21/10/2015 (Brève 491) METRONEWS / ENIGME – Le 19 octobre 1995, le corps calciné du juge français Bernard Borrel est découvert en partie calciné à Djibouti.
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Au terme de 18 ans d’instruction, le mystère plane toujours sur l’assassinat du magistrat. Malgré les difficultés de l’instruction sur ce qui s’apparente à une affaire d’Etat, les proches du juge Borrel ne désarment pas et saluent les dernières décisions de justice qui relancent l’enquête.
Procureur de Lisieux jusqu’en 1994, le magistrat toulousain Bernard Borrel avait obtenu un poste détaché auprès du gouvernement de Djibouti en 1995. Son corps, en partie calciné, a été le 19 octobre 1995, le lendemain du signalement de sa disparition.
Il y a vingt ans, jour pour jour, le corps du juge Borrel était retrouvé en partie dénudé et calciné au pied d’une falaise près de Djibouti-ville, dans le nord-est de l’Afrique. Deux décennies plus tard, les investigations sur cet assassinat au parfum de scandale d’Etat se poursuivent malgré les tentatives pour clore le dossier. Début septembre, la chambre d’instruction de la cour d’appel de Paris a ainsi ordonné la poursuite de l’information ouverte depuis 1997 sur la mort du magistrat.
Il s’agit de la dernière décision en date favorable à ceux qui se battent pour faire émerger la vérité dans ce dossier, à commencer par la veuve du juge, Élisabeth Borrel, elle-même magistrate. Joint par metronews, le Syndicat de la Magistrature, partie civile dans cette affaire au côté d’Elisabeth Borrel, se réjouit de la succession de décisions prises cette année par la justice, qui « donne l’impression d’un nouveau départ » dans ce dossier, commente le syndicat.
Trois décisions importantes remises cette année
En avril dernier, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné la France pour avoir violé la liberté d’expression de l’avocat d’Elisabeth Borrel, Me Olivier Morice, après que celui-ci a été condamné pour avoir critiqué l’enquête menée par les juges en charge du dossier au début des années 2000. La CEDH a notamment estimé que les « jugements de valeur » prononcés par Me Morice reposaient sur une « base factuelle suffisante ».
En outre, la CEDH a également jugé que le droit du conseil à un procès équitable avait été bafoué.
A cette décision de la justice européenne s’ajoute donc celle de la chambre d’instruction de la cour d’appel de Paris tombée début septembre, qui « donne en quelque sorte une feuille de route au juge d’instruction en lui montrant qu’il reste un certain nombre d’investigations à mener », commente le Syndicat de la Magistrature.
Selon une source proche du dossier, de nouveaux actes doivent maintenant être diligentés. Ils concernent des prélèvements ADN pour identifier une empreinte génétique inconnue retrouvée sur le short du juge en 2006, l’analyse du disque dur du magistrat, l’expertise d’une trace papillaire sur un briquet, ainsi que du carburant utilisé pour l’immolation.
Déclassifier les documents « secret Défense »
Entre-temps, la même chambre d’instruction avait pris une autre décision favorable à la continuité des investigations dans l’affaire Borrel concernant un autre volet de ce dossier volumineux, dit de « pression sur la justice ». Contre l’avis de la juge d’instruction, la cour d’appel de Paris a ordonné la poursuite de l’information ouverte sur la déclaration officielle du quai d’Orsay remontant au 29 janvier 2005 actant la transmission du dossier Borrel à la justice djiboutienne, comme demandé par cette dernière, alors même que la juge d’instruction alors en charge du dossier n’avait pas décidé de ce transfert.
Cette dernière refusera d’ailleurs d’accéder à la demande de la justice djiboutienne estimant que cette demande n’avait pour seul but que de « prendre connaissance (…) de pièces mettant en cause le procureur de la République de Djibouti ».
Au-delà de ces décisions favorables à la poursuite de l’enquête, les plaignants attendent surtout la déclassification des pièces du dossier toujours estampillées « secret Défense ».
« De ce côté-là, nous n’avons quasiment rien aujourd’hui, déplore le Syndicat. Il faut notamment que les documents couvrant l’année précédent la mort du juge Borrel soient déclassifiés, comme ceux émis durant les deux années qui ont suivi le drame. »
Soupçons sur l’implication du président djiboutien
En 1995, Bernard Borrel, 39 ans, est chargé de mission auprès du ministre djiboutien de la Justice.
Après la découverte de son corps, à 80 km de la capitale, et bien qu’aucune autopsie ne sera pratiquée, l’ambassade de France diffuse un communiqué affirmant que le magistrat s’est donné la mort. Une thèse qui, malgré les nombreuses incohérences relevées à partir de l’examen du cadavre de Bernard Borrel et du lieu où il a été retrouvé, tiendra officiellement jusqu’en 2007, date à laquelle le parquet de Paris confirmera finalement l’origine criminelle du décès.
Le témoignage d’un ancien lieutenant de la garde présidentielle djiboutienne recueilli au début des années 2000, ainsi que celui d’un ancien membre du renseignement militaire français, évoque la responsabilité de l’actuel président djiboutien, Ismaël Omar Guelleh. C’est d’ailleurs la conviction d’Elizabeth Borrel, qui estime que la mort de son époux est liée à « un crime d’État qui pourrait impliquer le président de Djibouti et des ressortissants français », rapporte l’AFP.
Plusieurs pistes n’ont cependant jamais été explorées, commente de son côté Me de Caunes, l’avocat des enfants Borrel, notamment celle d' »un trafic d’uranium enrichi impliquant responsables africains et sociétés européennes ». En outre, le juge aurait pu détenir des informations gênantes sur l’attentat du café de Paris à Djibouti en 1990, dans lequel le fils d’un militaire français a trouvé la mort.
« On connaîtra un jour les circonstances de l’assassinat.
Mais aujourd’hui, les blocages politiques restent nombreux », conclut pour sa part l’avocat d’Elisabeth Borrel, Me Morice.