09/10/2013 (Brève 279) Des détails sur la libération de Mohamed Alhoumékani que nous avons pu joindre par téléphone.

Nous avons pu joindre Mohamed Alhoumékani, ce mercredi et il nous a donné des informations sur sa détention et sur sa situation après sa libération hier mardi de la prison centrale de Sanaa.

Durant la première semaine qui a suivi son arrestation sur l’aéroport de Sanaa, Mohamed Alhoumékani avait été soumis à un règime « très sèvère » au sein de la prison de Sanaa. Isolement complet, brimades et probablement sévices, ce qui confirme l’alerte que nous avions lancée à propos de mauvais traitements possibles.

Après plusieurs jours passés dans ces conditions (comme disent les policiers français « pour attendrir la viande »), il a reçu la visite d’une haute personnalité djiboutienne, qui
a tenté de nouveau d’obtenir qu’il revienne sur son témoignage dans l’affaire Borrel, en échange de sa libération immédiate. Il a refusé de changer une virgule, position qu’il avait toujours maintenu et qu’il maintient contre vents et marées jusqu’à sa libération hier.

Ensuite, il a bénéficié d’un régime « assoupli », proche de la normale dans la prison centrale de Sanaa. Bien que les juges aient estimé à deux reprises que les accusations présentées par Djibouti, même complétées de nouveaux délits inventés au fil du temps, ne tenaient pas la route, le Procureur a toujours botté en touche, en ne prenant pas la décision de libération.

Dès le début de l’affaire la tribu d’Alhoumékani a considéré que Mohamed était un otage et elle a joué un rôle fondamental, augmentant la pression pour contrebalancer les promesses financières de Guelleh, présentées par les différents intermédiaires qui se sont succédés à Sanaa et dont nous avions évoqué la présence. Aux promesses financières, il faut certainement ajouter une opération de chantage sur des établissements yéménites à Djibouti…?

Hier, comme, elle l’avait annoncé dans la presse (nous avions publié l’information), la tribu a décidé que Mohamed serait libéré. Ce sont 5.000 hommes armés qui sont venus encercler la prison. 5.000 autres étaient prêt à les rejoindre et Mohamed a cité le nombre de 25.000 hommes au total, susceptibles de venir en renfort.

Face à cette démonstration et sachant que le Yémen n’avait rien à lui reprocher, le Président yéménite s’est enfin décidé à confirmer l’ordre de libération. Mohamed est sorti de la prison dans le calme, accueilli par sa tribu et les nombreuses banderolles que l’on peut voir sur les photos ci-dessous. La tribu avait menacé, au final, de couper tout l’approvisionnement qui passe du nord vers le sud du pays.

Mohamed Alhoumekani nous a confirmé qu’il a reçu, durant sa séquestration, la visite de nombreux émissaires djiboutiens qui demandaient à chaque fois, le reniement de son témoignage. Pour le moment, il ne nous appartient pas de dévoiler leurs identités qui sont en notre possession, mais ils se reconnaîtront et nous pouvons espérer que la Justice française les convoquera pour les entendre dans une nouvelle tentative de subornation de témoin… Cela pourrait concerner aussi plusieurs personnalités yéménites.

Pour preuve de sa bonne foi, Mohamed Alhoumékani a remis plusieurs documents à la justice yéménite, documents écrits et copies des enregistrements audio de conversations avec Grandes Oreilles, le Procureur Djama (et d’autres),
au cours desquels ils tentaient d’obtenir sa rétractation…

Guelleh a perdu son épreuve de force. A Djibouti, on parle de mettre en marche un plan B. S’agirait-il de l’assassinat programmé de Mohamed Alhoumékani ? Pour le moment il se repose au sein de sa tribu dans un village
et il est protégé par de nombreux hommes armés, qui garantissent sa sécurité, au cas où Guelleh entretiendrait encore l’espoir de mettre fin à ses jours …. (Sait-on jamais ?)

La tribu de Mohamed Alhoumékani occupe une vaste zone qui est stratégique parce qu’elle contrôle le passage des marchandises et du pétrole du nord vers le sud. Tout blocage à partir de Sa’dah priverait la capitale et une grande partie du pays de ses approvisionnements, ce qui aurait des conséquences graves.