31/08/2013 (Brève 194) ALERTE ROUGE – RTL(BE) Le Belge Mohamed Saleh pourrait-il être tué à Djibouti ? (Article du 27 août)

Mohamed Saleh Alhoumekani, un belgo-yéméno-djiboutien opposé au régime en place à Djibouti, a été arrêté samedi au Yémen. Le président d’une association qui suit de près la situation dans ce pays, Dimitri Verdonck -par ailleurs un ami de la famille de M. Saleh- craint une extradition de l’opposant vers Djibouti… où il est considéré comme un ennemi à éliminer par le pouvoir en place. Car si le Yémen n’extrade pas ses ressortissants, Djibouti serait en train de tenter de corrompre les Yéménites.

« Le général de l’armée djiboutienne est arrivé au Yémen dimanche soir déjà. En ce moment, M. Saleh y est sous la garde d’une quinzaine de soldats djiboutiens. Si le Yémen sent qu’il n’y a pas une trop grosse pression européenne pour protéger M. Saleh, il sera extradé à Djibouti. Se retrouver là, c’est la mort assurée. » Voilà l’appel à l’aide que M. Verdonck, le président de l’Association Cultures et Progrès (ACP), a confié à la rédaction de RTLinfo.be, deux jours après avoir médiatisé l’affaire.

Pourquoi est-il urgent de bouger?

L’urgence, elle vient de la présence sur place de hauts dignitaires de l’armée djiboutienne, qui font pression sur le Yémen, et du manque d’implication des Affaires étrangères belges pour réagir et sauver leur ressortissant, selon M. Verdonck. « J’avais été chargé par famille de voir quoi ce qu’on pouvait faire avec les Affaires étrangères et je viens d’apprendre qu’ils ne seraient pas très très chauds pour réclamer le retour en Belgique de cet opposant », explique-t-il.

La Belgique pieds et poings liés

L’arrestation de M. Saleh a bien été confirmée par les Affaires étrangères et un consul honoraire au Yémen ainsi que l’ambassade belge à Riyad en Arabie saoudite ont été saisis du dossier. Mais la diplomatie belge se révèle impuissante dans ce cas-ci, explique Henrik Van de Velde, le porte-parole des Affaires étrangères, à RTLinfo.be. En effet, puisque M. Saleh a également la nationalité yéménite, la Belgique se doit de suivre « un principe international ». « Il n’est pas possible pour nous d’offrir une assistance consulaire à un ressortissant belge qui aurait la double nationalité et serait emprisonné dans le pays » de son autre nationalité. « Ça limite notre capacité d’intervention », explique-t-il.

Au niveau diplomatique, le sort de M. Saleh est donc entre les mains du Yémen. A tel point qu’en Belgique, »nous ne connaissons pas le motif d’inculpation » pour lequel Mohamed Saleh a été arrêté. Le Yémen et Djibouti considérant, à juste titre donc, que notre pays n’a pas son mot à dire dans cette affaire.

Pourquoi risque-t-il la mort ?

« Il est le principal témoin à charge contre le président dans l’affaire Borrel », explique M. Verdonck. Mohamed Saleh Alhoumekani avait en effet témoigné dans l’affaire « Borrel », du nom du juge français assassiné à Djibouti en 1995. Officier dans la garde républicaine, il avait témoigné auprès des autorités judiciaires françaises des faits dont il avait eu connaissance à propos de l’assassinat à Djibouti du juge Bernard Borrel, en octobre 1995.

Djibouti a conclu à un suicide mais l’enquête française menée à Paris par la juge Sophie Clément privilégie la thèse d’un assassinat. Des témoignages dont celui de Mohamed Saleh mettent directement en cause le président de Djibouti, Ismaël Omar Guelleh, et son entourage.

Visiblement victime de violences

Mohamed Saleh Alhoumekani avait d’ailleurs été condamné par contumace à Djibouti pour dénonciations calomnieuses dans le cadre de cette affaire. C’est suite à cette condamnation qu’il avait fui son pays et sollicité l’asile en Belgique en 2007 où il a obtenu la nationalité belge. 

Un mandat d’arrêt international a été lancé par Djibouti quand le pays a appris la présence de M. Saleh au Yémen voisin, pays dont il est originaire. Il a été interpellé samedi à l’hôtel Hotel Move’n Pick à Sanaa. Un cousin de l’opposant a pu rencontrer ce dernier dimanche dans un local de la brigade criminelle. Il se trouvait « en slip et présentait des hématomes », d’après le président de l’ACP. « La famille est désemparée. Sa femme en Belgique devient folle et veut que la Belgique fasse de l’aide à son mari une urgence absolue », selon M. Verdonck.

« Le Yémen n’extrade pas ses ressortissants »

Mais du côté belge, tout a été fait. Si la famille craint le pire pour Mohamed Saleh, sa nationalité yéménite est en réalité sa planche de salut. En effet, selon M. Van de Velde, « l’article 45 de la constitution du Yémen interdit l’extradition » de ses ressortissants. « L’urgence n’est plus là », conclut-il.

Djibouti serait en train de tenter de corrompre le Yémen

Mais pour M. Verdonck, une question se pose: Pourquoi est-il dès lors toujours détenu? « Le souci, c’est ce qui va arriver maintenant. M. Saleh est toujours emprisonné mais n’a plus aucune raison de l’être. Soit le Yémen ne l’extrade pas et il est libéré, soit le Yémen l’extrade et il reste en prison ». Et selon des proches de M. Saleh sur place, cités par M. Verdonck, Djibouti tiendrait tellement à récupérer l’opposant que le pouvoir d’Ismaël Omar Guelleh serait actuellement en train de tenter de corrompre financièrement le pouvoir yéménite.

Les médias surveillent la réaction du Yémen

M. Verdonck garde cependant espoir. Selon des associations humanitaires connaissaint bien ce pays de la péninsule arabique, le Yémen n’a jamais fait d’entorse à sa constitution concernant des extraditions. En attendant, les projecteurs des médias belges, français et africains sont tournés vers le Yémen. La famille de M. Saleh attend désormais la libération de l’opposant dans un mélange d’espoir et de crainte.