03/05/07 (B393-B) EUROPE 1 : Affaire Borrel : des juges à la porte de l’Elysée. (Comment les choses se sont déroulées sur le terrain)

Deux
juges d’instruction ont vainement tenté mercredi matin de perquisitionner
à l’Elysée dans une enquête concernant d’éventuelles
pressions sur la justice en marge de l’enquête sur la mort du juge Bernard
Borrel à Djibouti en 1995. Fabienne Pous et Michèle Ganascia,
qui se sont vus opposer l’article 67 de la Constitution, voulaient fouiller
les locaux de la cellule « Afrique » de l’Elysée.

L’Elysée
a refusé l’entrée mercredi des magistrates Fabienne Pous et
Michèle Ganascia en évoquant la Constitution. Cet épisode,
qui survient à quatre jours du second tour de l’élection présidentielle,
est une première dans l’histoire de la Ve République. Accompagnées
d’experts et de policiers, les magistrates sont arrivées devant l’entrée
annexe de l’avenue de Marigny peu après 10h00, alors que débutait
le dernier conseil des ministres de la présidence Chirac. Elles voulaient
fouiller les locaux de la cellule « Afrique » de l’Elysée.
Se fondant sur le code de procédure pénale, elles ont ensuite
requis le feu vert du gouvernement militaire de Paris pour se voir accorder
l’accès aux locaux, le palais de l’Elysée étant juridiquement
considéré comme zone militaire.

Pendant une heure et demie, les juges ont patienté dans l’enceinte
du palais avec leurs greffiers, sans pouvoir accéder à la cellule
Afrique. L’Elysée a mis fin aux discussions au bout d’une heure et
demie. « Il leur a été précisé qu’en vertu
de l’article 67 de la Constitution, il ne pouvait être fait droit à
leur demande », a-t-on expliqué à l’Elysée. L’article
67 stipule que le Président de la République ne peut pas durant
son mandat « être requis de témoigner, non plus que faire
l’objet d’une action, d’un acte d’information, d’instruction ou de poursuite ».

Dehors, les avocats de la partie civile, Mes Olivier Morice et Jean-Luc Forget,
restés à l’extérieur avec des experts informatiques accompagnant
les juges, ont protesté, assurant même qu’une magistrate avait
été bousculée par un gendarme. Evoquer l’article 67 de
la Constitution est pour lui hors-sujet. « Il ne s’agissait pas de venir
dans le bureau du président de la République. Nous sommes scandalisés,
c’est intolérable », a dit à la presse Me Morice.

Les 19 et 20 avril dernier, les magistrates avaient déjà perquisitionné
le Quai d’Orsay et le ministère de la Justice dans la même affaire,
emportant de nombreux documents. Ce dossier visant de supposées « pressions
sur la justice » de la part du pouvoir politique a été ouvert
en mars en marge de l’enquête sur la mort du magistrat français
Bernard Borrel à Djibouti en 1995. Le corps de ce coopérant
français et conseiller technique auprès du ministère
de la Justice djiboutien avait été retrouvé carbonisé
en octobre 1995.

L’hypothèse du suicide avait été d’abord retenue mais
après la piste criminelle est désormais suivie, après
des expertises médico-légales. Certaines dépositions
laissent croire à un assassinat politique sur ordre du pouvoir djiboutien.
Après une plainte de la veuve du juge Borrel, l’information ouverte
en février chez les juges Pous et Ganascia vise un ancien porte-parole
du ministère français des affaires étrangères,
Hervé Ladsous. Il est mis en cause pour un communiqué officiel
du 29 janvier 2005 où il assurait qu’une copie du dossier relatif au
décès du juge Borrel serait transmise à la justice djiboutienne.
Cette transmission a été refusée par la juge chargée
de l’affaire principale, Sophie Clément.

L’affaire Borrel est sensible diplomatiquement, Djibouti abritant la principale
base militaire française en Afrique. Le 14 février, la juge
Clément a convoqué en vain comme témoin le président
djiboutien Ismaël Omar Guelleh, de passage à Cannes pour un sommet
franco-africain. Ce dernier dément toute implication dans l’affaire
Borrel.