19/06/2014 (Brève 401) Mohamed Alhoumékani convoqué par la justice française dans le cadre de l’instruction pour l’assassinat du juge Borrel .. (J-L Schaal / ARDHD)

Nous avons appris que Mohamed Alhoumékani allait recevoir une convocation pour se présenter à Paris et apporter son témoignage devant les juges en charge de l’instruction pour l’assassinat du juge Bernard Borrel à Djibouti en octobre 1995.

Ce n’est pas la première fois qu’Alhoumékani sera entendu par des magistrats français. L’instruction dure depuis près de 20 ans !! Plusieurs magistrats se sont succédés sur le dossier, dont en premier, Mme Moracchini et M. Le Loire, qui avaient été dessaisis du dossier, fait rarissime, après avoir organisé une reconstitution à Djibouti sans la présence des parties civiles.

L’instruction a connu, semble-t-il, des hauts et des bas, des périodes d’activité, des périodes de silence et des périodes de tension diplomatique entre Paris et Djibouti. L’instruction avait d’abord été conduite pour rechercher les causes d’un suicide improbable, thèse soutenue par les deux premiers magistrats et confortée par une expertise signée par le Pr Lecomte de l’institut médico légal de Paris (qui a reconnu ensuite, n’avoir donné son avis, qu’au vue des pièces ???), Ensuite, grâce à la persévérance du juge Parlos, une nouvelle expertise médicale a prouvé que le juge n’avait pas pu se suicider, puisqu’il présentait un « trou » derrière le crâne, ce qui n’avait pas été décelé à l’hôpital Bouffard, quand le corps du magistrat a moitié carbonisé y avait été examiné (?????)

Finalement, peu après la prise de fonction de N. Sarkozy, le procureur de Paris avait enfin reconnu en 2007 que l’instruction était conduite désormais pour assassinat …

La responsabilité du régime djiboutien a toujours été pointée du doigt dans cette affaire et le témoignage d’Alhoumékani, dés les années 2000, avait confirmé qu’il s’agissait bien d’un assassinat et que la Présidence djiboutienne était au courant au plus haut niveau, sans pourtant ne désigner aucun coupable ni de la commandite du crime, ni de son exécution.

Deux question se posent aujourd’hui.

A) La première est de savoir si Alhoumékani acceptera de se rendre à cette convocation. Sa famille et lui-même ont payé cher son témoignage : bannissement pendant six mois de sa mère âgée et de ses proches, qui avaient été jeté dans un avion en partance pour Sanaa, sans valises ni documents d’identité (ils y sont restés durant six mois), puis en août 2013, l’arrestation de Mohamed à Sanaa, son incarcération à la demande des autorités djiboutiennes pour des motifs ahurissants, sa libération de prison dans le calme, mais sous la protection des membres armés de sa puissante tribu et finalement son « évasion » à la barbe des services yéménites.

Il est intéressant de noter, dans ces différentes affaires et dans d’autres (comme de multiples tentatives d’intimidation et de subornation commises sur le sol belge, par le procureur djiboutien « grandes oreilles ») que la France n’est jamais intervenue pour lui apporter la moindre protection, ni même un soutien aussi minime soit-il …. alors que Mohamed Alhoumékani est considéré comme un témoin clef pour la justice française qui enquête, rappelons-le sur l’assassinat à l’étranger d’un magistrat français en exercice.

On pourrait comprendre, dans ces conditions, que Mohamed Alhoumékani n’ait pas très envie de rendre service à la justice d’un pays qui n’a jamais rien fait pour lui … Mais de l’autre côté, nous savons, puisqu’il l’a dit à plusieurs reprises, qu’il souhaite que la vérité éclate au grand jour et qu’il a toujours apporté un soutien sans faille à Elisabeth Borrel et à ses enfants.

Pour qui sonne le glas ?

La seconde question est de savoir pourquoi l’instruction est relancée aujourd’hui ?
Est-ce la maladie (qui est probablement très grave) de Guelleh, maladie au sujet de laquelle, de multiples rumeurs circulent ? Cela veut-il dire que la France considère que la fin d’IOG est proche et qu’elle peut donc relancer sereinement la recherche des véritables commanditaires du crime sans ne craindre un nouvel incident diplomatique avec le Président actuel, qui serait, dit-on, dans l’incapacité d’exercer temporairement ou définitivement son autorité ?

Voilà des questions auxquelles nous sommes incapables de répondre, mais les faits sont là.

A propos de l’exercice du pouvoir, comme nous l’avions déjà écrit, c’est le Général Zakaria qui détiendrait actuellement l’autorité. Des tractations seraient engagées en vue d’assurer la succession. D’un côté, nous avons les différentes personnalités qui ont soutenu le régime de Gouled, puis de Guelleh, de l’autre, les responsables des différentes tribus et enfin des hommes qui ont la force avec eux, comme Zakaria, patron des forces armées ou Hassan Saïd, chef du SDS.

Comme toujours la diplomatie française semble avoir encore la possibilité de donner son avis. Zakaria aurait été refusé catégoriquement par Paris. Hassan Saïd ne semble pas souhaiter occuper le fauteuil princier et de toutes les façons, il pourrait être recherché pour une implication éventuelle dans l’assassinat du juge Borrel et dans d’autres affaires non élucidées.

En attendant d’avoir d’autres informations, à la fois sur la décision d’Alhoumékani de se rendre ou non chez les juges et sur les raisons de la relance de l’instruction Borrel, en particulier, le lien avec l’état de santé de Guelleh, nous laissons cette page ouverte.

Au final, nous regrettons que l’opposition djiboutienne, qui connaît la situation du tenant du titre, ne mette pas en avant un candidat de qualité issu de ses rangs, une feuille de route pour conduire la période d’alternance entre dictature et démocratie et un programme de gouvernement pour assurer la conduite du pays et sa reconstruction sur tous les plans : finances, social, politique, judiciaires, éducatif, etc..

Faute de quoi, le risque d’un éclatement et d’un embrasement comme en Somalie existe et les responsables de l’opposition ne pourront pas dire qu’ils l’ignoraient.