13/07/07 (B403) Le POINT avec REUTERS / Nouveau témoignage contesté dans l’affaire Borrel

Le magistrat Bernard Borrel menait une enquête sur l’actuel président djiboutien Ismaël Omar Guelleh quand il a été tué en 1995 dans ce pays de la corne de l’Afrique, selon le témoignage d’un militaire versé au dossier.

Me Olivier Morice, avocat de la veuve du magistrat, estime qu’il s’agit d’un "tournant dans l’affaire". Le procureur général de Djibouti, Djama Souleiman Ali, conteste la validité de ce témoignage et estime que l’enquête sombre dans une "tragique comédie".

La nouvelle déposition qui implique directement le président djiboutien dans le crime a été enregistrée le 27 juin par la juge Sophie Clément, mais le nom cet officier, ancien adjoint au chef des bureaux des renseignements militaires à Djibouti, n’est pas cité.

"Le ministre de la Justice (djiboutien) Moumin Badon Farah avait chargé M. Borrel de constituer un dossier sur l’ensemble des trafics auxquels Ismaël Omar Guelleh était mêlé. Il s’agissait d’avoir des arguments pour écarter IOG de la course au pouvoir", a-t-il dit.

Ismaël Omar Guelleh est devenu président de Djibouti en 1999 et a été réélu en 2005. Il nie toute implication dans la mort du magistrat français.

"IOG participait à un certain nombre de trafics qui incluaient des coopérants français. Agir contre lui dérangeait par conséquent tant la communauté djiboutienne que la communauté française", a ajouté le témoin.

Pour le procureur de Djibouti, ce témoignage tardif n’est guère crédible puisque Bernard Borrel lui-même, et sa veuve dans un livre publié dernièrement sur l’affaire, ont fait état de relations conflictuelles avec le ministre Moumin Farah.

Bernard Borrel, qui travaillait au titre de la coopération à Djibouti pour la réécriture du code pénal, s’était ouvert de ces problèmes auprès de Jacques Mouline, chef de la mission de coopération à Djibouti et souhaitait rentrer en France.

"Par ailleurs, on voit difficilement comment le conseiller technique Bernard Borrel, n’ayant aucun pouvoir juridictionnel ou d’investigation, n’ayant aucune autorité sur aucun service à Djibouti, ne parlant pas les langues locales, ait pu effectuer des enquêtes dans les milieux djiboutiens", dit Dajma Souleiman dans un communiqué.

Le corps à demi-calciné de Bernard Borrel a été trouvé en octobre 1995 à l’extérieur de Djibouti. La thèse du suicide a d’abord été retenue, puis c’est celle de l’assassinat qui est apparue, en raison d’expertises médico-légales.

La piste d’un meurtre sur commandite politique figure dans le dossier.

Elle est fondée sur le témoignage contesté d’un ancien militaire djiboutien qui déclare avoir entendu Ismaël Omar Guelleh parler de l’assassinat du juge avec ses exécutants, le soir des faits.

Ce témoignage est discuté.

Le dossier a provoqué une crise entre Paris et Djibouti, où se trouve la principale base militaire française en Afrique.

Nicolas Sarkozy a marqué un tournant dans l’affaire en recevant pour la première fois la veuve du juge à l’Elysée, le 19 juin. Le soir même, le parquet de Paris a publié un communiqué déclarant que la thèse de l’assassinat était officiellement retenue.