24/06/06 (B356_A) Confusion somalienne : comment s’y retrouver dans les enjeux géopolitiques. L’équipe de l’ARDHD tente, avec beaucoup de modestie, de comprendre ce qui se joue en ce moment. Le risque d’embrasement de toute la région est sérieux.

Depuis la chute de Siad Barreh, la Somalie a été livrée aux désordres. Plusieurs candidats à la succession, soutenus par leurs tribus, se sont affrontés militairement, ce qui a définitivement ruiné le pays.

Les occidentaux, conduits par les forces US ont débarqué pour tenter de conduire des opérations humanitaires. Ils l’ont fait en pleine nuit, afin que les images passent au JT américain du soir …. Qui ne souviendrait pas de l »image ridicule de Kouchner débarquant avec un sac de riz sur le dos …. Bref un débarquement à grand spectacle, qui s’est soldé deux ans plus tard par « un repli stratégique » (comme disent les militaires lorsqu’ils abandonnent, vaincus, le terrain de bataille). Car les forces occidentales ont perdu une bataille en Somalie.

Les Américains n’ont jamais oublié cette défaite, eux qui n’ont plus jamais gagné aucune bataille depuis les exploits de la dernière guerre mondiale où courage, efficacité et détermination étaient des valeurs réelles pour combattre le nazisme et les dictatures afin de libérer l’Europe.

Ensuite il y a eu la grande comédie d’Arta où Guelleh distribuant les subventions internationales (après avoir conservé sa part du gâteau), a réussi à faire accoucher un Président du Gouvernement de transition, véritable Président d’opérette, non reconnu et sans pouvoir.

Bref, on ne peut pas dire que la situation était en voie de normalisation, mais les combats et le nombre d’attentats étaient en diminution. Un calme, relatif certes, mais un calme ….

Une information avait retenue notre attention lors de l’invasion de l’Afghanistan par les troupes alliées, à dominante américaine. Une agence de presse crédible avait signalé, juste avant le lancement des opérations, que deux avions de tourisme avait décollé et qu’ils avaient réussi à rallier la Somalie. Qui était à bord ? Ben Laden, des hommes à lui ? La question doit être posée.

Ben Laden, s’il est vivant, ce que semblent accréditer les autorités américaines qui authentifient les vidéos retransmises par la chaîne Al Jezira, est-il réfugié en Somalie dans un lieu secret où il serait difficilement repérable, en dépit des moyens techniques utilisés par les Américains ? Bien sur, nous n’avons pas la réponse.

Mais l’installation en urgence absolue des Américains à Djibouti, pourrait apporter un début de réponse. Les Américains n’ont jamais caché qu’ils souhaitaient surveiller la Somalie et accessoirement le Yémen, sans se salir les pieds. Ont-ils une peur bleue de retourner en Somalie ? Ce n’est pas impossible.

Guelleh y a trouvé son compte, puisque faisant chanter Américains et Français, il a fait relever les loyers qu’il perçoit pour les bases respectives : concurrentes et amies, amies et concurrentes …

Guelleh aurait continué à approvisionner en armes certaines milices somaliennes (favorables ou non au Président issu du processus tant critiqué d’Arta ?). Ces armes provenant d’Afrique du Sud ont certainement transité par Djibouti, en contravention avec l’embargo voté par l’ONU. Il est probable aussi que des armes venant des pays de l’Est de l’Europe soient aussi parvenues sur le terrain …

On sait que Guelleh n’a aucun état d’âme, aucune conviction personnelle, aucun sens du respect de l’engagement personnel. C’est un mercenaire, petit bras, qui ne joue que pour son intérêt personnel. Donc il a du approvisionner tous ceux qui pouvaient payer .. Point final ! Tu me payes, je te livre des armes !

Les événements se sont corsés lorsque les Américains (avec leur manque incurable d’appréciation du terrain) ont choisi de financer les milices somaliennes (officiellement en argent uniquement, mais ce n’était certainement pas pour acheter des croissants au beurre ..) en échange d’une traque des extrémistes musulmans et des sympathisants d’Al Qaïda (Ben Laden ?). L’argent américain a certainement intéressé Guelleh, qui a du se précipiter pour approvisionner les chefs de milice à prix fort, récupérant ainsi, indirectement l’argent américain.

De nouveau armés, les chefs de milice sont aussitôt repartis au combat à la tête de leurs troupes respectives. L’objectif officiel était d’anéanter les extrémistes islamiques et leurs proches, mais ils devaient avoir aussi des objectifs secondaires, comme par exemple, celui de prendre le leadership sur la milice voisine. Bref les Américains ont contribué une nouvelle fois à générer une grande confusion. Les milices mal coordonnées, parce que fondamentalement concurrentes, ont perdu les batailles successives de Mogadiscio et de Jowhar.

Les forces extrémistes dites des tribunaux islamiques, mieux dirigées, ont gagné la bataille, signifiant un nouveau et grave revers pour les Américains qui avaient financé et soutenu les forces défaites militairement …

Et Guelleh ?

Pendant ce temps, il n’a pas récupéré ne serait-ce qu’un minimum d’état d’âme ! Il ne faut pas rêver ! Oubliant ses anciens clients, il a pris position récemment en faveur des tribunaux islamiques et de leurs forces ! Tournant sa veste comme d’habitude, a-t-il renversé ses alliances ? Oui et non, parce que ses alliances ne durent que le temps d’une discussion … Mais

– il continue à bénéficier de l’argent américain et à recevoir des délégations US avec lesquelles il parle officiellement de renforcement des relations bilatérales, recevant même un message personnel de Bush … dont le contenu n’a pas été divulgué (engueulade de Bush ? pourquoi pas !! Tout est possible !)

– il soutient les forces extrémistes, adversaires des chefs de milice soutenus par les Américains.

– il dénonce l’Ethiopie en affirmant, comme le font les tribunaux islamistes que les forces militaires de ce pays auraient franchi la frontière somalienne. Vrai ou faux : il faudrait être sur le terrain. Mais il est certain que les Ethiopiens ont été obligés de concentrer des troupes à la frontière avec la Somalie … pour faire face à toute éventaulité, d’autant plus que leur antipathie pour les extrêmistes musulmans est bien connue.

C’est là que l’on découvre que cette concentration importante des troupes éthiopiennes donne un peu d’air à l’Erythrée qui voit l’étau se desserrer … Et le Président érythréen n’est-il pas un ami de Guelleh ??? CQFD Imaginez que le Président érythréen en profite pour lancer une offensive à la frontière ?

Curieusement les Français sont bien muets … sont-ils inactifs pour autant ?

Et le Somaliland, tantôt objet des critiques les plus vives, tantôt félicité pour le rétablissement d’un état viable. Muet aussi ?

Cette modeste contribution a été rédigée par l’équipe de l’ARDHD sur la base des informations dont nous disposons et des discussions avec plusieurs observateurs de la situation.

Il est possible que nous nous trompions sur certains points précis, mais dans l’ensemble, l’analyse devrait être conforme à la situation. En tout cas, désordre et confusion sont les maîtres mots pour désigner la situation en Somalie, dont les enjeux géopolitiques dépassent le cadre du pays, pour concerner effectivement toute la région de la Corne.