09/06/05 (B301) Manifestations en Ethiopie: au moins 22 morts, un leader d’opposition assigné à résidence (AFP)

ADDIS ABEBA (AFP) – Au moins 22 personnes ont été tuées et des centaines blessées mercredi à Addis Abeba lors de heurts entre la police et les manifestants protestant contre les résultats provisoires des législatives éthiopiennes du 15 mai, qui donnent la victoire au pouvoir, a-t-on appris de sources hospitalières.

Un des leaders de l’opposition a été assigné à résidence, a annoncé mercredi soir la mission déléguée par l’Union européenne (UE) pour les législatives.

Hailu Shawel, président de la Coalition pour l’unité et la démocratie (CUD), a confirmé être assigné à résidence depuis mardi soir. Son vice-président, Berhanu Nega, est quant à lui "soumis à de fortes pressions pour qu’il ne sorte pas" de chez lui, a déclaré Ana Gomes, directrice de la mission de l’UE.

Le soir des élections, le 15 mai, le Premier ministre éthiopien sortant Meles Zenawi avait interdit pour un mois toute manifestation dans la capitale et ses environs.

Malgré cela, des centaines étudiants qui dénonçaient des fraudes électorales ont commencé à manifester lundi à Addis Abeba. Malgré une répression violence, ces manifestations n’avaient fait qu’un mort jusqu’à mercredi matin.

De nouvelles manifestations ont ensuite été beaucoup plus meurtrières: au moins 22 autres personnes ont été tuées et des centaines blessées, la plupart par balles, selon des sources hospitalières. La police a également annoncé mercredi soir 22 tués "confirmés".

Selon des témoins, la police a tiré dans la foule dans au moins trois quartiers du centre d’Addis Abeba. Les manifestants étaient armés de pierres.

Il n’était pas possible de déterminer dans l’immédiat si les victimes étaient des manifestants, des policiers, de simples piétons ou des émeutiers.

Cependant des blessés, soignés à l’hôpital Black Lion, ont affirmé à l’AFP n’être pas impliqués dans les manifestations.

"Je rentrais à la maison, un policier m’a tiré dessus dans le quartier Mercato, je ne manifestais pas", a raconté Getu, un salarié de 22 ans blessé à la jambe.

Mercredi en fin d’après-midi, le calme était revenu dans la capitale mais la situation restait tendue, a constaté une journaliste de l’AFP.

La circulation était quasi nulle dans les rues, jonchées de pierres et des débris de verre, patrouillées par d’importantes forces de sécurité armées.

Le gouvernement a justifié mercredi l’usage de la force pour faire respecter "la loi et de l’ordre" et pour "protéger la population", a déclaré à l’AFP le ministre de l’Information, Berekat Simon.

Les autorités ont donné l’ordre mercredi aux forces de sécurité de réagir "avec sévérité", selon une déclaration lue à la radio nationale (officielle).

Le gouvernement a par ailleurs une nouvelle fois accusé l’opposition d’encourager les manifestations.

Selon M. Berekat, l’une des deux principales formations de l’opposition, la Coalition pour l’unité et la démocratie (CUD), "a appelé à la désobéissance civile".

"Aujourd’hui (mercredi), certains de leurs partisans et ceux qui voulaient utiliser cette occasion pour piller se sont rassemblés dans plusieurs quartiers d’Addis", a-t-il encore dit.

"Les morts sont regrettables, mais la CUD est responsable de tout ce qui se passe parce qu’ils (les manifestants) ont violé l’interdiction de manifester", a-t-il affirmé.

La CUD a en retour accusé le gouvernement d’essayer de "terroriser la population" en réprimant par la violence les manifestations. "De telles violences peuvent conduire à un chaos incontrôlable dans le pays", a mis en garde l’opposition.

Les résultats définitifs des élections législatives en Ethiopie doivent être publiés le 8 juillet. Mais selon des résultats provisoires de la commission électorale, la coalition sortante obtient la majorité absolue des sièges.

Selon ces résultats, qui portent sur 513 des 547 circonscriptions du pays, 320 sièges reviennent au Front populaire démocratique révolutionnaire éthiopien (EPRDF, au pouvoir) et à ses alliés, et 193 sièges à l’opposition, qui n’en avait que 12 dans le Parlement sortant. Ce sont les élections les plus disputées de l’histoire de l’Ethiopie.