03/02/07 (B381) LE MONDE / Le déploiement d’une force de paix africaine en Somalie prend du retard

En clôture
du sommet de l’Union africaine (UA), le nouveau président de l’organisation,
le Ghanéen John Kufuor, a appelé, mardi 30 janvier, les chefs
d’Etat du continent à fournir des troupes pour constituer une force
de paix de 8 000 hommes en Somalie.

Le projet
de l’UA prévoit le remplacement, après six mois de déploiement,
de cette force africaine par des casques bleus – une décision qui reviendra
au Conseil de sécurité des Nations unies. "Nous ne sommes
pas enthousiastes à l’idée d’aller en Somalie", admet un
haut responsable de l’ONU.


L’objectif de la nouvelle force serait de stabiliser le pays dans le sillage
du retrait des troupes éthiopiennes qui, fin décembre 2006,
ont chassé du pouvoir les Tribunaux islamiques, au profit d’un gouvernement
de transition.

La mission
est dangereuse. Dans un message vidéo disponible sur un site islamique,
des combattants cagoulés se réclamant d’un Mouvement de résistance
populaire ont menacé, mardi, de transformer le pays en cimetière
des forces de paix qui s’y déploieraient.

Déjà,
les promesses d’aide de plusieurs gouvernements africains tardent à
se matérialiser. L’Ouganda attend une décision de son parlement
pour autoriser le déploiement, d’ici une quinzaine de jours, de 1 500
hommes, tandis que le Malawi, le Nigeria et le Ghana pourraient fournir près
de 800 hommes chacun. Au total, seule la moitié des effectifs semble,
pour le moment, assurée.

Selon
Jendayi Frazer, l’envoyée américaine à Addis-Abeba, le
vide créé par le retrait éthiopien risque de permettre
"aux terroristes" de "reconstituer leurs forces". Washington
devrait fournir une aide technique et financière à la nouvelle
force, qui pourrait aussi bénéficier d’un soutien logistique
du Rwanda, de l’Afrique du Sud, de l’Algérie, de l’ONU et de l’Union
européenne (UE).

"Pour
que l’ONU et l’UA réussissent, il faut un processus politique",
prévient le responsable des opérations de maintien de la paix
de l’ONU, Jean-Marie Guéhenno.

Cédant
aux pressions occidentales, le président somalien, Abdullahi Yusuf,
a annoncé, mardi, la convocation prochaine d’un "congrès
national de réconciliation" qui devrait rassembler, dans les prochaines
semaines, les chefs de clans, les responsables religieux du pays et des représentants
de la société civile. Le dirigeant somalien n’a toutefois pas
précisé s’il entendait inclure les éléments modérés
des Tribunaux islamiques, comme le réclament l’ONU et l’UE.

"Il
y a beaucoup à faire pour que, dans six mois, les conditions soient
réunies (pour déployer des casques bleus)", estime François
Lonseny Fall, le représentant de l’ONU pour la Somalie. Avec déjà
plus de 100 000 personnes déployées dans le monde (en Afrique,
pour les deux tiers), le département du maintien de la paix des Nations
unies est de plus en plus sollicité. "On a tendance à penser
qu’il suffit de jeter des troupes à la face d’un problème pour
qu’il disparaisse", observe, à New York, un fonctionnaire de l’ONU.
"On ne peut pas se substituer à un processus politique, poursuit-il.
Regardez ce qui se passe en Irak, en Afghanistan." Et d’ajouter : "L’ONU
ne se déploie pas en tirant sur tout ce qui se bouge, mais parce que
les parties coopèrent."

Dans l’euphorie
de l’après-guerre froide, le Conseil de sécurité avait
multiplié les opérations de maintien de la paix. Certaines,
au Rwanda, en Bosnie ou en Somalie, se sont soldées de manière
tragique et ont laissé des traces parmi les pays contributeurs de troupes.
L’organisation en a tiré les leçons.

"Pour
qu’une opération de maintien de la paix fonctionne, il faut au minimum
un cessez-le-feu", rappelle le responsable de l’ONU. Selon ce spécialiste,
"au Darfour, on est obsédé par le nombre de casques bleus,
mais si on ne réunit pas les gens autour de la table, on n’ira nulle
part".

Le Conseil
de sécurité fait aussi pression sur les Nations unies pour déployer
une force à la frontière entre le Tchad et le Soudan, dans un
contexte jugé dangereux par les experts de l’ONU. "Les pays membres
du Conseil de sécurité sont prêts à envoyer des
Bangladais ou des Sénégalais au casse-pipe mais, s’insurge le
haut fonctionnaire, aucun d’eux n’a proposé un seul homme."

Philippe
Bolopion