23/10/03 (B217) La veuve du juge Borrel persuadée d’un « mensonge d’Etat » sur sa mort (AFP PARIS)

PARIS, 21 oct (AFP) –
Huit ans après, et de nombreuses conférences de presse plus
tard, la veuve du juge Bernard Borrel a dénoncé mardi le « mensonge
d’Etat » qui a entouré selon elle la mort du magistrat en octobre
1995 à Djibouti, sur laquelle une expertise récente renforce
la thèse de l’assassinat.

Au lendemain de la mort
de son époux, un conseiller détaché auprès du
ministère de la Justice de ce pays africain qui est aussi la première
base militaire de la France à l’étranger, la thèse du
suicide par immolation avait été privilégiée:
son corps, retrouvé à 80 km de Djibouti, était calciné.

Mais la veuve a toujours
refusé d’y croire, notamment, selon elle, parce qu’il avait travaillé
sur une enquête – concernant un attentat commis en 1990 dans ce pays
– qui aurait pu gêner les autorités en place.

Longiligne, les traits
fatigués, Mme Borrel, qui avait convoqué mardi une conférence
de presse à laquelle assistaient ses deux enfants de 16 et 13 ans,
a longuement attaqué cette justice qui a longtemps refusé d’entériner
la thèse de l’assassinat politique qu’elle défend.

« Pendant huit ans,
on nous a servi un mensonge d’Etat (…) on a cherché les mobiles d’un
suicide et on a porté atteinte à l’honneur de mon mari »,
a affirmé cette ancienne magistrate, avant de dénoncer la « conspiration
du silence », et les « menaces » qui l’ont entourée.

« Le cadre était
tracé, la justice, jusqu’à l’an 2000, a voulu construire et
habiller cette version », a-t-elle ajouté, non sans mettre en cause
deux juges français qui avaient enquêté sur l’affaire,
Roger Le Loire et Marie-Paul Moracchini, qui l’ont déjà attaquée
en justice pour ses propos.

Depuis un an, elle peut
cependant s’appuyer sur la nouvelle orientation de prise par l’enquête.

Dans un rapport définitif
réalisé après une nouvelle autopsie du juge, dont les
détails ont été diffusés mardi, trois experts
médico-légaux estiment « que l’hypothèse de l’intervention
d’un ou plusieurs tiers à l’origine du décès de Monsieur
Bernard Borrel se trouve renforcée ».

Cette expertise intervient
après un premier rapport, rendu en novembre 2002, selon lequel « l’hypothèse
d’une mort par ‘auto-agression’ à l’origine du décès
est peu plausible ».

Les experts estiment que
trois points permettent d’étayer la thèse de l’assassinat.

Ils évoquent l’existence
d’un traumatisme crânien qui aurait pu survenir à la suite d’un
coup porté par un « instrument contondant », puis ils soulignent
la présence d’une fracture à l’avant-bras qui pourrait être
une « lésion de défense », face à une agression.

Ils insistent enfin sur
la présence d’un liquide inflammable, décelée sur le
pied droit, liquide d’une autre nature que l’essence supposée être
contenue dans le bidon qui aurait servi à l’immolation, retrouvé
sur les lieux du drame.

Ils restent prudents:
« il n’est toujours pas possible d’établir formellement la cause
du décès », soulignent-ils.

Leurs conclusions tombent
cependant à pic: auparavant seuls des témoignages, dont celui
d’un ancien membre de la garde présidentielle djiboutienne, l’oppossant
exilé en Belgique Mohamed Saleh Alhoumekani, pouvaient accréditer
la thèse de l’assassinat.

Devant la veuve, un avocat
a posé un épais dossier rose où sont empilés des
documents sur l’enquête. Le dossier devrait bientôt s’enrichir
de nouvelles auditions prévues par la juge en charge du dossier et
d’une expertise sur le mystérieux liquide inflammable, ont-ils indiqué.

Pour l’instant il ne dit
toujours pas de manière catégorique si le juge Borrel a bien
été assassiné, et par qui.