19/04/07 (B391) RSF / ETHIOPIE :Les deux journalistes érythréens capturés en Somalie apparaissent dans une vidéo diffusée sur un site progouvernemental

Des
images de Tesfalidet Kidane Tesfazghi, cameraman de la chaîne de télévision
publique érythréenne Eri-TV, et du journaliste Saleh Idris Gama,
ont été diffusées le 13 avril 2007 dans une vidéo
diffusée sur un site progouvernemental éthiopien.

"Nous sommes certains de l’identité de nos deux confrères
et de leur qualité de professionnels des médias, envoyés
en Somalie pour la chaîne de télévision qui les emploie.
Que des étrangers, notamment des Erythréens, aient combattu
aux côtés de l’Union des tribunaux islamiques et soient aujourd’hui
prisonniers de guerre est une chose. Mais Tesfalidet Kidane et Saleh Idris
Gama ne sont pas des combattants et ne doivent pas servir d’instruments dans
les règlements de comptes entre l’Ethiopie et l’Erythrée",
a déclaré l’organisation.

Un documentaire en trois parties, dénonçant l’implication
directe de l’Erythrée dans les combats de décembre 2006 en Somalie,
aux côtés de l’Union des tribunaux islamiques (UTI), a été
posté sur le site progouvernemental éthiopien Waltainfo.com.

Le film, légendé par un copyright de la chaîne de télévision
publique éthiopienne ETV, dénonce la présence en Somalie
de "combattants étrangers", capturés pendant les combats
par les armées éthiopienne et somalienne.

Le commentaire s’en prend particulièrement au président érythréen,
Issaias Afeworki, en s’appuyant sur les interviews de ressortissants de son
pays, dont les deux journalistes. Leur passeport érythréen est
filmé. Leur récit, recueilli en tigrinya, est traduit simultanément
en amharique.

Vêtu d’une veste de survêtement bleu, Tesfalidet Kidane qui, selon
l’un de ses amis vivant en exil, "semble fatigué", raconte
qu’au mois de décembre 2006, il a été convoqué
à l’aéroport d’Asmara pour se rendre dans un lieu indéterminé.
Il raconte qu’il ne s’est rendu compte de sa destination qu’à l’atterrissage
à Mogadiscio. Dans un passage non traduit en amharique par les auteurs
du film, Tesfalidet Kidane évoque le fait qu’à son arrivée
en Somalie, il avait "posé [sa] caméra sur le sol",
accompagnant son récit d’un geste des mains imitant la pose d’un objet.

Son interview, tournée pendant sa détention en Ethiopie, est
pourtant légendée par l’inscription : "Tesfalidet Kidane
Tesfazghi, capturé pendant la guerre, soldat ‘shabia’" (littéralement
"populaire", surnom du régime érythréen). "Tesfalidet
Kidane est un cameraman titulaire d’Eri-TV et a déjà été
plusieurs fois arbitrairement incarcéré, en 2005 et 2006, par
le gouvernement érythréen", a déclaré son
ami à Reporters sans frontières.

"Ce n’est pas une surprise que les journalistes n’aient pas été
prévenus de leur destination finale. C’est une pratique ordinaire au
sein des médias publics, lorsque le ministère de l’Information
souhaite conserver le secret", témoigne un ancien journaliste
d’Eri-TV en exil, consulté par Reporters sans frontières. "Cela
m’est arrivé plusieurs fois d’être convoqué quelque part
dans le pays, sans savoir pourquoi." Le même journaliste ajoute
que la chaîne de télévision, qui n’a pas les moyens de
diffuser en direct depuis l’étranger, "a probablement décidé
d’envoyer une équipe en Somalie en anticipant une victoire de l’UTI
sur le gouvernement fédéral de transition".

Saleh Idris Gama, présentateur d’une émission d’information
sur la jeunesse "patriotique" sur Eri-TV, est présenté
comme un "lieutenant et administrateur de brigade, capturé durant
la guerre en Somalie". Des images de ses émissions passées,
où le présentateur porte l’uniforme érythréen,
sont reproduites dans le film. Son récit est sensiblement le même
que celui de son confrère, Tesfalidet Kidane. Lors de son interview
pendant sa détention en Ethiopie, Saleh Idris Gama est vêtu d’une
chemise claire et semble en bonne santé.