19/04/06 (B346-B) Le Potentiel de Kinshasa / Ethiopie: En dépit des discours politiques, la dictature prend des racines en Ethiopie (Info lecteur)

Le Potentiel (Kinshasa)

ANALYSE
17 Avril 2006
Publié sur le web le 17 Avril 2006
Pierre Emangongo
Kinshasa

Le régime du premier ministre éthiopien Meles Zenawi est, plus que jamais, mis en index à cause notamment de nombreuses violations des droits fondamentaux des citoyens.

Des arrestations de leaders politiques et de journalistes ainsi que la gestion opaque des opérations électorales sont autant d’irrégularités qui ternissent l’image de l’Ethiopie. Cet autoritarisme du pouvoir dans ce pays important de la corne de l’Afrique s’explique, selon un analyste, par un passé indépendantiste et la succession des régimes dictatoriaux. Ce qui justifie le refus d’Addis-Abeba de se plier aux diverses pressions de la communauté internationale.

L’Ethiopie s’enfonce davantage dans une dictature qui n’a pas, peut-être son équivalente dans la Corne de l’Afrique. En effet, depuis les élections législatives de l’année dernière, les partis d’opposition, les organisations non gouvernementales et la presse indépendante ont été fortement réprimés par les forces loyalistes pour avoir dénoncé les irrégularités liées aux opérations électorales.

Selon la Fédération internationale des droits de l’homme (Fidh), au moins 75 personnes ont été tuées lors des manifestations populaires de novembre dernier organisées à l’appel de la coalition des partis d pposition, la coalition pour l’unité et la démocratie (Cudp) afin de rejeter les résultats des élections législatives de mais 2005.

AU NOM DE L’ORDRE CONSTITUTIONNEL

Ces militants des partis politiques arrêtés au terme des manifestation du 1er novembre dernier ont été inculpés, selon l’Afp citant l’agence officielle de presse éthiopienne (Ena), pour avoir « tenté de démanteler l’ordre constitutionnel.

«Le ministère public a inculpé 118 individus soupçonnés d’avoir tenté de démanteler l’ordre constitutionnel en Ethiopie, après les violences organisées par le Parti de la coalition pour l’unité et la démocratie (Cudp, opposition)», selon Ena.

Ces inculpations s’ajoutent à celles visant 129 personnes – dont des dirigeants du Cudp – qui sont accusées notamment de «complot en vue de renverser par la force un gouvernement constitutionnel».

Le gouvernement éthiopien a régulièrement accusé le Cudp de fomenter des violences et de préparer un coup d’Etat depu les élections législatives de mai 2005, remportées officiellement par le pouvoir sortant, mais entachées de fraudes, selon l’opposition. Les brimades du régime Meles ne concernent pas seulement la capitale Addis-Abeba mais aussi l’Ethiopie profonde.

Dans les zones rurales, la police fédérale menace, passe à tabac et détient des partisans de l’opposition, des étudiants et des gens sans appartenance politique, rapporte Human rights watch. Outre les partis politiques, la presse indépendante est victime de nombreuses violations de liberté d’expression.

VIOLATION DE LA LIBERTE D’EXPRESSION

Près de quatre mois après que les autorités éthiopiennes eurent lancé une nouvelle série de mesures de répression contre la presse du pays, suite aux manifestations de protestation qui ont elles-mêmes suivi les élections, on constate une détérioration alarmante de l’exercice de la liberté de la presse, a indiqué un communiqué du Comité pour la protection des journalistes (Cpj), publié le 20 mars dernier. L’autocensure, ajoute le communiqué, est généralisée, les journaux critiques diminuent en nombre sur l’étendue du territoire éthiopien. Des responsables du gouvernement éthiopien ont déclaré à la délégation du Cpj que la répression était nécessaire en raison des reportages incendiaires des journalistes, qu’ils accusent d’être les agents de l’opposition.

Des journalistes locaux ont dit au Cpj que le gouvernement a rendu la couverture équilibrée impossible en se refusant à toute entrevue avec des reporters qui ont une attitude critique face au gouvernement. Ils ajoutent se heurter au harcèlement incessant du gouvernement et à des formes subtiles de censure, entre autres à des pressions exercées sur les imprimeurs pour qu’ils n’impriment pas les journaux indépendants.

LES RAISONS DE LA CULTURE DICTATORIALE

Le pouvoir totalitaire en Ethiopie s’explique, selon un analyste, par des raisons purement historiques.

Il estime que la situation de l’Ethiopie face au mouvement de la colonisation européenne du 19 ème siècle a développé dans le chef des Ethiopiens la culture de l’indépendance et de la résistance. Cet héritage historique, a-t-il fait savoir, justifie le fait que les dirigeants politiques éthiopiens ne fléchissent pas face aux pressions des institutions internationales dont l’Onu.

En outre, l’analyste estime que la chronologie politique n’est pas étrangère au comportement politique des acteurs politiques éthiopiens. De l’empere Hailé Sélassié au premier ministre Meles Zenawi passant Magistu Mariane les régimes politiques ont été caractérisés par une dictature sanguinaire.

BREVE PRESENTATION DE L’ETHIOPIE

L’Ethiopie est située dans la péninsule du Nord-Est de l’Afrique dite Corne de l’Afrique. Elle partage ses frontières avec la Somalie, le Soudan, le Kenya, la République de Djibouti et l’Érythrée. Cas unique en Afrique, l’ancienne monarchie ne fut jamais colonisée, mais occupée par l’Italie entre 1936 et 1941.

L’Italie envahit l’Éthiopie en octobre 1935 et occupa la capitale du 5 mai 1936 au 5 mai 1941.

En 1974, une junte militaire (Derg) destitua l’empereur Hailé Sélassié Ier couronné en 1930. La junte établit un État socialiste dirigé avec une main de fer par Mengistu Haïlé Maryam, qui tomba en 1991.Un régime républicain fut institué, avec une nouvelle constitution donnant des compétences accrues aux provinces, faisant de l’Ethiopie un État fédéral.

L’Erythrée déclara son indépendance en 1993 après des années de lutte armée. Une guerre éclata entre les deux pays de 1998 à 2000 faisant au minimum 80 000 morts.