03/05/07 (B393-B) AFP Somalie : Mogadiscio panse ses plaies (Info lectrice)
Par
Michel CARIOU
MOGADISCIO (AFP) – A califourchon sur le toit d’un entrepôt,
un homme fixe des tôles pour remplacer celles qui ont été
emportées la semaine dernière par le déluge d’artillerie
qui s’est abattu sur le quartier du stade de Mogadiscio: hésitant à
croire à la fin des combats, rares sont les habitants qui l’imitent.
Sur le grand boulevard de la zone industrielle qui longe le bâtiment,
seuls quelques piétons se hasardent. D’ordinaire très
animée sur cette artère du sud de la ville, la circulation se
limite à de rares voitures et bus qui ramènent des poignées
d’habitants du quartier, quasi vidé de sa population.
Pourtant la voie est libre depuis que l’armée éthiopienne et
les forces gouvernementales somaliennes ont délogé les insurgés
de la zone la semaine dernière lors de combats extrêmement intenses.
L’armée éthiopienne est intervenue officiellement en Somalie
fin 2006 pour déloger les tribunaux islamiques, qui contrôlaient
plusieurs régions du pays, en guerre civile depuis 1991.
Selon une organisation somalienne des droits de l’Homme, au moins 800 personnes
– en majorité des civils – ont été tuées lors
de deux offensives en mars et avril de l’armée éthiopienne à
Mogadiscio.
Depuis la fin des combats, les bulldozers ont achevé de déblayer
les fortifications érigées par les insurgés sur la chaussée.
Leurs vestiges – blocs de pierres, tonnes de terre, épaves de blindés
détruits lors de précédentes batailles – ont été
dégagés.
Près d’un amas de gravats, un commerçant balaie mécaniquement
devant sa boutique aux murs jaunes. Le toit a disparu et l’intérieur
est entièrement carbonisé.
« Les gens hésitent à revenir, après toutes ces destructions
et ces morts. Et ils ne savent pas si c’est fini », malgré les
appels du gouvernement aux quelque 400.000 personnes déplacées
de rentrer à Mogadiscio, commente Ahmed Hiddig, dont le quartier a
été épargné.
Quelque 300.000 autres personnes ont aussi été déplacées
à l’intérieur de la ville, selon l’ONU.
Un désastre humanitaire guette
la Somalie, selon les organisations humanitaires, qui soulignent que les déplacés
manquent de tout ou presque.
Tout le long du boulevard de la zone industrielle, des immeubles éventrés
par des obus, du bitume calciné. Même l’hôpital Arafat
a été touché: le château d’eau de l’établissement
a été frappé de plein fouet par un obus.
Le calme revenu, les forces gouvernementales et éthiopiennes se font
rares.
Quelques voitures chargés de soldats. Des militaires, semblant désoeuvrés,
marchent entre immeubles et vastes terrains vagues couverts d’arbustes épineux.
Mais l’armée d’Addis Abeba est toujours là.
Elle a enterré ses positions à l’écart du boulevard,
bloquant leurs accès.
Passant devant l’entrée principale de l’ex-ministère de la Défense,
base des Ethiopiens, les chauffeurs de taxi prennent soin de baisser leurs
vitres fumées. « Les soldats veulent voir », explique un conducteur.
Passé l’usine Coca-Cola, le boulevard mène aux quartiers nord
et aux autres anciennes positions des insurgés. Un barrage éthiopien
hermétique veille. Pas un seul véhicule ne passe. Les bus déposent
leurs passagers et font demi-tour.
Le réaménagement des positions défensives n’est toujours
pas terminé dans le nord. Soldats éthiopiens et gouvernementaux
veulent éviter toute mauvaise surprise.
« Les Ethiopiens doivent partir maintenant que le gouvernement
dit que les insurgés ont été vaincus », estime Ahmed
Hiddig, qui a du mal à cacher un certain ressentiment envers les insurgés:
« Ils ont dit qu’ils allaient chasser les Ethiopiens mais ils savaient
qu’ils n’étaient pas assez forts.
Et il y a eu tous ces morts. On ne peut plus supporter beaucoup de guerre,
après 16 ans » de guerre civile.