20/05/06 (B351-A) En matière de « politique africaine », les intérêts d’ordre privé et la complaisance aveugle font des « amis de circonstances » ; la franche vérité nous fait des ennemis que l’on dérange forcément.(Bouh Warsama)

Dans un Tchad enrichi depuis bien des années par l’exploitation du pétrole au nord du pays, Idriss Déby a effectué ces dernières semaines sa campagne électorale pour les « présidentielles » comme s’il montait une opération à vocation guerrière. Protégé par une pléthore garde rapprochée lourdement armée et à la gâchette facile, le président tchadien autoproclamé déjà par deux fois lors de supposées élections présidentielles était candidat à sa propre succession lors d’une mascarade de scrutin le 3 mai de cette année.

Confrontés à une situation bien plus qu’explosive, opposants, majorité de la classe politique au pouvoir, religieux, opinion publique tant nationale qu’internationale, y compris l’UE, les Américains et les bailleurs de fonds internationaux ; tout le monde était d’accord quant au nécessaire report desdites élections. Tout le monde sauf Idriss Déby…et Paris… !

A l’instar de ce que fit en 2005 Ismaïl Omar Guelleh à Djibouti pour sa seconde autoproclamation, Déby s’est lancé dans une paraît-il campagne électorale et a visité pour ce faire pas moins de cinq villes en deux jours. Visité n’est pas vraiment le terme approprié car il s’y est montré tout simplement.

Entouré de militaires, lors de rapides discours le dictateur tchadien a tout promis pour « demain ».

De l’électricité aux routes en passant par les écoles et les dispensaires, il a tout promis et bien plus devant les militants de son propre parti le MPS non sans fustiger – au passage – le Soudan voisin accusé d’avoir armé les rebelles du Front Uni pour le Changement (FUC) ; rebelles qui ont effectué une incursion sanglante dans N’Djamena, le 13 avril 2006.

Depuis, ce qui fit office de campagne présidentielle fut surréaliste à l’image de ce qu’elle fut à Djibouti en avril 2005.

A l’instar d’Ismaïl Omar Guelleh, de la méthode « Diktat terreur mania » pour se maintenir au pouvoir par tous les moyens, Déby a tout compris. Il a tout promis pour demain faisant distribuer – ça et là – quelques privilèges et surtout bon nombre de coups de bâtons et de crosses de fusils, voire de tirs sur la foule des « récalcitrants ». Rien de surprenant en cela, son règne est émaillé d’arrestations arbitraires, de pillages, de viols, de tortures et de disparitions d’opposants politiques, de « bavures » couvertes par le « diplomatiquement correct » et perpétrées tout particulièrement contre les chrétiens et les animistes du sud du pays.

Exactions totalement ignorées de l’Hexagone placé dans une situation bien embarrassante car « officieusement » ce serait faute de n’avoir pas ou de pas pouvoir …dénicher un meilleur « poulain local » que Paris persiste à soutenir l’ex conseiller à la sécurité du président Hisséne Habré qu’il avait porté au pouvoir en un temps.

Depuis l’incursion rebelle du mois d’avril dans la capitale, l’heure est à la morosité, à l’angoisse quant aux lendemains mais aussi à la « chasse aux sorcières ». Il suffit de dénoncer un voisin comme agent du SCUD ou du FUC et la « police politique » fait le reste !!!. Certains Tchadiens qui en ont encore les moyens posent ouvertement la question de leur départ du pays, ce qui ne leur était pas arrivé depuis la guerre civile de 1979 qui fit tant de morts que l’on avait presque oubliés. Des commerçants prennent leurs dispositions, des familles ont déjà scolarisé leurs enfants à l’étranger ; encore faut-il avoir les moyens financiers pour le faire.

La population, qui n’a jamais vu l’argent du pétrole, assiste, impuissante et avec fatalisme aux déchirements du clan zaghawa au pouvoir, l’ethnie du président Déby.

Ajoutons à cela que le pays est tristement placé par les instances monétaires internationales dans les trois premiers rangs en Afrique …en matière de « corruption, de dilapidation des biens publics et des aides internationales ».

Quant aux avoirs financiers issus de l’exploitation du pétrole tchadien, ils sont actuellement « bloqués » pour la bonne et simple raison qu’à l’inverse de ses engagements Idriss Déby en a récemment utilisé une bonne partie. On pourrait penser qu’il a ainsi agi pour relancer l’économie, améliorer le sanitaire, le social ; globalement pour le bien être des populations ? Point du tout ! Il a utilisé cet argent tout simplement pour acheter des armes et en mettre une partie « à l’ombre »… !!!.

Dans les esprits, le sentiment dominant tout particulièrement dans la capitale est aujourd’hui celui d’un pays qui se saborde alors que dans l’administration centrale chacun puise dans les fonds publics tout ce qu’il peut encore détourner ; jusqu’aux ambulances censées être affectées à Abéché ou ailleurs dans l’arrière pays. Si certains membres du sérail pariaient, il y a quelques mois, sur un changement en douceur, plus personne n’y croit plus désormais.

Pourtant en 2001, Idriss Déby avait pris des engagements et déclarait notamment au journal Le Monde « Je ne serai pas candidat. Je ne modifierai pas la Constitution quand bien même j’aurais 100 % de la majorité ».

La Constitution qu’il fit adopter en 1996 lui interdisait alors de « briguer » un troisième mandat ….

Impossibilité constitutionnelle ?

Qu’à cela ne tienne car depuis les hommes de son propre parti – le Mouvement Pour le Salut (MPS) – ont obtenu du Parlement (dans un mouvement …spontané…sous la pression…du peuple…et dans l’intérêt de la Nation.. ) une modification de ladite constitution permettant à Idriss Déby de s’autoproclamer une troisième fois à la présidence du pays.

Bien des « choses » ont changé depuis avril 2006, face à une opposition armée qui semble (pour l’instant ?) avoir fait son unité, c’est le début de la fin du régime. La haine s’est installée dans les esprits. Une chose est sûre, à l’exception de « l’intelligentsia politique parisienne » personne ne croit et ne veut de ce régime. Oui mais même si Déby part, il est à craindre un retour à une situation de guerre civile de triste mémoire comme en 1979, dans laquelle aucune communauté ne sera capable de se mettre d’accord sur un homme pour diriger le pays.

Là encore on y retrouve bien des similitudes avec la situation qui prévaut à Djibouti.

Encore un « bon ami de la France » serait-on tenté de dire, cette France actuelle bien éloignée de l’esprit qui prévalait sous « de Gaulle » et avec une politique africaine dans laquelle l’amitié et les intérêts communs entre les pays sont relégués derrière les intérêts privés et divers.

Sauvé en 2004 par l’armée française puis par l’aviation française lors de la tentative de putsch du 13 avril dernier, Idriss Déby s’est lancé dans une répression sanglante tous azimuts et a multiplié les purges autour de lui. Bien triste époque nous rappelant celle d’un certain président Tombalbaye, officiellement « effacé » il y a de cela une trentaine d’années par sa garde personnelle…

La France, meilleur soutien d’Idriss Déby, a plaidé pour des élections présidentielles suivies d’un « dialogue le plus large possible » (comme à Djibouti !!!). Mais l’on dit qu’à Paris, des voix commenceraient à remettre en cause la stratégie du « tout-Déby ».

« Commenceraient » !!!.

En matière de politique ainsi va celui qui pense monter, il ne s’arrête jamais, allant de « commencement en commencement » par des commencements qui n’ont pas de fin….

Rien d’important ne se passe tant au Tchad qu’à Djibouti. Dormons en paix !