sources affirment que Cheik Ibrahim Zeyli-ï (originaire de Hadramawt) a parcouru Harar au 15ème siècle (1430), qu’il a introduit le qat au Yémen. Par ailleurs, Abu Bakr Ibrahim Shehem dit Abu Bakr Pacha est enterré à côté de la tombe Ibrahim Zerbey. La tombe de ce dernier est visitée par les Afars, probablement, et surtout, par les Sek-Mahammado de Mabla (descendants de Muhammad Darben).

Comme les événements sur l’Ugaas commencent à Warouf, Ibrahim Zeyli-î n’est pas Ibrahim Warufi (vivant au 17ème siècle) enterré à Warouf. C’est à Warouf, en effet, que le Gandé et le Guddi spécial, chargés de la programmation et du calendrier depuis la recherche à l’intronisation, s’installe, loin tout regard.

Enfin, parmi les plusieurs cheiks, 405 cheiks pour diffuser l’islam selon la tradition, pourquoi le sacre de l’Ogaas des confédérations des tribus Issas se fait dans le sanctuaire du maqam ?